avec lequel ils les exercent. Saül cherchant les afnes de fon Pére, trouva le Royaume d'Ifraël: Rebecca abreuvant les Chameaux d'Abraham, devint l'Epoufe de fon Fils: Ruth glanant aprés les moiffonneurs de Booz, & fe couchant à fes pieds, devint fon Epoufe. Certes les prétentions fi hautes, que que l'on a fur ces états extraordinaires de la perfection, font fujettes à beaucoup d'erreurs & d'illufions: Et il arrive quelque fois, que ceux qui penfent être des Anges, ne font pas feulement des hommes aux yeux de Dieu; & qu'il y a plus en leur fait d'affectation de paroles magnifiques, que de folidité de penfée & d'action. Il ne faut pourtant rien méprifer, ni cenfurer témé rairement: Mais en béniffant Dieu de la furéminence des autres, demeurons avec humilité dans nôtre voye, moins excellente, mais plus proportionnée à nôtre petiteffe, plus baffe, mais plus feûre; perfuadez que fi nous y marchons avec une humble fidélité, Dieu nous élevera à des grandeurs qui pafferont de beaucoup les plus grandes efpérances. CHAPITRE III De la Patience. A Patience, dit l'Apôtre, vous Left nécessaire; afin qu'accomplisfant la volonté de Dieu, vous en obteniez la récompenfe qu'il nous a promife: Ouy, nous a dit Jefus-Chrift, vous poffederez vos ames par la patience. C'est le grand bon-heur de l'homme, Philothée que de poffeder fon cœur : Or eft-il qu'a proportion que la patience eft plus parfaite en nous, nous le poflédons plus parfaitement; il faut donc perfe tionner cette vertu en nous. Souvenezvous encore que nôtre Sauveur nous ayant mérité les graces du falut par la patience de toute fa vie & de fa mort, nous devons auffi nous les appliquer par la patience la plus conftante & la plus douce, dans les afflictions, dans les miféres, & dans les contradictions de la vie. Ne bornez pas vôtre patience à de certaines peines; mais étendez-là universellement à tout ce que Dieu vous en envoyera, ou permettra qu'il vous vienne d'ailleurs. Il y a bien des gens qui veulent affez fouffrir les peines, lefquelles portent quelque caractére d'honneur: Avoir été bleffé dans une bataille; y avoir été fait prifonnier en faifant bien fon devoir; être maltraité pour la Religion; avoir perdu fon bien pour une querelle d'honneur, dont on eft forti avec avantage; tout cela leur eft doux, mais c'est la gloire qu'ils aiment, & non pas la peine. L'homme véritablement patient porte avec une même égalité d'efprit les peines ignominieufes, & celles qui font honorables: Eftre méprifé, blâmé, & accufé par des hommes vitieux & libertins; c'eft un plaifir à une grande ame: Mais fouffrir ce mauvais traitement de la part des gens de bien,de fes amis, ou de fes parents, c'eft une patience héroïque. C'est pourquoy j'eftime plus le Bienheureux Cardinal Borromée d'avoir fouffert en filence,avec douceur & longtemps les invectives publiques, qu'un célébre Prédicateur d'un Ordre extré mement réformé faifoit contre luy en chaire; que d'avoir foûtenu ouvertement les infultes de beaucoup de libertins Car comme les piqueures des Abeilles font plus cuifantes, que celles : des mouches; ainfi les contradictions que l'on reçoit des gens de bien, font plus fenfibles, que celles qui viennent des partifans du vice: Et cependant il arrive fouvent, que deux hommes de bien, tous deux bien intentionnez dans la diverfité de leurs opinions, fe font beaucoup de peine l'un àl'autre. peu Ayez de la patience, non-seulement pour le mal même que vous foutfrez; mais encore pour toutes les circonstances & fes fuites: Plufieurs s'y trompent, qui voudroient affez avoir du mal, fans en être incommodez. Je ne m'affligerois pas, dit l'un, d'être devenu pauvre ; fi ce n'étoit que la pauvreté m'empefche de fervir mes amis, d'élever mes enfants, & de vivre avec un d'honneur: Et moy, dira l'autre, je m'en inquiéterois fort peu; fi je ne voyois que l'on impute mon malheur à mon imprudence: Et moy, dira encore un autre, je ferois peu touché de cette médifance; fi elle n'avoit pas trouvé de croyance dans les efprits. Il y en a beaucoup qui veulent bien fouffrir une partie des incommoditez que porte leur peine, mais non pas toutes; & qui difent qu'ils ne s'impatientent pas d'être malades, mais de ce que les autres en ont la pei ne, ou bien de ce que l'argent leur manque pour le faire aider. Or je dis, fe Philothée, que la patience nous oblige à vouloir être malades comme Dieu le veut, de la maladie qu'il veut, au lieu où il veut, avec les perfonnes & dans toutes les incommoditez qu'il veut; & voila la regle univerfelle de la patience. Quand il vous arrivera du mal, apportez-y tous les remédes que vous pourrez felon Dieu; car en attendre le foulagement, fans vous aider vous-même, ce feroit tenter Dieu: Mais aprés cela réfignez-vous à tout; & fi les remédes chaffent le mal, remerciez-le avec humilité; file mal eft plus fort que les remedes, béniffez-le avec patience. Je me tiens au fentiment de S. Grégoire: Lorfque l'on vous accufera, ditil, d'une faute véritable; humiliezvous-en, & confeffez que vous méritez quelque chofe de plus que cette confufion: Sil'accufation eft fauffe; juftifiezvous avec beaucoup de douceur; puifque vous devez cela à l'amour de la vérité, & à l'édification du prochain, Mais fi vôtre juftification n'eft pas reçûë, ne vous troublez pas; & ne faites plus de vains efforts en faveur de vôtre innocence; puifqu'aprés avoir |