Images de page
PDF
ePub

au monde, & que vôtre être n'étoit qu'un vray néant: Où étions-nous, ô mon ame en ce temps-là? Le monde avoit déja subsisté durant une longue fuite de siécles: Et il n'étoit rien de tout ce que nous sommes.

2. Pensez que Dieu vous a tiré de ce néant pour vous faire ce que vous étes, sans que vous luy fussiez nécessaire, & par la seule raison de sa bonté.

3. Formez-vous une noble idée de l'être que Dieu vous a donné: Car il est le prémier & le plus parfait de tous les êtres de ce monde visible; il est créé pour une vie & une félicité éternelle & capable de s'unir parfaitement à la divine Majefté.

AFFECTIONS ET RESOLUTIONS.

1. Humiliez-vous profondément devant Dieu, & dites comme le Pfalmiste : O mon ame sçache que le Seigneur est ton Dien, que c'est luy qui t'a faite, & que tu ne t'es pas faite toy-même : O Dieu je suis l'ouvrage de vos mains. O Seigneur, toute ma substance n'est en vôtre présence qu'un vray néant ; & qui suis-je moy, pour que vous ayez voulu me faire ce bien? Hélas mon ame! Tu étois abîmée dans cet ancien néant ; & tu y ferois en

core, si Dieu ne t'en avoit tirée. 2. Rendez graces à Dieu. O mon Créateur! Vous dont la bonté égale l'infinie grandeur, que je vous suis redevable, pour m'avoir fait par vôtre miféricorde tout ce que je suis ! Que feray-je pour bénir dignement vôtre saint Nom, & pour remercier vôtre immense bonté?

3. Confondez-vous. Mais hélas mon Créateur! Au lieu de m'unir à vous par amour, & par mes services; mes paffions ont révolté mon cœur contre vous, ont éloigné & féparé mon ame de vous; & elle s'est livrée au péché, & dévoiée à l'injustice: Je n'ay non plus respecté ni aimé vôtre bonté, que si vous n'euffiez pas été mon Créateur.

Voicy donc les bonnes résolutions que vôtre grace me fait prendre. Je renonce à ces vaines complaifances, qui depuis si long-temps n'ont occupé mon efprit & mon cœur, que de moy-même, c'est-à-dire de rien. De quoy te glorifiestu, poussière & cendre? Ou plûtôt véritable & miférable néant; qu'as-tu en toy qui puifle te plaire? Je veux m'humilier, & pour cela je feray telle & telle chose; je souffriray tel & tel mépris. Je veux absolument changer de vie: Je suivray desormais ce mouvement d'inclination, que mon Créateur m'a donné pour luy: J'honoreray en moy cette qualité de créature de Dieu, par laquelle je me considereray uniquement; & je consacreray l'être tout entier que j'ay reçû de luy, à l'obéissance que je luy dois, selon les moyens que j'en auray, & dont je me feray instruire par mon Pére spirituel.

CONCLUSION.

1. Remerciez Dieu. Bénis ton Dieu, ô mon ame ; & que tout mon intérieur foit occupé des louanges de son saint Nom, & de la reconnoiffance que je dois à sa bonté, pour le bienfait de ma création.

2. Offrez-vous à Dieu. O mon Dieu, je vous offre tout l'être que vous m'avez donné, avec tout mon cœur, je vous le consacre.

3. Faites une humble prière à Dieu. Omon Dieu, je vous supplie de me foûtenir par la force de vôtre esprit dans ces résolutions, & ces affections. Sainte Vierge, je vous prie de les recommander à vôtre adorable Fils, avec toutes les pisonnes pour qui je dois prier, &c. Pater, Ave.

Aprés la méditation, recueillez-en le fruit, vous formant une idée de ce qui vous y a le plus frappé l'esprit, & plus touché le cosur: Vous la repasserez en vous-même de temps en temps dans le cours de la journée, pour vous foûtenir dans vos bonnes résolutions. C'est ce que j'ay coûtume d'appeller le Bouquet Spirituel : Et je compare cette pratique à l'usage de ces personnes, qui prennent le matin un bouquet sur elles, & le fentent souvent durant le jour, pour réjoüir & fortifier le cœur par la bonne odeur des fleurs.

Je vous en avertis icy, pour toutes les meditations suivantes.

:

CHAPITRE

X.

Méditation de la fin de l'homme.
PREPARATION.

1. Mettez-vous en la présence de Dieu.
2. Priez-le qu'il vous inspire.

3.

CONSIDERATIONS.

Cinte pas

E n'est pas par aucune raifon , que Dieu nous a

créez ; puis que nous luy sommes absolument inutiles: Ce n'a été précisément que pour nous faire ce bien, en nous élevant par sa grace à la participation de sa gloire. C'est en cette vuc, Philothée, qu'il vous a donné tout ce que vous avez, l'entendement pour le connoître & pour l'adorer, la memoire pour vous souvenir de luy, la volonté, pour l'aimer, l'imagination pour vous représenter ses bienfaits, les yeux pour vous faire admirer ses œuvres, la langue pour le foüer, & ainsi des autres puislances & facultez.

2. Puisque c'est-là l'intention que Dieu a cuë en vous créant: Certainement vous devez condamner & éviter toutes les actions qui sont contraires à cette fin; & à l'égard de celles qui ne peuvent pas vous y servir, vous devez les mépriser comme vaines & superAuës.

3. Voyez donc quel est le malheur du monde qui ne pense point à cela; le malheur dis-je des hommes, qui vivent comme s'ils étoient convaincus qu'ils ne font au monde, que pour bâtir des maisons, se faire d'agreables jardins, accumuler richesses sur richesses, & s'occuper de frivoles amusemens.

« PrécédentContinuer »