tranquillité & la paix; le foin qui en procéde, eft doux, tranquille & paifible, mêine à l'égard des biens du mon de. Ayons donc cette fuavité d'efprit, & cette tranquillité de conduite en tout ce qui eft de la confervation & de l'augmentation de nos biens; felon les befoins véritables, & les juftes occafions que nous en avons : Car enfin Dieu veut que nous en ufions ainsi pour fon amour. Mais prénez garde que l'amour propre ne vous trompe; il contrefait quelquefois fi bien l'amour de Dieu, que l'on diroit que c'eft lui-même: Et pour éviter cette surprise, & le danger qu'il ya que ce foin légitime ne devienne une vraye avarice; il faut outre ce que j'ay dit au chapitre précédent; il faut, dis-je, pratiquer fouvent une maniére de pauvreté réelle & effective, au milieu de toutes les richeffes. Défaites-vous donc fouvent de quelque partie de vos biens, en faveur des pauvres Donner ce que l'on a, c'eft s'appauvrir d'autant; & plus vous donnerez, plus vous vous appauvrirez. Il eft vray que Dieu vous le rendra bien, & en l'autre vie, & en celle-cy; puifqu'il n'y a rien qui fafle plus prof perer le temporel que l'aumône : Mais en attendant que Dieu vous le rende, vous participérez toûjours au mérite. de la pauvreté. O le faint & riche appauvriffement, que l'aumône chré tienne! : Aimez les pauvres & la pauvreté ; & cet amour vous rendra véritablement pauvre Puifque, comme dit l'Ecritu re, nous devenons femblables aux chofes que nous aimons. L'amour met de l'égalité entre les perfonnes qui s'aiment: Qui eft infirme, difoit S. Paul, avec le quel je ne fois pas infirme? Il pouvoit dire: Qui eft pauvre, avec lequel je ne fois pas pauvre ? L'amour le rendoit femblable à ceux qu'il aimoit: Si donc vous aimez les pauvres vous participerez à leur pauvreté, & vous leur ferez femblables Or fi vous aimez les pauvres, prénez plaifir à vous trouver avec eux, à les voir chez vous, à les vifiter chez eux, à traiter volontiers avec eux, à les la fler approcher de vous dans les Eglifes, dans les rues & ailleurs. Soyez pauvre de la langue avec eux leur parlant comme d'égal à égal foyez riche des mains, en leur faifant part de ce que Dieu vous a donné de plus qu'à eux. : Mais Voulez-vous faire encore davantage, Philothée ? Ne vous contentez pas d'être pauvre,comme les pauvres ; mais foyez plus pauvre qu'eux-mêmes: Et comment cela, dites-vous ? Je m'explique Le ferviteur eft inférieur à fon maître, vous n'en doutez pas : Attachez-vous donc au fervice des pauvres ; allez les fervir quand ils font malades dans leurs lits, & de vos propres mains; apprêtez-leur à manger, & à vos dépens; occupez-vous humblement de quelque travail pour leurs ufages. O Philothée! Servir ainfi les pauvres, c'cft regner plus triomphamment que les Rois. Sur cela je ne puis affez admirer l'ardeur de S. Louis, l'un des grands Rois que le Soleil ait jamais veû, mais je dis grand Roy en toute forte de grandeur: Il fervoit trés-fréquemment à table des pauvres qu'il nourriffoit; il en faifoit venir prefque tous les jours trois à la fienne ; & fouvent il mangeoit les reftes de leur potage,avec une affection incroyable pour eux & pour leur états il vifitoit fouvent les hôpitaux ; & il s'attachoit ordinairement à fervir les malades, qui avoient les maux les plus horribles, comme les lépreux, les ulcérez, & ceux qui étoient rongez d'un chancres il leur rendoit ces fervices nu-tête, & à genoux, refpectant en eux le Sauyeur du monde, & les chérissant d'un amour auffi tendre, que celuy d'une mére fon enfant. Sainte Elifabeth pour fille du Roy de Hongrie fe mêloit ordinairement parmi les pauvres, & pour fe divertir avec les Dames de fa maison, s'habilloit quelquefois en pauvre femme, & leur difoit: Si j'étois pauvre, je m'habillerois ainfi. Ó mon Dieu ! O Philothéc , que ce Prince & cette Princeffe étoient pauvres dans leurs richeffes, & qu'ils étoient riches en leur pauvreté Bienheureux ceux qui font ainfi pauvres ; car le Royaume des cieux leur appartient: Pay eu faim, & vous m'avez nourri, leur dira le Roy des Pauvres & des Rois au jour de fon grand Jugement; fay été nud, & vous m'avez vêtu Poffédez le Royaume, qui vous a été préparé dés le commencement du monde. Il n'y a perfonne à qui les commoditez de la vie ne manquent quelquefois en de certaines occafions: On n'aura pas à la campagne ce qu'il faudroit pour bien recevoir fes amis, dont la vifite eft imprévûë; les habits nécessaires se fon les regles de la bien-féance pour paroître avec honneur dans une affemblée, ne fe trouveront pas où l'on fera; les meilleures provifions de vin & de blé font gâtées, & il n'en refte que ce qu'il y avoit de méchant, fans qu'on y puiffe fuppléer, tout manquera dan's un voyage, la chambre, le lit, la nourriture, le fervice. En un mot pour riche que l'on foit, il eft aifé d'avoir fouvent befoin de quelque chofe; & c'est être véritablement pauvre en ces temps-là Philothée, acceptez-en donc l'occafion de bon cœur, & en fouffrez la peine avec joye ; Quand vous ferez quelque perte, grande ou petite, par quelqu'un de ces accidens, dont la vie eft fort mêlée comme une tempefte, le feu, une inondation, la ftérilité, un larcin, un procés: C'est alors le véritable temps de pratiquer la pauvreté, en recevant avec douceur d'efprit cette diminution de vos biens, & vous y accommodant avec toute la fermeté de la patience chrétienne. Efaü fe préfenta à fon pére avec fes mains couvertes de poil, & 1 Jacob en fit autant: Mais parce que le poil qui convroit les mains de Jacob ne tenoit pas à fa peau, mais feulemen |