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CHAPITRE IX.

LES PARTIS POLITIQUES APRÈS LE TRAITÉ DES VINGT-QUATRE

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Nécessité de remonter à l'origine du royaume des Pays-Bas. Les catholiques se montrent hostiles aux libertés politiques. L'évèque de Gand adresse un mémoire au Congrès de Vienne.. Les chefs de tous les diocèses adressent au roi des représentations contre le projet de loi fondamentale. - Mandements épiscopaux hostiles à la constitution. Origine et causes de ces réclamations. Attitude des libéraux. Ils produisent à leur tour des prétentions excessives. Ils encouragent les empiétements ministériels en matière d'enseignement et de culte. - Rapprochement entre les deux fractions du parti national. Les catholiques se montrent tolérants; les libéraux reviennent de leurs préventions. - Influence de l'abbé de Lamennais. L'Union. Révolution de Septembre et convocation du Congrès national. Force respective des catholiques et des libéraux au sein de l'assemblée constituante. Lettre de l'archevêque de Malines. -Les catholiques votent unanimement en faveur des libertés consti tutionnelles. Attitude des libéraux unionistes. Fraction dissidente de libéraux avancés. Symptômes de désunion. - Création de l'Indépendant. - Attaques dirigées contre les catholiques. Convocation des Chambres. Les catholiques noblement défendus par M. Rogier. Encyclique de Grégoire XVI. - Portée réelle de la décision pontificale. L'Union triomphe de toutes les dissidences. Le parti orangiste. Eléments qui le composent. - Habileté des partisans du prince d'Orange. Faiblesse numérique du parti, à toutes les époques de la révolution. Le parti républicain. - Le parti français ou réunioniste. - Les gouvernements de parti flétris par M. Tielemans. — Aperçu général.

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Pour déterminer avec précision l'attitude, les vœux et les forces des partis politiques après le traité des

XXIV articles, il est indispensable de remonter jusqu'à l'origine du royaume des Pays-Bas (1).

En 1814, une partie des catholiques belgės manifestaient des idées diamétralement opposées à celles qui ont prévalu dans la constitution de 1831. Des documents irrécusables prouvent que les chefs du clergé repoussaient de toutes leurs forces les principes fondamentaux du gouvernement représentatif, tel qu'il est issu des commotions révolutionnaires du dix-huitième siècle combinées avec les traditions politiques de la Grande-Bretagne.

Le projet de loi fondamentale, offert aux votes des notables choisis dans nos provinces, admettait la liberté de conscience et accordait une protection égale à toutes les communions religieuses existant dans le royaume. Il proclamait l'admissibilité de tous les citoyens aux emplois et aux dignités, sans distinction de croyance. Il consacrait la liberté de la presse. I autorisait l'Etat à suspendre l'exercice public du culte, dans le cas où cet exercice pouvait troubler l'ordre ou la tranquillité publique.

Toutes ces dispositions furent repoussées comme contraires à la loi de Dieu, à la tradition catholique et aux droits imprescriptibles de l'Eglise.

(1) Il est rare que les étrangers qui s'occupent de nos dissensions politiques présentent sous leur véritable jour les faits qui dominent la situation. Les uns attachent aux dénominations des partis belges les idées que ces mèmes dénominations éveillent en France, en Espagne et en Italie. Les autres, confondant les époques et les circonstances les plus diverses, attribuent à l'un ou à l'autre parti des tendances et des vœux dont il s'est dépouillé depuis un quart de siècle. On oublie que la lutte se présente dans nos provinces avec un caractère exceptionnel, sans précédents dans l'histoire et sans exemple dans les événements contemporains. La presse nationale elle mème ne perd que trop souvent de vue cette vérité incontestable.

Dès le mois d'octobre 1814, le prince de Broglie, évêque de Gand, avait chargé ses vicaires-généraux de rédiger un Mémoire aux hautes Puissances assemblées dans le Congrés de Vienne (1). Cet écrit demandait la convocation des notabilités du pays en Etats-Généraux, en suivant autant que possible le mode tracé par l'ancienne constitution des provinces belges, « afin de >> traiter ensemble de leurs plus chers intérêts et de >> conclure avec le prince destiné à régner sur eux un >> pacte solennel qui eût pour principal objet le maintien >> inviolable de la religion catholique, apostolique et >> romaine, et ensemble de tous les droits et priviléges » dont elle avait constamment joui avant l'invasion des >> Français. » Invoquant ensuite, à titre d'exemple, les précautions prises par les Etats protestants d'Allemagne à l'égard de leurs princes catholiques, l'évêque demandait « qu'un acte d'assurance, pour le maintien » des droits et des libertés de l'Eglise, fût donné par >> le prince dans un pacte inaugural, que ses succes>>seurs devraient renouveler lors de leur avénement au >> trône. » Il suppliait le Congrès de placer, dans le traité de cession de nos provinces au prince d'Orange, un article portant que la famille royale aurait le droit de professer le calvinisme et d'en exercer le culte à l'intérieur de ses palais, mais avec défense formelle d'ériger ailleurs des temples protestants sous quelque prétexte que ce fùt. Il demandait enfin l'entrée des évêques au conseil d'Etat, le rétablissement de la dime et le libre recours au Saint-Siége (2).

(1) Brochure de 20 pages. Gand, Bernard Poelman, 1814. L'écrit est certifié conforme par F. Boussen, secrétaire de l'évêché.

(2) Pages 7, 14 et 15.

La démarche du prélat n'eut aucun résultat. Au moment où le Mémoire fut remis au Congrès de Vienne, les conditions de la réunion de la Belgique et de la Hollande, sous le sceptre de la maison d'Orange, se trouvaient déjà définitivement réglées par le traité de Londres du 20 juin 1814, ordinairement désigné sous le nom de Convention des Huit-Articles. Or, le second de ces articles, encore tenu secret, exigeait qu'une protection égale fût accordée à tous les cultes, et que tous les citoyens, sans distinction de croyance, fussent également admissibles aux emplois publics.

Ce premier échec n'anéantit pas les résistances du clergé; ses réclamations n'en devinrent que plus vives et plus nombreuses.

Le 28 juillet 1815, les chefs de tous les diocèses belges adressèrent directement à Guillaume Ier une série de représentations respectueuses relativement au projet de la nouvelle constitution (1). Dans ce document, où les formes extérieures du respect et de la soumission sont constamment observées, les prélats déclaraient que les articles de la loi fondamentale relatifs à la liberté des cultes ne seraient propres qu'à aliéner au roi le cœur de ses sujets et à ramener dans nos provinces les troubles qui les avaient désolées au seizième siècle. Ils ajoutaient que le maintien de ces articles placerait le clergé dans la triste nécessité d'opter entre la violation

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(1) Brochure de 8 pages in-8°, sans nom de ville ni d'imprimeur. Elle a été reproduite par Raepsaet (OEuvres complètes, t. VI, p. 350.) Les signataires étaient le prince Maurice de Broglie, évèque de Gand; Charles-François-Joseph Pisani de la Gaude, évêque de Namur; FrançoisJoseph Hirn, évêque de Tournay; J.-A. Barrett, vicaire-général capitulaire de Liége; J. Forgeur, vicaire-général capitulaire de l'archevèché de Malines.

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