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que liqueur forte & fubtile, luy faire revenir les forces: Jugeons ainfi de l'état de l'ame dans la violence des tentations, qui femblent quelquefois épuifer toutes les forces: Confiderons file cœur & la volonté ont encore quelque mouvement de la vie fpirituelle; c'eftà-dire fi la volonté refufe fon confentement, en rejettant la tentation, & la délectation. Car tandis que ce mouvement refte en nôtre volonté, nous fommes feûrs que la vie de la charité n'y eft pas éteinte; & que Jefus-Chrift eft préfent en nôtre ame; quoyqu'il y foit caché : De forte que par l'ufage continuel de l'Oraifon, & des Sacremens, & par la confiance en Dieu, nous pouvons reprendre toutes nos for ces, & vivre toûjours en Dieu d'une douce & parfaite vie.

CHAPITRE VI.

Comment la tentation & la déletta tion peuvent être des péchez

LA

A Princeffe dont je vous ay parlé, ne peut être blâmée de la recherche qui luy eft faite; puis que nous

avons fuppofé que c'eft abfolument contre fes intentions: Mais elle feroit coupable, fi elle fe l'étoit attirée par quelques maniéres qui euffent pû`en faire venir la pensée; & voila comme la tentation eft quelquefois un péché, par la raifon qu'on fe l'eft attirée. Par exemple; un homme fçait que le jeu excite aifément fa colére, que la colére le fait blafphémer, & que le jeu confequemment eft une vraye tentation pour luy: Je dis que cet homme péche péche toutes les fois qu'il joüe, & que les tentations qui luy arrivent au jeu, le rendent coupable: Un autre fçait qu'une certaine converfation luy eft une occafion de quelque chute ; s'il s'y engage volontairement, il eft indubitablement coupable de la tentation qu'il y trouve.

Quand l'on peut éviter la délectation qui fuit la tentation, c'eft toûjours un péché que de la recevoir; mais plus ou moins confidérable, à proportion que le plaifir que l'on y prend, & que le confentement que l'on y donne, eft grand ou petit, d'une longue ou cour te durée. Si cette Princeffe dont nous avons parlé, écoute non feulement la propofition deshonnête qui luy eft fai

:

te; mais y prend plaifir, & en occupe fon cœur avec joye, elle eft fort blâmable Car bien qu'elle n'en veuille pas l'éxécution, elle confent néanmoins à l'application de fon cœur fur cet objet deshonnête , par le plaifir qu'elle y prend. Or la feule application volontaire du cœur à la deshonnêteté eft mauvaife, comme celle même des fens : De forte que la deshonnêteté, confifte tellement en cette application volontaire du cœur, que Tans elle, l'application des fens ne peut être un péché.

Lors donc qu'une tentation s'élevera en vous, confidérez fi vous vous l'êtes attirée volontairement ; parce que c'eft un péché, que de fe mettre en danger de pécher: Et cela fuppofe que vous ayez pû raisonnablement éviter l'occafion, & que vous ayez prévû ou dû prévoir la tentation qui vous en devoit venir; mais fi vous n'avez donné nul fujet à la tentation, elle ne peut aucunement vous être imputée à péché.

Quand on a pû éviter la délectation qui fuit la tentation, & qu'on ne l'a pas évitée; il y a 'toûjours quelque forte de péché, à proportion qu'on s'y

eft peu ou beaucoup arrêté, & felon la caufe du plaifir qu'on y a pris. Une femme qui n'ayant donné aucun fujet à la cajolerie, y prend pourtant plaifir, ne laiffe pas d'être blâmable, fi fe plaifir qu'elle y prend n'a point d'autre caule que la cajolerie même : Car fi celuy qui veut luy inspirer de l'amour jouoit en perfection du Luth; & qu'elle prît plaifir, non pas à fa mauvaise récherche, mais à l'harmonie & à la douceur de fon Luth, il n'y auroit point de péché pour elle; bien qu'elle ne dût pas prendre long-temps ce plaifir, de peur de paffer à celuy d'être

recherchée. De même encore, fi l'on me propofe un ftratagême fort artificieux de me venger de mon ennemi, & que je ne donne aucun confentement à la vengeance, ni y prenne aucun plaifir, mais feulement à la fubtilité de cet artifice, fans doute, je ne péche point: Mais il n'eft pas expé dient que je m'arrête beaucoup à ce plaifir, de peur qu'il ne me porte peu à peu à celuy de la vengeance même.

On eft quelquefois furpris des impreffions de la délectation, qui fuit immédiatement la tentation, avant qu'on s'en foit bien apperçû: Et cela

ne peut être qu'un péché veniel affez léger, lequel cependant devient plus grand, fi aprés que l'on a reconnu le mal diftinctement, on demeure par négligence quelque temps à prendre fon parti, fur l'acceptation ou le refus de cette délectation: & le péché fera encore plus grand, fi l'ayant reconnuë on s'y arrête quelque temps par une vraye négligence, & fans aucune forte de volonté de la rejetter: Mais lors que volontairement & de propos délibéré, nous fommes réfolus de nous plaire en de telles délectations; ce propos même délibéré eft un grand péché, fil'objet auquel on fe plaît,eft notablement mauvais. C'eft un grand vice à une femme de vouloir entretenir de mauvaises amours, quoyqu'elle ne veuille jamais s'y abandonner.

CHAPITRE VIL

Les Remédes aux grandes

tentations.

DE's que vous

E's que vous appercevrez une tentation, imitez les petits en

fans qui à la vue d'un Loup ou d'un

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