vant Dieu dans la connoiffance de vôtre néant & de vôtre mifére,en luy disant : Hélas que fuisje, quand je fuis à moymême Rien, Seigneur, qu'une terre defféchée, & ouverte de toutes parts; qui a un extrême befoin de pluye, & que le vent réduit en pouffiére. 2. Invoquez le faint nom de Dieu, & luy demandez la fuavité de fa grace; Rendez-mey, Seigneur, la joye falutaire de vôtre efprit: Mon Pére, s'il eft poffi ble, éloignez ce calice de moy: Vous fefus qui avez impofe filence aux vents & à la mer, arreftez cette bize infructueuse, qui defféche mon ame; & m'envoyez ce vent agréable & vivifiant du midi que demandoit vôtre épouse, pour répandre par tout la bonne odeur des plantes aromatiques de fon jardin. 3. Allez à vôtre Confeffeur, ouvrezluy vôtre cœur, faites-luy bien voir les replis de vôtre ame, & fuivez fes avis avec une humble fimplicité: Car Dieu qui aime infiniment l'obéiffance, bénit fouvent les confeils qu'on reçoit du Prochain, & fur tout de ceux qu'il a établis pour conduire les ames, même fans une grande efpérance d'un heureux fuccez; c'est ce qui arriva à Naaman qui fut guéri de fa lépre en fe baignant dans le Jourdain, comme le Prophéte Elifée luy avoit ordonné fans aucune raifon qui parût naturellement bonne. 4. Mais aprés tout cela, rien n'eft fi utile, que de ne pas defirer avec empreffement & attachement la fin de sa peine, & de s'abandonner entiérement à la providence de Dieu, pour la porter autant qu'il luy plaira. Difons donc parmi les fimples defirs que nous pouvons nous permettre & au milieu des épines que nous fentons: O mon Pére, s'il eft poffible, retirez ce salice de moy; mais adjoûtons avec beaucoup de courage; cependant que vôtre volonté foit faite, & non pas la mienne, & arrêtonsnous-là avec le plus de tranquillité que nous pourrons. Dieu nous voyant dans cette fainte indifférence, nous confolera par fes graces les plus néceffaires : De la même maniére qu'ayant vû Abraham déterminé à luy facrifier fon fils, il fe contenta de cette résignation à fa volon→ té, & le confoka par une vifion trésagréable, & par fa bénédiction qu'il luy donna pour toute fa poftérité. Nous devons donc en toutes fortes d'afflictions, foit corporelles, foit fpirituelles, & parmi les diftractions, ou les privations de la dévotion fenfible, dire de tout nôtre cœur, & avec une profonde foûmiffion: Le Seigneur m'avoit donné des confolations, le Seigneur me les a ôtées; fon faint nom foit béni.. Et fi nous perfévérons en cette humble difpofition, il nous rendra fes graces délicieuses : C'eft ce qu'il fit à Job, qur parla toûjours ainfi en toutes fes delolations. 5. Enfin ne perdons point courage, Philothée, en ce fâcheux état : Mais attendant avec patience le retour des confolations, fuivons nôtre chemin, n'ob-mettons aucun exercice de dévotion, multiplions même nos bonnes œuvres: Offrons à nôtre divin Epoux nôtre eœur tout fee qu'il eft ; il luy fera auffi agréable, que s'il fe fentoit fondre en fuavitez; pourveu qu'il foit fincérement déterminé à aimer Dieu. L'on dit que quand le Printemps eft beau, les Abeilles travaillent beaucoup plus à faire du miel, & fe multiplient moins; & que quand il eft rude & nubileux, elles fe multiplient davantage, & font moins de miel. Il arrive ainfi & fouvent, Philothée, que l'ame fe voyantà ce beau printemps des confolations céleftes, elle s'amufe fifort à les goûter, que dans l'abondance de ces delices fpirituelles, elle fait beaucoup moins de bonnes œuvres : Et au contraire, lors qu'elle fe voit privée des difpofitions fi douces de la dévotion fenfible, elle multiplie fes œuvres, & s'enrichit de plus en plus des vrayes ver tus, qui font la patience, l'humilité, l'abjection de foy-même, la réfignation, & l'abnégation de fon amour propre. C'est donc un grand abus en plufieurs perfonnes, & principalement parmi les femmes, de croire que le fervice que nous rendons à Dieu fans goût, fans tendreffe de cœur, foit moins agréable à fa divine majefté : Puifque comme les Rofes qui étant fraîches en paroiffent plus belles, ont cependant plus d'odeur & de force quand elles font féches; de même, bien qu'une vive tendreffe de cœur nous rende à nous-mêmes nos œuvres plus agréables, parce que nous en jugeons par la délectation qui nous en revient elles font pourtant d'une meilleure odeur pour le ciel, & d'un plus grand mérite devant Dieu en cet état de féchereffe fpirituelle. Ouy, Philothée, nôtre volonté fe porte en ce temps au fervice de Dieu, en furmontant toutes fes répugnances: Par conféquent il faut il faut qu'elle ait plus de force ། & plus de conftance, que dans le cours d'une dévotion fenfible. Ce n'eft pas une grande louange que de fervir un Prince, parmi les delices de la paix & de la cour: Mais le fervir en un temps de troubles & de guerres; c'eft une vraye marque de fidelité & de constance: La Bienheureuse Angéle de Foligny, dit que l'Oraifon la plus agréable à Dieu, eft celle qui fe fait par contrainte ; c'eft-à-dire, celle que nous faifons non pas avec goût & par inclination, mais purement pour plaire à Dieu, en nous violentant fur la répugnance que la féchereffe de nôtre cœur nous y fait trouver. J'en dis de même de toutes les bonnes œuvres; car plus nous y trouvons de contradictions foit intérieures, foit extérieures, plus elles ont de mérite devant Dieu : Moins il y a de nôtre intérest particulier en la pratique des vertus,plus la pureté de l'amour divin y éclatte. L'Enfant baise aifément fa mere, quand elle luy donne du fucre: Mais ce feroit une marque qu'il l'aimeroit beaucoup, s'il la baifoit aprés qu'elle luy auroit donné de l'abfynthe, ou du chicotin |