vous devez prononcer fouvent de cœur & de bouche ces ferventes paroles de faint Paul, de faint Auguftin, & de fainte Catherine de Gennes : Non, je ne fuis plus à moy; foit que je vive, foit que je meure, je fuis à mon Sauveur. Je n'ay plus rien de moy, ny rien moy: C'eft Jefus qui vit en moy ; & tout ce que je puis appeller mon bien, c'eft d'être à luy. O monde, vous étes toûjours vous même : Et moy j'ay toujours été auffi moy-même; mais dorefnavant je ne feray plus moy-même. Non, nous ne ferons plus nous-mêmes; car nour aurons le cœur changé : Et le monde qui nous a trompez, fera trompé en nous; car ne s'appercevant de nôtre changement que peu à peu, il nous croira toûjours femblables à Efau, & il nous trouvera enfin femblables à Jacob. Il faut que nôtre cœur conferve bien l'impreffion de cet exercice & que nous paffions doucement de la méditation aux affaires & aux conversations; de peur que l'onction de nos bonnes réfolutions ne fe perde tout d'un coup: Parce qu'il faut que nôtre ame en foit bien pénetrée en toutes les parties; mais fans qu'il nous en coûte aucun effort violent, ni d'efprit, ni de corps. 7 CHAPITRE XVII. Réponse à deux Objections qu'on peut faire fur cette Introduction. E monde vous dira, Philothée, Lque ces avis, & ces exercices font fi multipliez, , que qui voudroit les obferver, ne pourroit vacquer à autre chofe : Hélas, Philothée ! Quand nous n'aurions fait autre chofe, nous aurions affez fait; puis que nous aurions fait, ce que nous devons faire en ce monde. Mais ne voyez-vous pas la rufe de l'Ennemi ? S'il falloit chaque jour faire tous ces exercices, véritablement ils nous occuperoient entiérement: Or Dieu ne vous les demande qu'en de certains temps, & en de certaines occafions. Combien y a-t-il de loix civiles dans le Digefte & dans le Code, que l'on doit obferver, & qu'on ne doit obferver tous les jours, ny en tout pas temps? Au refte David tout Roy qu'il étoit, & occupé d'affaires fort difficiles, pratiquoit bien plus d'exercices que je ne vous en ay marqué. Saint Louis figrand Roy pour la guerre & pour la paix, & fi appliqué à rendre la juftice, & à conduire les affaires du royaume, entendoit chaque jour deux Meffes, difoit Vêpres & Complies avec fon Chapelain, faifoit fa méditation, vifitoit les Hôpitaux, fe confeffoit tous les vendredis, & prenoit la difcipline: Il entendoit fort fouvent la Prédication, outre les Conférences fpirituelles tresfréquentes; & avec tout cela, il ne manqua jamais d'application & d'exaEtitude à une feule affaire qui fûr du bien public; & fa Cour fut encore plus belle & plus floriflante,qu'elle n'avoit jamais été du temps de les predéceffeurs. Pratiquez donc avec courage ces exercices felon que je vous les ay marquez; & Dieu vous donnera affez de temps & de force pour toutes vos affaires: Ouy, quand il devroit arrêter le Soleil, comme il fit du temps de Jofué. Nous faifons toûjours affez, quand Dieu travaille avec nous. Le monde dira encore que je fuppofe prefque par tout, que Philothée ait le don de l'oraison mentale; & que comme chacun ne l'a pas, cette introduction ne peut pas fervir à tous. Je l'avoue, j'ay préfupolé cela; & il eft pas encore vray que chacun n'a le don d'oraifon Mais il eft : vray auffi que prefque chacun le peut avoir, même les plus groffiers; pourveû qu'ils ayent de bons Directeurs, & que pour l'acquérir, ils veuillent travailler autant que la chofe le mérite. Et s'il s'en trouve qui n'ayent pas ce don au plus petit dégré que ce foit ( ceque je croy fort rare) un fage Directeur leur fera aifément fuppléer à ce défaut, par l'atten-tion à lire, ou à entendre lire les mêmes confidérations des méditations. CHAPITRE XVIII. Trois derniers & principaux Avis fur cette introduction. Renouvellez Enouvellez tous les prémiers jours du mois la proteftation, qui eft dans la prémiére partie, aprés la méditation; & dites ce jour-là à tous momens comme David : Non jamais, mon Dieu, je n'oublieray rien de toute vôtre loy; car c'eft en elle que vous avez justifié & vivifié mon ame. Et quand vous fentirez en vous quelque altération considérable, prénez votre prote ftation en main; & proférez-la de tous vôtre cœur, dans une profonde humiliation de vous-même : Vous y trouverez un grand foulagement. Faites une profeffion ouverte, non pas d'être dévot ou dévote, mais de vouloir l'être : Et n'ayez point de honte des actions communes & néceflaires, qui nous conduisent à l'amour de Dieu. Avoüez hardiment que vous tâchez de vous faire à la méditation; que vous aimeriez mieux mourir que de pécher mortellement; que vous voulez fréquenter les Sacremens, & fuivre les confeils de vôtre Directeur, qu'il n'eft pas fouvent néceffaire de nommer pour plufieurs raifons. Cette déclaration fincére de vouloir fervir Dieu, & de s'être confacré à fon amour de bon cœur, eft fort agréable à sa divine Majefté, qui ne veut point que l'on ait honte de fon fervice, ni de la croix de fon Fils: Et d'ailleurs cela coupe chemin à beaucoup de mauvaifes remontrances du monde, & nous oblige encore par honneur à la perféve-rance. Les Philofophes fe déclaroient pour Philofophes, afin qu'on les laiffàt. vivre philofophiquement : Et nous devons déclarer le defir que nous avons |