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vous perfectionnerez beaucoup en l'exercice des afflictions intérieures, dont il faut que je vous dife encore ce petit mot avant que de finir. Elles proviennent quelquefois de l'indifpofition du corps, que l'excés des veilles, des travaux,& des jeûnes a accablé de laffitudes, d'affoupiffement, de péfanteur,& d'autres femblables infirmitez, qui ne laiffent pas d'incommoder fort T'efprit, par la raifon de fon étroite liaifon avec le corps; Or il faut toûjours en ces occafions fe fervir le plus que l'on peut de la pointe de l'efprit, & de la force de la volonté, pour faire beaucoup d'actes de vertus; car bien que toute l'ame femble être accablée d'afLoupiffement & de laffitude; neanmoins ce qu'elle peut encore faire ne laiffe pas d'être fort agréable à Dieu; & nous pouvons dire en ce temps-là, comme l'époufe facrée : Je dors, mais mon cœur veille; & s'il y a moins de goût, comme je l'ay dit, à travailler de la forte, il y a plus de mérite & de vertu. Mais le reméde falutaire, c'eft de foulager le corps, & de réparer fes forces par une honnête récréation: Ainfi faint François ordonnoit à fes Religieux de modérer fi bien leurs travaux,

que la ferveur de l'efprit n'en fût pas accablée. Ce glorieux Pére fut une fois luy-même attaqué & agité d une fi profonde mélancolie, qu'il ne pouvoit s'empêcher de la faire paroître à l'extérieur: S'il vouloit converfer avec fes Religieux,il ne le pouvoit ; & s'il s'en féparoit, il s'en trouvoit plus mal : L'Abftinence & la macération de la chair l'accabloient, & l'Oraifon ne le foulageoit nullement. Il fut deux ans en un état fi fâcheux, qu'il luy fembloit que Dieu l'avoit abandonné Mais aprés cette rude tempête qu'il foûtint humblement, le Sauveur luy rendit en un moment une heureufe tranquillité. Apprenons de-là, que les plus grands Serviteurs de Dieu font fujets à ces épreuves; & que les autres ne doivent pas s'étonner, fi quelque fois il leur en vient de pareilles.

CINQUIEME PARTIE.

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LES AVIS

ET LES EXERCICES

NECESSAIRES,

POUR RENOUVEL LER & confirmer l'ame dans la devotion.

CHAPITRE I.

De la nécefite de renouveller tous les ans fes bons propos.

L

E prémier point de cet exercice eft d'en bien comprendre l'importance. La fragilité & les mauvaises

difpofitions de nôtre chair qui appe& l'entraîne toûjours

fantit l'ame

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vers les chofes de la terre, nous font aifément décheoir de nos bonnes réfolutions ; à moins qu'à force de les foû tenir, nous ne tâchions de nous élever fouvent vers les biens céleftes:Comme nous voyons que les Oifeaux craignant de retomber à terre, battent toûjours l'air de leurs ailes, avec de continuels élancemens de leur corps, pour entretenir leur vol. C'est par cette raison, Philothée , que vous avez befoin de renouveller fouvent vos bons propos pour le fervice de Dieu; de peur qu'avec le temps, vous ne retombiez en vôtre prémier état, ou plûtôt dans un état bien plus mauvais: Parce que les chutes que l'on fait dans la vie fpirituelle, nous mettent toûjours au deffous du point, d'où nous nous étions élevez à la dévotion. Il n'y a pas d'horloge pour bonne qu'elle foit,dont il ne faille remonter les poids de temps en temps; & même démonter toutes les piéces au moins une fois l'année, afin de redreffer celles qui ont été forcées, de réparer celles qui font ufées, & de nettoyer les autres où il s'eft amaffé de la craffe & de la roüille : Et vous fçavez encore que fi l'on en frotre les roues & les refforts avec un peu d'huile

d'huile bien fine, les mouvemens s'en fout plus doucement; & que la rouille ne s'y met pas fi tôt. Il faut auffi que celuy qui a un vray foin de fon cœur, le remonte foir & matin, pour ainfi parler; & c'eft à quoy les exercices que je yous ay marqués luy doivent fervir, &. qu'aprés cela il en obferve fouvent les mouvements, pour en entretenir la régularité: Il faut qu'au moins une fois l'année il en examine par le menu & en détail toutes les difpofitions, pour réparer les défauts qui auroient pû s'y glifler, & pour le renouveller entiérement; & qu'il tâche d'y faire entrer le plus qu'il pourra de la fainte onction de la grace, que l'on reçoit en la confeffion & en la communion. Cet exercice, Philothée,réparera vos forces affoiblies par le le temps, ranimera ́la ferveur de vôtre ame, fera revivre vos bonnes réfolutions, & refleurir en vous toutes les vertus.

C'étoit la pratique des anciens Chrétiens, qui le jour qu'on célébroit dans l'Eglife la mémoire du Baptême de Notre-Seigneur renouvelloient, comme le rapporte faint Grégoire de Nazianze, la profeffion & les proteftations de leur baptêine: Prénez donc

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