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sauva à peine deux mille, qui se réfugièrent sous le canon de l'Acro-Corinthe. Ce fut alors que les chrétiens purent se dire victorieux, quoique Colocotroni ne regardât pas la chose comme terminée, si on en juge par la lettre suivante qu'il écrivait sous la date du 15-27 août, de Souli, village de la Corinthie, au révérend Dom Anthème, religieux de l'ordre des confesseurs. Il avait perdu quatre-vingts hommes et le brave Anagnoste Pétimessas; son cœur saignait de cette blessure quand il traça ces lignes :

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<< Si depuis long-temps je ne vous ai pas écrit, <«< vous en connaissez la cause, et j'espère que yous l'approuverez. Trouvant maintenant une occasion << sûre pour m'acquitter de ce devoir, je vous dirai << que nos diplomates (il désignait par-là D. Hypsilantis, Négris et les Hétéristes) et leurs projets ont <«< causé les plus grands maux à notre patrie. Mais j'espère, avec l'aide de Dieu, que nos Hellènes, <«< instruits par le malheur, ne seront plus leurs du «< pes, et qu'ils surmonteront tous les obstacles à l'a« venir, comme ils viennent de le faire..

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«

Il y a à peine un mois que les ennemis, presque << au nombre de trente mille, sont entrés dans le Pélo«ponèse. Nous en avons jusqu'à présent détruit six « à sept mille; le reste se trouve humilié et confiné << à Corinthe et aux environs de cette place, dans «< un état de désespoir, Ils n'ont plus de cavalerie, et <«<leur perte est inévitable. Tel est le résultat de la <«< campagne jusqu'à ce jour; et avec l'assistance divine, <«< nous les anéantirons. En attendant, l'esprit public

« s'est beaucoup amélioré, et cela nous donne les << meilleures espérances pour l'avenir.

«

« Théodore Colocotroni. >>

La veille de la date de cette lettre, Pierre-MavroMichalis battait les Turcs devant Nauplie de Romanie, et les rejetait dans cette place, après leur avoir fait éprouver une perte considérable. Mais comme si la fortune avait voulu avertir les Grecs qu'elle vend ses faveurs, et qu'elles ne sont trop souvent que baignées de larmes, ils eurent à pleurer, dans ce jour de victoire, la mort du taxiarque Nicolas Nicétas, frère de celui qui avait exterminé tant de mahométans dans le défilé de Trété. Emporté au milieu des ennemis, par un cheval fougueux, qu'il montait, il fut percé de coups; et ses palicares ne parvinrent qu'avec des efforts extraordinaires à recouvrer son corps, auquel ils rendirent les devoirs funèbres sous le canon de la petite forteresse, où on a dû depuis lui ériger un tombeau.

Les combats cessèrent le premier septembre. L'invasion de la Morée avait coûté plus de dix mille hommes aux mahométans; mais Argos et tous les autres villages avaient disparu; et comme il n'y avait plus de lieu habitable dans cette partie de la presqu'île, il fut décidé que le siége du gouvernement serait transféré à Saint-Jean d'Astros, dans la Cynurie.

Les vaisseaux hydriotes firent aussitôt voile de ce côté; et le trois du même mois, les premières délibérations des députés eurent lieu à l'ombre des oranger's ́d'un verger, qui devint le local des séances du corps législatif des Hellènes.

CHAPITRE V.

Arrivée de la flotte ottomane devant Patras.

Conseils donnés

aux Turcs par les Anglais. - Nouvelles des désastres des Grecs, transmises par eux à Souli. - Escarmouche de Krio Néro. - Les Souliotes intimidés capitulent. Bruits sur un prétendu protectorat des Anglais réfutés. Arrivée des Souliotes à Céphalonie. Intrigues du consul anglais de Prévésa. Nouvelle de l'invasion de la Morée

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par Drama Départ de cette ville

des ambassadeurs Strangford et Lutzoff, appelés au congrès - Incursions des croiseurs grecs,

de Vérone.

La Porte

Évêques dé

est détrompée sur ses prétendues victoires. putés par Khourchid vers Odyssée, qui les éconduit. Dispersion de l'armée mahométane de Larisse.

