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Et pour la feule nuit de Noël, chacun touffe & crie à la tête, le jour fuivant. Qui ne voit que le monde eft un juge inique; favorable à fes enfans, mais dur & févére aux enfans de Dieu.

par

Nous ne fçaurions être bien avec le monde, qu'en nous perdant avec luy: Et il n'eft pas poffible de contenter fa bizarerie. Jean eft venu, dit le Sauveur, ne mangeant, ni ne beuvant ; & vous dites qu'il eft poffedé du diable: Le fils de Phomme eft venu en mangeant & en beuvant; & vous dites qu'il eft un Samaritain. Il eft vray, Philothée, fi vous Vous relâchez condefcendance pour le monde à jouer & à danfer, il s'en fcandalizera Si vous ne le faites pas, il vous accufera d'hypocrifie, ou de mélancolie. Si vous vous parez il l'interprétera mal: Si vous vous négligez, ce fera pour luy une baffeffe de cœur. Il appellera vôtre gayeté une diffolution, & vôtre mortification une humeur fombre: Et comme il vous regarde toûjours de mauvais œil, jamais vous ne pourrez luy plaire. Il fait paffer nos imperfections pour des péchez, nos péchez véniels pour des mortels, & nos péchez d'infirmité pour des péchez de malice. Dans les mêmes chofes, où la

Charité, comme dit S. Paul, eft bénigne,ile monde eft malin:La Charité ne penfe mal de perfonne, & le monde en penfe toûjours de toutes fortes de gens; quand il ne peut condamner nos actions, il accuse nos intentions. Enfin foit que les Moutons ayent des cornes, ou qu'ils n'en ayent pas ; foit qu'ils foient blancs, ou qu'ils foient noirs,le Loup ne laiffera pas de les manger s'il peut: Quoyque nous faflions auffi, le monde nous fera toûjours la guerre. Si nous fommes long-temps aux pieds d'un Confeffeur, il demandera ce que nous pouvons tant dire: Si nous y fommes peu, il dira que nous ne difons pas tout. Il étudiera tous nos mouvemens: Et pour une parole tant foit peu échaufée, il protestera que nous fommes infupportables. Il prendra pour une avarice le foin de nos affaires; & il fera paffer nôtre douceur pour une niaiferie: Mais à l'égard des enfans du fiècle, leur colére eft une générofité, leur avarice une fage œconomie; & leurs maniéres trop libres font une honnête converfation.

Laiffons cet aveugle monde, Philothée; qu'il crie tant qu'il voudra comme un Chat-huant, pour inquiéter les Oifeaux du jour : Soyons fermes en nos

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deffeins, invariables en nos résolutions; &la perfévérance fera voir, fi le parti de la dévotion que nous avons pris, a été ferieux & fincére. Les Cométes & les

Planétes paroiffent prefque également lumineuses; mais les Cométes qui ne font que des feux paffagers, difparoiffent en peu de temps; au lieu què la lumiére des Planétes eft perpétuelle: De même l'hypocrifie & la vraye vertu fe reffemblent fort; & on les connoît à ce que celle-là n'a point de confiftance, & fe diffipe comme la fumée; aulieu que celle-cy eft ferme & conftante. Au refte, il eft bon pour affeûrer les commencemens de nôtre dévotion, d'en fouffrir du mépris, & quelques injuftes reproches: Car on fe précautionne ainfi contre la vanité & contre l'orgueil, qui font quelquefois périr les prémiers fruits de la piété : Malheur figuré par le commandement que Pharaon fit aux fages femmes d'Egypte,de tuer les enfans mâles d'Ifraël le jour même de leur naiffance.Enfin nous fommes crucifiez au monde, & le monde nous doit être crucifié : Il nous prend pour des fous, regardons-le comme un insensé.

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CHAPITRE IL

Qu'il faut s'armer de courage.

Quelque belle & douce que foit la

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lumiere; elle nous éblouït quand nous avons été long-temps dans l'obfcurité: Et quelque doux & honnêtes que foient les habitans d'un pays où l'on eft étranger, on ne laiffe pas d'en être d'abord embaraffe. Il fe pourra donc faire, Philothée, que ce grand divorce des folles vanitez du monde,& ce changement de vie, donneront quelque atteinte à vôtre cœur; & qu'il fe trouvera frappé d'un triste abattement:Mais ayez un peu de patience je vous en prie; tout cela ne fera rien avec le temps, & n'eft d'abord qu'un peu d'étonnement que cause la nouveauté; attendez, les con folations viendront bien-tôt. Vous re gretterez peut-être la gloire de toute l'approbation, que les fous & les moqueurs donnoient à vos vanitez: Mais, ô Dieu, voudriez-vous bien perdre la gloire, dont le Dieu de vérité vous cou→ ronnera éternellement? Les vrais plai firs des années paffées viendront encore

du

flater vôtre cœur pour le rengager dans leur commerce: Mais voudriez-vous renoncer aux délices de l'Eternité, pour des légéretez fi trompeufes : Croyezmoy, fi vous perfévérez; vous verrez bien-tôt vôtre perfévérance récompenfée de confolati ons fi délicieufes, que vous avouerez que le monde n'a que fiel, en comparaifon de ce miel célefte; & qu'un feul jour de dévotion vaut mieux que mille années de la vie mondaine. Mais vous confidérez la hauteur de la montagne, où se trouve la perfection fe chrétienne; & comment, dites-vous, y pourray-je monter? Courage, Philothée : Les Nymphes des Abeilles, c'eft ainfi qu'on appelle leurs petits Moucherons, qui ne commencent qu'à prendre leur forme, n'ont pas encore d'aîles pour s'en aller cueillir le miel fur les Aeurs des montagnes & des collines: Mais fe nourriffant peu à peu du miel que leurs méres leur ont préparé, les aîles leur viennent, & elles fe fortifient fi bien, qu'enfin elles prennent l'effort, & volent jufqu'au lieux les plus élévez. Il est vray, nous devons nous confidérer comme de petits moucherons dans les voyes de la dévotion, dont nous ne pouvons pas comme nous voudrions,

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