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qu'une extrême horreur, qui vous af franchiffant de toutes les mauvaises inclinations paffées, ne laiffera tout auplus à vôtre cœur, que les fentimens de la charité chrétienne, que l'on doit à fon prochain quelqu'il foit. Mais fi vôtre pénitence n'eft pas affez forte, pour arracher de vôtre cœur ces mauvaifes inclinations jufques à la racine, voicy les regles que vous devez fuivre : Faites-vous, comme je vous l'ay enfeigné, une folitude intérieure en vous-même; retirez-vous y, & par les plus vifs élancemens de vôtre ame, mille fois réitérez, renoncez à toutes vos inclinations; abjurez toutes les atteintes que vôtre cœur en fentira; donnez plus de temps à la lecture des faints Livres; confeffez-vous plus fouvent, communiez felon vos befoins, & de l'avis de vôtre Directeur; découvrez-luy, ou à une perfonne fidelle & prudente, vos peines, vos tentations, toutes vos difpofitions avec beaucoup d'humilité & de fincérité: Etfivous perfévérez fidellement en ces exercices, ne doutez pas que Dieu ne vous affranchiffe des reftes de vos paffions. Ah! repartez-vous, ne fera-ce point une ingratitude de rompre d'une ma

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niére fi dure? O la bien-heureuse in gratitude que celle qui vous rendra agréable à Dieu! Non, je vous le dis de la part de Dieu, non Philothée, ce ne fera pas une ingratitude, mais un grand bienfait. En rompant vos liens, vous comprez ceux d'un autre; & quoique fonbonheur luy foit caché, ce ne fera pas pour long-temps : Et bien-tôt chacun dira de fon côté en action de graces, comme David: O Seigneur, vous avez rompu mes liens ; je vous en offre un facrifice de louanges, & de reconnoiffance; & deformais j'invoqueray vôtre nom dans une douce & entière liberté.

CHAPITRE XXIL

· Quelques autres avis fur les Amitiez.

L

com

'On ne peut fans une grande munication, ni faire une amitié, ni l'entretenir: Et parce que certe communication eft toujours, ou devient bien-tôt une grande ouverture des cœurs; toutes les inclinations que l'ona de fon fonds, paffent in fenfiblement de l'un à l'autre par une mutuek

le impreffion d'un cœur fur l'autre, & par un reciproque écoulement de fentimens & d'affections.

Cela arrive principalement quand l'amitié eft fondée fur une grande estime Car l'amitié ouvre le cœur, & l'eftime y laiffe entrer tout ce qui fe prefente bon ou mauvais. Les Abeilles ne cherchent que le miel fur les fleurs : Mais fi elles font vénéneufes, elles en prennent auffi tout le venin; Image de F'amitié, qui reçoit infenfiblement le mal avec le bien. Il faut donc, Philo thée, bien pratiquer cette parole que fe Fils de Dieu difoit fouvent, comme la tradition nous l'apprend: So ez de bons changeurs & de bons monno eurs: C'est-à-dire, ne recevez pas la mauvaise monnoye avec la bonne, ni le bas or avec le fin or; feparez ce qui eft précieux, de tout ce qui eft vil & méprifable. En effet il n'y a prefque perTonne qui n'ait quelque imperfection; & quelle raison y a-t-il de recevoir les imperfections d'un ami avec fon amitié: H faut l'aimer quoiqu'il foit impar fait, mais il ne faut ni prendre ni aimer fon imperfection: Puifque l'amitié étant une communication du bien & non pas du mal, l'on doit diftinguer dans un

ami fes bonnes qualitez de fes imperfetions; comme ceux qui travaillent fur le Tage, y féparent l'or du fable. Saint Grégoire de Nazianze rapporte que plufieurs amis de faint Bafile fe firent fes admirateurs, jufqu'à l'imiter dans fes défauts naturels & extérieurs; comme dans fa lenteur à parler, dans fon air rêveur & abftrait, en fa maniére de marcher, & même en celle de porter la barbe: Et nous voyons des maris, des femmes, des amis, prendre ainfi les imperfections les uns des autres, que les enfants celles de leurs péres & méres, par une certaine imitation imperceptible, que l'eftime ou la complaifance infpire & conduit. Or chacun a bien affez de fes mauvaises inclinations, fans fe charger de celles des autres: Et non-feulement l'amitié n'exige rien de femblable; mais au contraire elle veut que nous nous aidions reciproquement à nous défaire de nos défauts. Lon doit affeûrément fupporter avec douceur les imperfections de fon ami; mais il ne faut pas l'y entretenir par flaterie, bien moins les laiffer paffer jufqu'à nous par Complaifance.

Je ne parle que des imperfections

car à l'égard des péchez l'on ne doit pas même les fupporter dans un ami: C'eft une amitié ou foible ou méchante,que de le voir périr fans le fecourir, & que de n'ofer luy donner un avis un peu fenfible pour le fauver. La véritable amitié ne peut fubfifter dans le péché : Parce qu'il la ruine entiérement, com me l'on dit que laSalamandre éteint le feu: Si c'eft un péché paffager, l'amitié le chaffe auffi-tôt par un fage confeil: Mais fi c'eft un péché habituel, il éteint l'amitié, qui ne peut fubfifter que fur la vraye vertu. Il faut donc encore beaucoup moins pécher par raison d'amitié Puifque notre ami devient nôtre ennemi, quand il nous porte au péché ; & qu'il mérite de perdre nôtre amitié, quand il veut perdre nôtre ame. Bien plus, la marque affeûrée d'une fauffe amitié, eft fon attachement à une perfonne vicieufe; & quel que vice que ce foit, nôtre amitié eft -vicieufe: Car n'étant pas établie fur -une vraye vertu, elle ne peut avoir d'autre fondement, que le plaifir fenfuel, ou quelqu'une de ces imperfetions vaines & frivoles, dont je vous ay parlé.

La focieté des Marchands, n'a que

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