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lent bien faire quelques réferves, & ne pas comprendre dans leur arrêt de profcription les Religieux fpécialement confacrés au fervice des malades. Si I'Encyclopédie, Monfieur, n'eût fait qu'applaudir au zèle infatigable de ces charitables Cénobites, nous applaudirions nous-mêmes à l'Encyclopédie; mais fon systême eft que les Religieux ne font propres qu'à cet emploi. » Seroit-ce aller trop loin, demande M. » Dal..... que de prétendre que cette occupation eft la feule qui convienne à des Religieux ? En effet, pourfuit» il, à quel autre travail pourroit-on les appliquer A remplir les fonctions du "Ministère Evangélique? Mais les Prê» tres féculiers deftinés par état à ce » Ministère ne font déja que trop nom» breux, & par bien des raifons doivent être plus propres à cette fonction "que des Moines. Ils font plus à portée » de connoître les vices & les befoins ❞ des hommes; ils ont moins de maî» tres, moins de préjugés de Corps » moins d'intérêt de Communauté, & » d'intérêt de parti [a].

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[a] Encyclop. Art, Freres de la Charité, t. 7. P. 301,

Il ne s'agit point, Monfieur, de comparer ce que font les Religieux dans le Ministère Evangélique avec les travaux des Prêtres féculiers. Tout Religieux plein de l'efprit de fon état fçait rendre à ceux-ci la justice qui leur eft due. Ce font les Pasteurs ordinaires particuliérement deftinés à édifier leur trou. peau par leurs exemples, & à l'éclairer par leur doctrine. Mais de ce que les Pasteurs font néceffaires, s'enfuit-il que les autres Miniftres foient inutiles? Il y a long-temps qu'on a donné aux Religieux le nom de Troupes auxiliaires, par rapport aux combats que la Religion eft obligée de livrer ou de foûtenir. Ce feroit donc à M. Dal.... de montrer que cette dénomination ne leur convient nullement. Mais s'il l'entreprenoit, Monfieur, il auroit contre lui le cri général de l'Empire Chrétien. Prenez en main la Carte de l'Univers, & voyez s'il eft une feule contrée foumise au Chriftianifme où les Religieux ne tra vaillent point avec fuccès à l'accroiffement, au maintien de la Foi & des Maurs. Quelque ardent, quelque étendu que foit le zèle des Prêtres féculiers,

il ne peut pas toujours fuffire à toutes les fonctions Apoftoliques; de forte qu'en fuppofant l'extinction des Ordres Religieux, on pourroit, jufqu'à un certain point, dire encore de nos jours ce que difoit JESUS-CHRIST: La moiffon eft grande, mais il y a peu d'ouvriers [b]. En vain M. Dal.... prétend- il que les Prêtres féculiers ne font déja que trop nombreux. Cette affertion ne peut être vraie que dans le cas où tous les Chrétiens reffembleroient à nos Philofophes qui, malheureusement pour eux, ne fçavent que trop fe paffer du Miniftère des Prêtres.

D'ailleurs, Monfieur, par cela même que les Prêtres féculiers font néceffaires pour cultiver la vigne du Seigneur dans les endroits où elle est déja, ils ne fçauroient aller la planter dans des terres étrangères. Il eft aifé de voir que des Prêtres ifolés font moins propres à ce Ministère que des hommes de Commu nauté; parce que ceux-ci trouvent des fecours par-tout où s'étend leur Ordre; reffource qui manque abfolument aux

[b] Luc. c. 10. . 2.

premiers. Cette vérité fenfible eft puiffam. ment confirmée par l'expérience. Quand je parcours les Annales Eccléfiaftiques du huitième, du neuvième & du dixième. fiècles, je vois le Nord de l'Europe amené aux pieds de JESUS-CHRIST & enrollé fous les étendards de l'Eglife Romaine, par les enfans de faint Benoît. N'est-ce pas le Moine faint Auguftin, qui, aidé de fes coopérateurs, a porté l'Evangile en Angleterre? On a fenti plus d'une fois qu'il étoit avantageux à l'Eglife que des Religieux fortiffent de la folitude à laquelle ils étoient dévoués par état, felon l'exemple qu'en avoient donné les anciens Solitaires de la Thébaïde & plufieurs autres. Perfonne n'ignore que faint Bafile, faint Grégoire de Nazianze, faint Jean Chryfoftôme, Sophrone, &c. ont paffé de la vie monaftique aux plus grandes dignités de l'Eglife pour l'édifier & pour l'inftruire; que c'étoit dans la folitude même qu'ils avoient appris à conduire les hommes, & à leur frayer les routes du falut, Si je continue à porter mes regards fur les fiècles fuivans, je vois avec étonnement le nombre prodigieux d'hommes Apoftoliques qu'a produit l'état Religieux. Quand fous

prétexte

prétexte de défendre la liberté Evangéfique, une grande partie du Nord & même de la France attaqua la vraie Eglife, que de puiffans défenfeurs n'at-elle pas trouvés dans les Monaftères? A la voix des Miffionnaires Religieux, les Indes Orientales & Occidentales voient une grande multitude de leurs habitans adorer JESUS-CHRIST & profeffer l'Evangile. Je remarquerai en paffant que, fi les Pasteurs ordinaires fe doivent à leurs ouailles, les Religieux fe doivent à l'Univers. Auffi, Monfieur, les a-t-on vus & les voit - on encore paffer les mers comme faint Paul, & la croix à la main aborder les peuples les plus fauvages, les plus délaiflés; fceller de tout leur fang les vérités de la Foi, comme l'ont fait, il n'y a pas longtemps, à la Chine plufieurs Religieux de faint Dominique. Enfin, Monfieur dans toutes les calamités publiques, les Monaftères ont fourni à la fociété des hommes courageux, qui fe dévouant au bien temporel & fpirituel du prochain, ont été les victimes de leur charité, ou étoient du moins préparés à l'être: témoin, par exemple, ce qui s'eft passe durant la pefte de Marseille.

Tome XII, 1. Sept. 1769. D

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