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été chérie par les Saints & par les Saintes, comme elle a fait les délices du cœur de Jefus & de fa fainte Mére.

Nous appellons vaine gloire, celle que nous nous donnons, foit pour les chofes qui ne font point en nous; foit pour celles qui étant en nous, ne font pas proprement à nous, & ne viennent pas de nous; foit pour beaucoup d'autres qui étant en nous & à nous, ne méritent pas que nous nous en faffions honneur. La nobleffe de la naiffance, la faveur des grands, & l'applaudifle ment du peuple, tout cela eft hors de nous, dans nos anceftres, ou dans l'eftime des autres hommes; pourquoy s'en glorifier? Il y a bien des gens à qui la richeffe & la parure des habits, l'éclat d'un brillant équipage, la propreté d'un ameublement, l'avantage d'avoir de bons chevaux, donne de la fierté : Qui eft-ce qui ne voit pas en cela la fo lie de ces hommes ? Combien y cn-a-il qui s'entêtent d'une vaine complai fance d'eux-mêmes pour avoir de beaux. cheveux, de belles dents, ou de belles mains, quelque avantage pour un jeu, quelque agrément pour chanter, quel que difpofition à bien danfer? Mais quelle baffeffe d'efprit & de cœur, que

de vouloir établir leur honneur fur des chofes fi frivoles? Combien d'autres fe font à leur efprit même un charme de leur prétendue beauté ? Et combien encore, à qui un peu de fcience jointe à beaucoup de vanité donne un tour fi ridicule parmi les autres hommes dont ils veulent fe faire refpecter comme des maîtres, que le nom de pédant eft tout l'honneur qu'ils en reçoivent? En vérité tout cela eft bien fuperficiel, fort bas,& rés-impertinent: Cependant, Philothée, c'eft fur tout cela que roule la vaine gloire.

L'on connoît le vray bien à la même épreuve que le vray Baume: L'on fait l'effay du baume en le diftillant dans de l'eau; s'il va au fond, l'on juge qu'il eft pur, trés-fin, & d'un grand prix; au contraire s'il furnage, Fon juge qu'il eft ou altéré ou contrefait. Voulez-vous donc fçavoir fi un homme eft véritablement fage, fçavant, noble, géné reux? Examinez fi ces bonnes qualitez font accompagnées d'humilité, de modeftie, & de foumiffion envers ceux qui font au-deffus de luy; fi cela eft, ce font de vrays biens: Mais fi vous y découvrez de l'affectation à faire paroître ce qu'il croit avoir de bon, dites que

cet homme n'eft qu'un homme fuperficiel; & que ces biens font d'autant moins réels en luy, qu'il affecte de les montrer. Les Perles qui ont été formées en une faifon de vents orageux ou de tonnerres, n'ont que l'écorce de perle fans aucune fubftance: Et toutes les vertus, & les plus grandes qualitez d'un homme qui les enfle de fon orgueil & de fa vanité, n'ont que la fimple apparence du bien, fans aucune folidité. L'on a raifon de comparer les honneurs au Saffran, qui fe fortifie, & vient plus abondamment quand il a été foulé aux pieds. Une perfonne qui eft fiére de fa beauté en perd la gloire : Et celle qui la néglige luy donne plus d'agrément. La fcience nous deshonore, dés qu'elle nous enfte l'efprit: Et elle dégénere en une ridicule pédanterie. Quand le Paon veut fe donner le plaifir de voir fes belles plumes, il fe hérifle toutle corps, & en découvre ce qui cft le plus difforme & le plus hideux.

des

Si nous fommes pointilleux pour préféances, pour des rangs, & des titres; outre que nous aurons le chagrin de faire examiner nos qualitez, & de les voir contestées, nous les rendrons encore méprifables: Car comme il n'y

a rien de plus beau que l'honneur,quand on le reçoit comme un préfent; il n'y a rien auffi de plus honteux, quand on l'exige comme un droit. Il est semblable à une belle fleur, qu'il ne faut ni cueillir, ni toucher; à moins qu'on ne la veüille flêtrir. L'on dit que la Mandragore jette de loin une odeur fort douce; mais que ceux qui veulent la fentir de prés & long-temps, font frappez d'une vapeur maligne, laquelle leur caufe un affoupiffement fort dan gereux. C'eft ainfi que l'honneur fait une douce impreffion fur le cœur de cenx qui le reçoivent comme il se préfente, fans empreffement ni attachement: Mais à l'égard de ceux qui s'em preffent à le chercher, & qui s'y atta❤ chent; il en fort une fumée maligne, laquelle leur porte à la tefte, leur fair perdre l'efprit, & les rend méprisables.

L'amour & la recherche de la vertu commencent à nous rendre vertueux: Mais la paffion & l'emprellement pour la gloire commencent à nous faire méprifer. Les grandes ames ne s'amufent pas à toutes ces bagatelles de préféance, de rang, de falut: Elles fe font des occupations nobles; & cela ne convient

qu'à de petits efprits qui n'ont rien de bon à faire. Comme celuy qui peut faire un riche commerce de Perles, ne fe charge pas de coquilles : Celuy auffi qui s'attache à la pratique des vertus, n'a point d'empreffement pour ces marques d'honneur. J'avoue que chacun peut conferver & tenir fon rang, fans bleffer l'humilité, pourveû que ce foit fans affectation, & fans contestation : Car comme ceux qui viennent du Pérou dans des vaiffeaux chargez d'or & d'argent, apportent encore des Singes & des Perroquets, parce que la dépenfe non-plus que la charge n'en eft pas grande; ainfi ceux qui s'appliquent la vertu, peuvent encore recevoir les honneurs qui leur font dûs › pourveû qu'il n'en coûte pas beaucoup de foin ni d'attention, & que les inquié tudes qui y font ordinairement atta chées, n'accablent pas l'ame de leur poids. Remarquez cependant que je ne parle pas icy, ni des dignitez publi-ques, ni des droits particuliers, dont la confervation ou la perte peuvent avoir de grandes fuites. En un mot, c'eft à chacun de confervér ce qui luy appartient Mais avec un jufte temperamment entre l'intereft, & la cha-

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