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fruits de nôtre bonne volonté, & nôtre volonté même d'où procédent nos cuvres, comme les fruits naiffent de l'arbre.

vœu

La fimple Chafteté foûmet le corps à l'efprit de Dieu, fans ofter à une perfonne la liberté d'en difpofer pour les engagemens du mariage? Mais le vou de Chafteté facrifie à Dieu le corps & la liberté d'en jamais difpofer; de forte que l'on entre dans le faint & heureux efclavage de l'amour de Dieu, dont le fervice vaut mieux que la plus belle couronne du monde. Comme donc j'approuve infiniment la penfée de ces deux grands hommes: Je fouhaiterois auffi que les perfonnes qui voudroient afpirer à cette perfection, ne l'entrepriffent pas fans confulter les regles de la prudence chrétienne; qui font de bien fonder leur cœur, d'examiner leurs forces, de demander l'infpiration célefte, & de prendre confeil d'un vertueux & fage Directeur. C'eft la maniére de faire tout avec plus de profit & de seûreté.

Secondement cette renonciation aux fecondes nopces doit être pure & fimple; c'est-à-dire, conduite uniquement parle defir de s'unir à Dieu d'une maniére plus pure: Car fi l'on y fait en

trer le defir de laiffer des enfans riches, ou quelque autre prétention du monde; la Veuve en aura peut-être de la loüange aux yeux des hommes; mais non pas aux yeux de Dieu, devant qui rien ne peut avoir un vray mérite, que ce qui eft fait pour luy.

Il faut en troifiéme lieu que la vraye Veuve fe prive de tous les plaifirs du fiécle: Car celle qui vit dans les délices dit S. Paul, eft morte, toute vivante qu’elle eft. En effet vouloir demeurer Veuve, & fe plaire à être muguetée, careffée, & cajolée; fe trouver aux bals & aux feftins; retenir en fa perfonne & en fes habits beaucoup d'ufages pleins de vanité &de fenfualité:C'est être une Veuve morte aux yeux de Dieu, quelque vivante que l'on foit aux yeux du monde. Qu'importe-t-il que l'Amour profane faffe fervir à fes deffeins,ou ce que le luxe a de plus riche & de plus riant en habits & en parures, ou l'artificieufe modeftie du deüil, dont la trifte couleur donne encore de nouveaux agrémens à la beauté naturelle? Extérieur dautant plus dangereux, que l'on a fçeû dans le mariage l'art & toutes les maniéres de plaire aux hommes : Une telle Veuven'eft qu'une idole de la viduité.

le

Le temps d'émonder & de décharger les arbres eft venu, la voix de la Tourterelle s'eft fait entendre: Ces paroles des Cantiques nous apprennent que retranchement de toutes les fuperfluitez vaines & fenfuelles du monde, eft néceffaire à toutes fortes de perfonnes pour vivre chrétiennement; mais beaucoup plus néceffaire à une Veuve, occupée comme une chafte Tourterelle de fes gémiffemens fur la mort de fon mari. Auffi quand Noëmi revint de Moab à Bethlehem, elle dit aux autres. femmes qui la faluoient: Ne m'appellez point, je vous prie, Noëmi; car ce nom marque une belle & agréable perfonne : Mais appellez-moy Mara; car le Seigneur a rempli mon ame d'amertume; depuis que j'ay perdu mon époux. C'eft de cette forte qu'une Veuve chrétienne, bien-loin de fe faire honneur de fa beauté, ni de tous fes agrémens, fe contente d'être ce que Dieu veut qu'elle foit, c'eft-à-dire, humble & abjecte à fes yeux.

Les lampes dont l'huile eft aromatique, jettent une plus douce odeur, quand on en éteint la lumière: Et les Veuves dont l'amour a été pur & fincére dans le mariage, répandent par

tout une excellente odeur de vertu & de fainteté, quand elles ont perdu leur lumiére qui eft leur mari. Aimer un mari durant fa vie, c'est une vertu commune : Mais l'aimer aprés fa mort, jufqu'à luy conferver fon prémier amour, c'eft la vertu des vrayes Veuves. Efpérer en Dieu tandis que l'on eft foûtenu de la puiffance d'un mari, cela n'eft pas rare Mais efpérer en Dieu quand on a perdu cet appuy, c'est une grande loüange. C'eft pourquoy la Viduité fait mieux connoître les vertus que l'on a euës dans le mariage.

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La Veuve qui eft néceffaire à des enfans, foit pour leur établissement, soit principalement pour leur falut, ne doit jamais les abandonner: Car l'Apôtre S. Paul nous dit, qu'elles font obligées de leur donner ce qu'elles ont receu de leurs péres & de leurs méres ; & que fi quelqu'un n'a pas foin des fiens, furtout de ceux de fa famille, il eft plus méchant qu'un infidelle: Mais fi fes enfans n'ont pas befoin de fa conduite, elle doit uniquement appliquer fes penfées & fes foins à fe perfectionner dans l'amour de Dieu. A moins qu'une néceffité abfolument indifpenfable n'oblige fa confcience,d'entrer dans beau

coup d'embarras, tels que font les procés Je luy conseille de s'en abstenir entiérement, & de prendre en fes affaires la conduite la plus tranquille, quoyqu'elle paroiffe la moins utile. En vérité, il faut que le fruit de ces foins fi fatiguants foit bien grand, pour le mettre en comparaifon avec les avantages d'un faint repos: Outre qu'ils diffipent le cœur ; & que la complaifance pour ceux dont la protection paroît néceffaire, fait prendre fouvent des maniéres extérieures qui font fort defagréables à Dieu, & qui ouvrent la porte du cœur aux ennemis de la chafteté.

L'Oraifon doit être l'exercice continuel de la Veuve, puifque ne devant plus aimer que Dieu, elle ne doit prefque plus parler qu'à luy; & comme le fer qu'un Diamant empêche de s'attacher à l'Aiman,s'élance vers cetAiman,auffi-tôt que le Diamant en eft éloigné : Ainfi le cœur d'une Veuve que l'amour d'un mari empêchoit de fuivre tous les attraits du divin Amour, doit aprés fa mort courir ardemment dans fes voyes, à l'odeur des parfums célestes, & dire à l'imitation de l'Epoufe facrée : O Seigneur!" Maintenant que je fuis toute à moy, recevez-moy pour être toute à vous;

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