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Combat

du 18 septembre, victoire de Colocotroni. Avidité des généraux turcs. Le capitan pacha met à la voile.- Préparatifs des Grecs pour le combattre. - Engagement naval - État imposant de la flotte ottomane.

devant Hydra.

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Lettres interceptées.

La

Saisie d'un brick autrichien. flotte turque prend la fuite. - Tempête qu'elle éprouve ;se retire à la Sude. Situation des Grecs et des Turcs dans l'île de Crète.-Trait d'audace des insulaires de Kasos. Départ de M. Villoch, ministre de S. M. B., pour la Perse. Décapitation d'Ismaël Pachô bey. Réclusion de Vasiliki. Translation de la croix de Constantin à Hydra. Cérémonie. Oraison funèbre des martyrs de Chios.

La flotte ottomane, composée de presque toutes les

forces navales de la Turquie d'Europe, d'Asie et d'Afrique, était arrivée, au nombre de quatre-vingt

quatre voiles, dans les premiers jours du mois d'août, devant Patras.

Suivant les principes de la neutralité pratiquée par les Anglais, ils lui avaient, à son passage à Zante, donné assistance, renseignements, et surtout des conseils, tels, que s'ils eussent été suivis, les Grecs étaient infailliblement perdus. Après avoir informé le vice-amiral turc de la défaite des Grecs à Péta; du soin qu'une compagnie d'agioteurs, établie dans les îles Ioniennes, pour approvisionner les places fortes turques, avait pris de ravitailler Carystos dans l'île d'Eubée, qui commençait à manquer de vivres, on lui promit de mettre tout en œuvre pour amener les Souliotes à une capitulation, afin de nettoyer ainsi l'Épire du seul foyer d'insurrection, dont elle était encore infestée. On lui démontra enfin la nécessité de virer de bord sans aucun délai, pour seconder les opérations de Drama Ali, qui venait d'entrer en Morée. L'apparition seule de la flotte turque, en cet instant, dans le golfe d'Argos, suffisait pour épouvanter les Grecs, déja consternés, qui se seraient dispersés dans les montagnes de l'Arcadie. Ils n'avaient plus d'armée aux Thermopyles; des rapports certains annonçaient que les Turcs avaient franchi les défilés, envahi l'isthme, occupé l'Acro-Corinthe, sans éprouver aucune résistance; et que Khourchid pacha, marchant sur leurs pas, s'avançait pour les soutenir. Ainsi, avec un léger effort de la part de l'armée navale, c'en était fait de la cause trop vantée d'une insurrection sur laquelle on n'avait eu jusqu'alors que des documents erronés.

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Tels furent, sommairement, les avis et les conseils qu'on donna aux Turcs, à leur entrée dans la mer Ionienne. Les uns n'étaient pas entièrement exacts; mais il est certain que s'ils eussent suivi les plans qu'on leur proposait, ils auraient probablement été funestes aux chrétiens. Ils promirent d'y avoir égard, en les soumettant au nouveau capitan-pacha, qui se trouvait dans le château de Patras, dès qu'il aurait pris le commandement de la flotte. On fit voile aussitôt vers le golfe de Lépante, tandis que la police de Zante, chargée d'abuser l'opinion publique, annonçait à son de trompe, dans l'Occident, l'humiliation de la croix, et les triomphes imaginaires du peuple antichrétien.

Soit que les agents anglais de l'Heptarchie comptassent réellement sur les succès des Turcs, ou qu'ils fussent abusés par leur haineuse ignorance, ils travaillaient de toute la puissance de leur machiavélisme à faire réussir les infidèles dans leurs projets.

On a vu avec quelle joie le consul britannique de Prévésa s'était empressé, sur la foi des courriers expédiés de Larisse à Békir Dgiocador, de publier la conquête du Péloponèse. Le conseil dirigeant de la tyrannie, avec un zèle non moins stupide, avait transmis cette nouvelle aux Souliotes, affligés de la retraite de Mavrocordatos, qui les abandonnait à la fureur des Turcs. Depuis cette révélation fatale, les bulletins anglo-turcs n'annoncèrent plus aux belliqueux enfants de la Selleïde que des désastres; et le mensonge, coloré de vues philanthropiques, fut si adroitement dé

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