peuvent plus en fortir. Les autres fe laiffent aller à cela par vanité, perfua dez qu'ils veulent être, qu'il y a de la gloire à s'affujettir un cœur: Et ceuxcy font un grand difcernement des perfonnes, voulant entreprendre celles dont l'attachement leur peut faire plus d'honneur. Dans plufieurs, l'inclination naturelle, & la vanité confpirent également à cette folle conduite: Car bien qu'ils ayent du penchant à aimer, & à vouloir être aimés, ils prétendent cependant l'accorder avec le defir de certe vaine gloire. Ces amitiez, Philothée, font toutes mauvaifes, folles. & vaines: Elles font mauvaises, parce qu'elles fe terminent ordinairement par les plus grands péchez de la chair; & qu'elles dérobent & à Dieu, & à une femme, ou bien à un mari, un cœur & un amour qui leur appartient. Elles font folles, parce qu'elles n'ont ni fondement, ni raifon: Elles font vaines, parce qu'il n'en revient ni utilité, ni honneur, ni joye: Au contraire on y perd le temps, on y expofe beaucoup fon honneur, puis que la réputation en fouffre; & l'on n'en reçoit point d'autre plaifir, que celuy d'un empreffement de prétendre & d'efpérer, fans fçavoir ce que l'on prétend, ni ce qu'on efpére. Ces foibles efprits s'entêtent toûjours de la créance, qu'il y a je ne fçay quoy à defirer en ces témoignages qu'on fe donne d'un amour réciproque; & ils ne peuvent dire ce que c'eft: Malheureux qu'ils font encore en ce point-là que ce defir, bien loin de s'éteindre, agite leur cœur par de perpétuelles défiances, jaloufies, & inquiétudes. Saint Grégoire de Nazianze écrivant fur cela contre ces femmes fi vaines, en parle excellemment bien; & voicy un petit fragment de fon difcours, lequel peut être également utile aux deux fexes. C'eft affe, dit-il à une femme, que vôtre beauté vous rende agréable aux yeux de vôtre mari: Si pour vous attirer une eftime étrangère, vous en éxpofez les attraits à d'autres yeux, comme l'on tend des filets à des Oifeaux qui s'y laiffent prendre : Que croyez-vous qu'il en doive arriver? Indu bitablement celuy à qui vôtre beauté plaira, vous plaira luy-même : Vous rendrez regard pour regard, œillade pour aillade; les doux foufris fuivront les re gards; & ils feront eux-mêmes fuivis de ces demy-mots, qu'une passion naissante arrache à la pudeur. Après cela on se * verra bientôt librement; la liberté tour nera en une mauvaise familiarité d'enjouëmens indifcrets, & puis..... Mais taifez-vous icy, malangue, qui en voulez trop dire; & ne dire; & ne parlez-pas de la fuite. Cependant je diray encore une véri té générale:Jamais rien de toutes ces folles complaisances entre les jeunes gens & les-femmes, foit pour les actions, foit pour les paroles', n'eft exempt de plufieurs atteintes que les fens & le cœur en fouffrent: que tout ce qui fait le commerce des amitiez fenfuelles, fe tient l'un à l'autre, s'entre-fuit par une manière d'enchaî nement; comme un anneau de fer attire par l'aiman, en tire plufieurs d'autres. Parce O que ce grand Evêque en parle bien! Car enfin que penfez-vous faire ? Donner de l'amour feulement ? Vous yous trompez: Jamais perfonne n'en donne volontairement, fans en prendre néceffairement; à ce mauvais jeu, qui prend, eft toûjours pris: Le cœur n'eft que trop femblable à-l'herbe nommée Aproxis, laquelle de loin prend feu, auffi-tôt qu'on le luy préfente. Mais, dira quelqu'un, j'en veux bien prendre, pourveû que ce ne foit pas beaucoup.Hélas que vous vous abufez! Ce feu d'amour eft plus actif & plus pénétrant que vous ne penfez: Si vous croyez n'en recevoir qu'une étincelle, vous vous étonnerez d'en avoir tout d'un coup vôtre cœur embrafé. Le Sage s'écrie: Qui aura compaffion de l'Enchanteur, qui s'eft laiffe piquer par un Serpent ? Et je m'écrie aprés luy : O aveugles & infenfez, penfez-vous done enchanter l'amour, pour en difpofer à vôtre gré? Vous voulez vous divertir avec luy, comme avec un Serpent; il fera couler tout fon poifon en vôtre cœur, par les atteintes les plus piquantes qu'il luy donnera: Alors chacun vous blâmera, de ce que par une téméraire confiance vous aurez voulu recevoir & nourrir en vôtre cœur cette méchante paffion, qui vous aura fait perdre vos biens, votre honneur, & vôtre ame. I O Dieu ! Quel aveuglement que de ifquer comme au jeu, fur des gages fi frivoles, ce que notre ame a de plus cher! Ouy, Philothée; car Dieu ne veut l'homme que pour fon ame : Et il ne veut l'ame que pour fon amour. Hélas! Nous fommes bien éloignez d'avoir autant d'amour, que nous en avons befoin: Je veux dire qu'il s'en faut infiniment que nous en ayons aflez pour aimer Dieu: Et cependant miférables que nous fommes, nous le prodiguons avec un épanchement entier de nôtre cœur fur mille chofes fottes, vaines, & frivoles, comme fi nous en avions de refte. Ah! Ce grand Dieu qui s'étoit réfervé le feul amour de nos ames, en reconnoiffance de leur création, de leur confervation, & de leur redemption, éxigera un compte bien rigoureux de l'ufage & de l'employ que nous en aurons fait. Que s'il doit faire une recherche fi exacte des paroles oifeufes; que fera-ce des amitiez oifeufes, imprudentes, folles, & pernicieuses? Le Noyer nuit beaucoup aux champs, & aux vignes; parce qu'étant fort gros & fort grand, il tire tout le fuc de la terre; qu'il luy fait perdre l'air & la chaleur du Soleil par fon feuillage extrémement étendu & touffu; & qu'il attire encore les paffants, qui pour avoir de fon fruit, y font un grand dégât. C'eftle Symbole des amitiez fenfuelles: Elles occupent fi fort une ame, & épui ent tellement fes forces, qu'il ne luy en refte plus pour la pratique de la Religion: Elles offufquent entiérement la raison par tant de réflexions, |