bien, la tentation. Lors donc que l'ame fent quelque mal, elle a du déplaifir de l'avoir; & voila la trifteffe: Le defir d'être affranchi du mal, & d'avoir les de s'en délivrer, fuit incontinent la trifteffe; & jufque-là nous avons raison, car naturellement chacun defire le bien, & fuit le mal. moyens Si l'ame cherche les moyens d'être délivrée de fon mal, pour l'amour de Dieu, elle les cherchera avec patience & douceur, humblement & tranquillement, attendant beaucoup plus fa délivrance de l'aimable Providence de Dieu, que de fon induftrie, de fes foins & de fes peines : Si fon amour propre luy fait chercher fon foulagement, ce fera avec beaucoup d'empreffement & de chaleur ; comme fi ce bien dépendoit plus d'elle que de Dieu, je ne dis pas qu'elle penfe cela; mais je dis, comme fi elle le pensoit. Que fi elle ne trouve pas auffi-tôt ce qu'elle defire, elle entre en de grandes inquiétudes & impatiences : Et parce que ces inquiétudes bien loin de la foulager de fon mal l'augmentent beaucoup, elle eft faifie d'une trifteffe fi démesurée, que perdant tout ensemble le courage & la force, elle croit fon mal fans reméde. Vous voyez donc que la trifteffe toute jufte qu'elle eft au commencement, produit l'inquiétude: Et l'inquiétude augmente fi fort la trifteffe, qu'elle devient extrémement dangereufe. L'inquiétude eft le plus grand mal de l'ame, fi on en excepte le péché: Car comme les féditions & les troubles domeftiques d'un Etat le defolent entiérement, & l'empêchent de réfifter au dehors à fes ennemis; de même nôtre cœur étant inquiet & troublé, n'a plus la force ni de conferver les vertus qu'il avoit acquifes, ni de réfifter aux tentations de l'Ennemi, qui fait alors tous fes efforts, pour pêcher, comme l'on dit, en eau trouble. L'inquiétude provient d'un defir déreglé d'être délivré du mal que l'on fent, ou d'acquérir un bien que l'on efpére; & toutefois il n'y a rien qui augmente plus le mal, & qui éloigne plus le bien, que l'inquiétude & l'empreffement: Ainfi qu'il arrive à ces oifeaux, qui s'agitant turbulemment dans les filets où ils ont été pris, s'y embaraffent de plus en plus. Quand donc vôtre cœur fera preffé du defir d'être délivré de quelque mal. ou de parvenir à quelque bien, calmez vous avant toutes choses; tranquillifez vôtre efprit & vôtre cœur ; & puis fuivez le mouvement de vôtre defir, pour prendre doucement & avec ordre les moyens convenables à ce que vous fouhaitez Et quand je dis, doucement; je n'entends pas, negligemment, mais fans empreffement & fans inquiétude; autrement, bien loin de réüfir, vous gâterez tout, & ne ferez rien que vous. embaraffer davantage. Mon ame, Seigneur, est toujours entre mes mains, difoit David, & je n'ay point oublié vôtre Loy: Philothée, examinez plus d'une fois le jour, mais au moins le foir & le matin, fi Vous avez comme luy vôtre ame entre vos mains ; ou fi quelque paffion, ou quelque inquiétude, ne vous l'a point ravie. Confidérez fi vous avez votre cœur à vôtre commandement; ou bien s'il ne s'eft pas échappé de vos mains, pour s'engager à quelque déreglement d'amour, de haine, d'envie, d'avarice, de crainte, de trifteffe, de joye: Et s'il s'eft égaré, cherchez-le promptement & le ramenez doucement en la présence de Dieu remettant toutes vos affections & tous vos defirs, fous l'obéïffance & la conduite de fa divine volonté. Comme ceux qui craignent de perdre quelque chofe qui leur eft préticufe, la tiennent bien ferrée en leur main: Ainfi à l'imitation de ce grand Roy, nous devons toûjours dire: O mon Dieu! Mon ame eft en danger de fe perdre ; c'est pourquoy je la porte toûjours en mes mains, & cela m'empêche d'oublier votre fainte Loy. Ne permettez jamais à vos defirs de vous inquiéter, pour petits & peu confidérables qu'ils foient: Car aprés les petits, les grands trouveroient vôtre cœur plus difpofé au trouble & au déreglement. Quand vous sentirez donc quelque inquiétude, recommandezvous à Dieu; & déterminez-vous à ne rien faire de tout ce que vôtre defir demande, avant que l'inquiétude foit entiérement calmée; fi ce n'eft que la chofe ne fouffrift pas de délai : Mais alors faites un doux effort, pour réprimer ou pour modérer le mouvement de vôtre defir; & puis faites ce que vouscroyez que la raifon demande de vous, & non pas de vôtre defir. Si vous pouvez découvrir vôtre inquiétude à vôtre Directeur, ou du moins à un confident & dévot ami, vous trouverez auffi-tôt le calme: Parce que cette ouverture d'un cœur agité & échaufé le foulage auffi promptement, que l'ouverture de la vaine foulage un malade de la violence de fa fiévre ; & c'eft le cœur le meilleur de tous pour les remédes: Ouy, dit le Roy S. Louïs à fon fils, quand vous aurez quelque chofe fur le cœur, faites-en auffi-tôt confidence à vôtre Confeffeur, ou à quelque bonne perfonne; car la confolation que vous en recevrez, vous aidera à porter doucement vôtre peine. L CHAPITRE XII. De la Trifteffe. , le A Trifteffe qui eft felon Dieu, dit S. Paul, opére la pénitence pour falut, & la tristeße du monde opére la mort. La trifteffe peut donc être bonnet & mauvaise felon les divers effets qu'elle opére en nous : Mais elle y en opére plus de méchans que de bons; car il n'y en a que deux qui foient bons, à fçavoir la miféricorde & la pénitence; & il y en a fix fort méchants; à fçavoir, l'angoiffe, l'indignation, la jaloufie, l'envie, l'impatience, & la mort; ce qui a fait dire au Sage, que la tristesse fait périr beaucoup de perfonnes, & ne |