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nent. Ils ne fçauroient, difent-ils, pour l'honneur de la Raifon, fe rendre à de pareilles preuves. Le Dieu, maître du ciel & de la terre, que faint Paul prêchoit à Athènes, n'eft pour eux, ainfi que pour les Athéniens, qu'un Dieu

inconnu.

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» Meliffe de Samos, dit M. Did....... » écrivit, dans fa retraite, de l'Etre & » de la Nature. Il ne changea rien à » la Philofophie de fes prédéceffeurs : » il croyoit feulement que la nature des » Dieux étant incompréhensible, il fal»loit s'en taire, & que ce qui n'est pas, » eft impoffible. Deux principes, dont » le premier, marque beaucoup de rete»nue, & le fecond beaucoup de har» dieffe [a]. « On loue donc ici, Monfieur, la difcrétion, la retenuë de Meliffe, en ce qu'il croyoit que la nature des Dieux étant incompréhenfible, il falloit s'en taire? Car ce mot de retenuë ne peut être pris qu'en bonne part. L'Encyclopédiste prétend donc qu'il ne faut jamais parler de la Divinité, puisqu'on ne peut pas raisonnablement parler

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[4] Encyclop. Art. Eleatique,t. s. p. 450.

d'un Etre dont on ignore pleinement l'effence. Dans un fens très-vrai les Dieux du Paganisme étoient totalement incompréhenfibles. Voyez ce que Ciceron, dans le premier Livre de fes Entretiens, fait dire à Cotta, contre Velleius Epicurien, fur la nature des Dieux. Mais le filence absolu qu'on paroît demmanderfur cet objet,ne regarde pas moins le vrai Dieu que Jupiter & Junon. Sans doute, que le vrai Dieu eft incompréhenfible dans ce fens, que nul efprit créé n'a jamais eu & n'aura jamais une idée adéquate & complette, ou comme on dit, une idée compréhenfive de fon effence; & c'est pourquoi faint Paul dit qu'il habite une lumière inacceffible : Lucem inhabitat inacceffibilem [b]. Mais quelle grande & fublime idée cet Apôtre n'en donnoit-il pas lui-même, au milieu de l'Aréopage: Er fon principal objet n'a-t-il pas toujours été d'en donner une notion exacte à toutes les Nations de l'Univers? Loin donc que le filence abfolu fur la Divinité foit une retenue digne de louange, c'eft une abfurdité impie. Un Dieu abfolument

[6] I, Tim, c. 6. . 16.

ignoré feroit un Dieu qui n'exifteroit point par rapport à nous.

S'il eft faux que le premier des deux principes de Meliffe marque beaucoup de retenue, il n'eft pas vrai non plus d'après les idées de l'Encyclopédie, qu'il y ait beaucoup de hardieffe dans le fecond; & voici pourquoi. Si j'ignore abfolument la Nature du vrai Dieu, je ne fçais donc pas fi le Dieu de Spinola n'eft pas le vrai Dieu. Or s'il l'étoit en effet, tout ce qui n'a point exifté, n'existe point, n'existera jamais, & eft absolument impoffible; parce que, dans le fyltême Spinofiste, rien ne peut lui donner l'existence.

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De Meliffe je viens à Protagoras, lequel, nous dit-on, » écrivit un Livre de la Nature des Dieux, qui lui mérita le nom d'impie, & qui l'expofa à » des perfécutions. Son ouvrage, pourfuit-on, commençoit par ces mots : » Je ne fçais s'il y a des Dieux: la profondeur de cette recherche jointe à » la brièveté de la vie, m'ont condamné » à l'ignorer toujours. Protagoras fut » banni, & ses Livres recherchés, brûlés

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&lus. Punitis ingeniis, glifcit aucto»ritas [c]. Vous voyez, Monfieur, que fi le pyrrhonisme de Meliffe portoit fur la nature de la Divinité, celui de Protagoras portoit fur fon existence; & Vous remarquez fans doute le ton qui accompagne će récit. N'en réfulte-t-il pas clairement, que, felon l'Encyclopédifte, Protagoras fut banni injuftement, qu'on a eu raifon de rechercher fes Livres, qu'on a eu tort de les brûler, & qu'ils méritoient d'être lus? La fentence qu'ajoûte l'Auteur, manifefte affez fon intention, & ne fignifie autre chose finon que l'Autorité n'eft établie que fur les ruines de la Raifon & du génie: propofition non moins impie dans l'ordre de la Religion, que féditieufe dans l'ordre politique.

Et ce qui confirme encore la juftice de nos reproches, c'est la manière dont on rapporte le fentiment des anciens Celtes ou Gaulois fur la Divinité. » S'il » eft permis, dit-on, de se livrer à des » conjectures où la certitude manque, »nous croyons pouvoir avancer que

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[c] Encyclop. Art. Eléatique, t. s. P• 45 3•

» l'opinion de cette ame univerfelle qui » fe répand dans toutes les parties du » monde & qui en eft la Divinité, ( opi»nion qui a infecté prefque tout l'Uni» vers) avoit pénétré jufque chez les "Gaulois..... C'est donc bien inuti

lement que quelques Modernes ont » voulu nous perfuader, après le Vêtre » perfuadé à eux-mêmes, que les pre» miers Gaulois avoient une idéer faine

de la Divinité..... Après cela je ne » vois pas fur quoi tombe le reproche » injurieux qu'on fait aux anciens Cel»tes d'avoir été des Athées : ils ont » été bien plutôt fuperftitieux qu'Athées.

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.....

... Tout l'Univers étoit, pour eux, » un Temple, ou plutôt la Divinité fe peignoit à eux dans tous les êtres » qui le compofent. Ce n'eft pas qu'ils » n'euffent des lieux affectés, comme » les bois les plus fombres & les plus » reculés, pour y adorer d'une manière particulière la Divinité. Ces lieux » étoient propres à frapper d'une fainte » horreur les peuples qui fe repréfen» toient quelque chofe de terrible, appellant Dieu ce qu'ils ne voyoient » pas, ce qu'ils ne pouvoient voir.

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