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jeune monde de l'un & de l'autre fexe, à peine même y eft-il connu.

C'est un malheureux effet de la délicateffe de nôtre fiécle fur les livres de dévotion, qui ne font pas raifonnablement bien écrits;& par conféquent fur ceux, aufquels les grands changemens de la langue ont fait perdre cet agrément: Il eft vray, & l'on peut adjoûter, que cette délicatelle fert à beaucoup de gens, pour excufer leur indévotion. Cependant il ne faut blâmer ni la délicatelle du fiécle, ni fon indévotion par cet endroit-là : Dautant que la raifon de ne rebuter la piété de perfonne, par le dégoût d'un mauvais ftile; & principalement de ne pas mettre entre les mains de la Jeuneffe, des livres qui puiffent luy apprendre à parler mal françois, aura toûjours fon poids & fon authorité. Quoy qu'il en foit, on étoit dans la néceffité, ou de laiffer périr cet excellent Livre, ou de l'accomoder aux ufages préfens de la langue; pour condefcendre à la délicateffe du fiècle, & ne laiffer aucune excufe à fon indévotion.

Hé pourquoy fouffrir patiemment, que cet admirable ouvrage nous devienne inutile ? Pourquoy nous priver

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d'un bien, que la divine Providence nous a voulu rendre propre ? Pourquoy les Nations étrangères, riches de nôtre bien par la traduction de ce faint livre en leurs langues, nous reprocheront-elles nôtre négligence à le faire valoir pour nous-mêmes ? Pourquoy la Piété recevra-t-elle avec plaifir tant de traductions des livres étrangers, renouvellées & retouchées à proportion des changemens confidérables de nô tre langue, & n'ofera-t-on toucher à celuy-cy?

L'on dira peut-être que le refpect qu'on doit à l'ouvrage d'un Saint, demande qu'on n'y touche pas plus qu'à fes Reliques: Mais je réponds à cela: Le refpect infini qu'on doit à la fainte Ecriture, empêche-t-il qu'on ne la donne en François aux Fidelles pour s'en édifier; & qu'on n'en renouvelle les anciennes traductions? Péchera-t-on plus contre la vénération deûë à faint François de Sales, en changeant quelques termes & expreffions de fon Introduction, qu'en la traduifant en une langue étrangère ? Et vaut-il mieux qu'il parle Italien à Rome, & Allemand à Vienne,ou Espagnol à Madrid, que de parler comme nous parlons ǎ iiij

maintenant en France ? Un tel refpect feroit tout semblable à celuy qu'un homme auroit pour un riche thréfor, qu'il laifferoit enfoüi plûtôt que de s'en fervir utilement : Et cette refpeAueufe piété ne feroit guére agréable à ce grand Saint, ni conforme à fes intentions. Il a écrit fanctifier non pour feulement fon fiécle, mais encore les fiécles fuivans: Et comme il ne pouvoit ignorer que la langue françoise ne fût fujette à beaucoup de mutations; ne doit-on pas raisonnablement préfumer, qu'il a laiffé la liberté de faire à fon livre les changemens, qui paroîtroient néceffaires pour en conferver l'utilité. En effet, qui peut douter que fi nous poffedions encore fur la terre ce grand Saint, qui fut fi aimé de Dieu & des hommes, il n'y mît luy même la main? Et on doit le croire d'autant plus feûrement, qu'il ne s'eft en quelque maniére excufé dans fa préface avec beaucoup d'humilité, de n'avoir pas ménagé en cet ouvrage tout l'ordre & toute l'exactitude de la compofition, ni les ornemens de la langue, que par-ce qu'il n'en a pas eû le temps.

Le véritable refpect qu'on devoit à l'ouvrage de faint François de Sales,,

toit prémiérement de n'y faire aucun changement effentiel; & en fecond lieu de n'y en faire aucun quelque petit qu'il pût être, fans quelque forte de néceffité: Or c'eft cette refpectueufe fidélité, dont on croit avoir fuivi les Loix les plus rigoureufes & le Saint fe reconnoîtroit tout entier luy-même dans cette nouvelle édition de fon livre, pour tout ce qui eft de l'ordre, de la doctrine, des fentences, des tours de l'expreffion communément, auffi bien que des paroles, & de la douce fimplicité & naïveté de fon ftile, qu'on a retenu autant qu'on a pû.

C'eft dans cette penfée qu'on n'a pas fait de difficulté de fe fervir du fumple titre d'Introduction à la vie dé-vote: Mais parce que les autres ne ju-gent pas toujours comme nous, & que Te public pourroit penfer qu'on fe feroit trop éloigné de l'original, on s'eft encore fervi de ce titre plus refpe&ueux pour le Saint, & pour le jugement que le lecteur a droit d'en portert La Conduite des perfonnes du monde à la perfection Chrétienne, fidellement extraite de l'Introduction à la vie dévote.

Daigne la divine bonté y donner faz bénédiction pour fa gloire, & celle de

faint François de Sales; pour l'utilité des fidélles, & la fatisfaction de l'Illuftre & faint Ordre des Filles de fainte Marie: A l'égard de qui l'on fe contente d'avoir dans le cœur l'eftime & le refpect, que la ferveur de leur prémier efprit qu'elles ont confervée jufqu'à préfent, leur mérite dans toute l'EgliTe de Jefus-Christ.

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