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font jamais plus contents, que quand ils font plus chargez & plus occupez: C'est un travail lequel délaffe & fortifie le cœur par la fuavité qui luy en revient; comme il arrive dans l'Arabie heureufe à ceux qui portent le Cinnamome. On dit que la Tigreffe ayant retrouvé un de fes petits, que le Chaf feur laiffe fur le chemin pour l'amufer tandis qu'il emporte les autres, elle s'en charge quelque gros qu'il foit, pour le porter promptement dans fataniére, & que bien loin d'en être plus pefante à la course, l'amour naturel pour fon fardeau la foulage, & luy donne plus d'agilité. Combien plus volontiers un cœur paternel fe chargerat-il de la conduite d'une ame, qu'il aura trouvée dans un vray defir de la fainte perfection? Semblable à une mére qui porte fon enfant en fon fein, fans fe reffentir d'un poids qui luy eft fi cher.

Mais il faut fans doute que ce foit un cœur paternel: Et c'eft de là que les Apôtres & les hommes Apoftoliques, appellent leurs difciples non feulement leurs enfans, mais leurs petits enfans pour mieux exprimer la tendreffe de leur cœur.

Au reste, mon cher Lecteur, j'avoue fincérement que je may pas la dévotion, dont je vous donne des regles Mais j'en ay certainement le defir; & c'est même ce defir qui me porte encore avec plus d'affection à vous en inftruire. Car, comme dit un homme illuftre dans les fciences, la bonne maniére d'apprendre, eft d'étudier; une maniére plus utile que celle-là, eft d'écouter ; & la meilleure de toutes, eft d'enfeigner. Sur quoy nous pouvons penfer que l'application à enfeigner les autres eft le fondement de la fcience: Comme faint Auguftin dit dans une Lettre qu'il écrit à Florentine fa pénitente, que qui donne aux autres, fe rend digne de recevoir.

Alexandre fit peindre la belle Compafpé qui luy étoit fort chére par Apelles:Etce Peintre étant obligé de la confidérer à loifir, en imprima fortement l'amour dans fon cœur, tandis qu'il en exprimoit les traits fur fon tableau. Si bien qu'Alexandre s'étant apperçu de fa paffion, cut pitié de luy, & la luy donna généreusement en mariage. En quoy, dit Pline, ce grand Prince qui fut fi fort le maître de fon cœur en cette occafion, fit autant paroître la

grandeur de fon ame, que s'il euft remporté une victoire fignalée fur fes

ennemis.

Or il me femble, mon cher Lecteur, qu'étant Evêque, Dieu demande de moy que je fafle dans les cœurs des autres la plus belle peinture que je pourray, non feulement des vertus communes, mais principalement de la dévotion qui luy eft fi chére: Et c'est ce que j'entreprens trés - volontiers foit pour remplir mon devoir, foit parce que j'efpère en imprimer l'amour dans mon cœur, en tâchant de le graver dans celuy des autres. Et fi jamaisDieu trouve en moy cet amoureux defir de la dévotion, il en fera une alliance éternelle avec mon ame.

La belle & chafte Rébecca abreuvant les Chameaux d'Ifaac, fut choifie pour être fon Epoufe, & reçut de fa part des pendants d'oreilles & des braffelets. d'or: C'est justement une figure de mon bonheur; car je me promets de l'immenfe bonté de mon Dieu, qu'en conduifant fes chéres Brébis aux eaux falutaires de la dévotion, il daignera jetter les yeux fur mon ame pour en faire fon Epoufe; qu'il me fera entendre les paroles de fon saint amour; &

qu'il me donnera la force de les bien pratiquer: Or c'eft en cela que consiste effentiellement la vraye dévotion, que je fupplie fa divine Majefté de vouloir bien me donner, & à tous les enfans de fon Eglife; à laquelle je veux pour jamais foûmettre mes écrits, mes actions, mes paroles, mes volontez, & mes pensées.

A Anneẞy, le jour de fainte Magdeleine 1608.

PREMIERE

PREMIERE PARTIE.

LES AVIS

E T

LES EXERCICES NECESSAIRES

Pour conduire l'ame depuis le premier defir qu'elle à de la Dévotion, jufqu'à la volonté fincére de l'embraffer.

CHAPITRE I

De la Nature de la Dévotion.

OUS afpirez à la Dévotion, Philothée, parce que la Religion vous a fait connoître › que c'eft une vertu

extémement agréable à la divine Majefté Mais puis que les petites fautes

A

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