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ils demandent à s'unir par les liens de la fraternité, en se déclarant Vlamia. Un ministre des autels s'avance aussitôt ! Prosternés au pied de la croix, ils échangent leurs armes; ils se donnent ensuite la main en formant une chaine mystérieuse; et recueillis devant le Dieu rédempteur, ils prononcent les paroles sacramentelles: ma vie est ta vie, et mon ame est ton ame. Le prêtre alors les bénit; et ayant donné le baiser de paix à Marc Botzaris, qui le rend à son lieutenant, ses soldats, s'étant mutuellement embrassés, présentent un front menaçant à l'ennemi (1).

C'était le 4 novembre 1822, au lever du soleil; on apercevait de Missolonghi et d'Anatolico, le feu du bataillon immortel, qui s'assoupit vers midi. Il reprit avec une nouvelle vivacité deux heures après passage du soleil au méridien, et il diminua insensiblement jusqu'au soir. A l'apparition des pre

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(1) J'ignore d'où vient le mot Vlam et Vlamia au pluriel; mais cette cérémonie est connue sous le nom de Adeλçoñoα, Adeλporоinois, adoptio in fratrem, chez les écrivains du bas empire. Voy. Démétr. Chomat. Archiep. Bulgar., p. 135, et l'Euchologe, p. 898. Leo. grammat. in Mich. Theophil. F. P. 460, de Basilio postmodum imperatore: ά20v eiç Tò λOUTPÒν, ἤλλαξεν αὑτὸν, καὶ ἐλθὼν ἐν τῇ ̓Εκκλησίᾳ, ἐποίησεν ἀδελφοποίησιν. Γ. Nomocanon Coteler. n. 511, et in Concil. Chalcedon., act. 10 de Iba episcopo et ejus accusatoribus, deindè reconciliatis : Ποιήσαμεν δὲ αὐτοὺς φίλους. Τὰ ἅγια δῶρα ἄνω ἐν τῷ ἐπισκοπείῳ ἐκοινώνησαν μετ ̓ ἀλλήλων, ἀυτὸς καὶ οἱ πρεσβύτεροι. Alter est Evagrii, lib. 1, Hist., c. 13 ubi Domnus, Antiochiæ episcopus, et S. Simon Stylites, άμφω συνελθέτην, καὶ τὸ ἄχραντον ἱερουργοῦντες Σῶμα, τῆς Ζωοποιοῦ κοινωνίας ἀλλήλοις ἀντέδωσαν.

mières étoiles, on aperçut dans le lointain les flammes des bivouacs ennemis, répandus dans la plaine. La nuit fut calme, et le 5 au matin Marc Botzaris entra à Missolonghi, suivi de vingt-deux Souliotes; le surplus de ses braves avait vécu.

A la faveur de leur courageuse résistance, le président Mavrocordatos, qui n'avait pu les secourir, s'était occupé de faire entrer dans la place des bestiaux et tous les vivres qu'on avait trouvé moyen de réunir. Il avait en même temps songé au salut des habitants, en faisant embarquer pour le Péloponèse les vieillards, les femmes, les enfants et les bouches inutiles.

Marc Botzaris, époux, père et chef de famille, après avoir rempli ses devoirs de soldat, avait aussi des mesures de sûreté à prendre pour des objets qui lui étaient plus chers que la vie. Au premier bruit de la défection de Varnakiotis et de ses complices, il les avait envoyés à Missolonghi; et sa sœur, mariée à un des apostats qui étaient passés sous les drapeaux du croissant, ne voulant plus porter un nom deshonoré, avait demandé le divorce. On avait différé jusqu'à ce jour de prononcer la redoutable sentence qui brise les liens que l'Éternel a ratifiés; mais la cause majeure de haute trahison étant manifeste, le divorce fut accordé par Porphyre, archevêque d'Arta, qui s'était attaché à la cause des chrétiens depuis qu'il les avait vus trahis et malheureux ; il demandait à Dieu d'expier ses fautes, en répandant jusqu'à la dernière goutte de son sang pour la croix.

Rendue libre par cet acte, Marc Botzaris recevant

sa sœur dans son sein, résolut de la faire embarquer avec sa famille sur un vaisseau prêt à faire voile pour Ancône. Sa sœur, empressée de quitter une terre qui lui rappelait l'opprobre du nom auquel elle venait de renoncer, ne demandait qu'à partir; mais il n'en était pas de même de la tendre et douce Chrysé!

Par combien de détours ingénieux elle essaya de fléchir son époux! Tantôt elle lui proposait de l'envoyer à Ithaque, et tantôt à Céphalonie, où devait se trouver le polémarque son oncle: Je vaincrai, disait-elle, la rigueur des Anglais, je désarmerai ces barbares au cœur de fer! pourraient-ils résister aux larmes d'une mère? — Chère Chrysé, que distu, fléchir les Anglais? ils sont durs comme l'océan. Ils ont vendu Parga, l'aurais-tu oublié? L'intérêt est leur dieu; et s'il l'exigeait, ils te vendraient ainsi que nos chers enfants.—Je n'ai plus que des attraits vulgaires, cher Marc, et toi seul peux encore trouver ta Chrysé belle; ces pauvres innocents ne sauraient étre séparés de leur mère. - Et leur mère pourrait-elle habiter dans un pays gouverné par ceux qui viennent de consommer la perte de Souli, et d'organiser la trahison de Varnakiotis? Non jamais, reine couronnée, vierge mère de mon Dieu, s'écria Chrysé, l'épouse de Marc ne devra l'hospitalité aux ennemis des chrétiens. Mais dans quel pays dois-tu m'envoyer? sous quel ciel est située Ancóne? -- Sous le ciel du patriarche auguste de Rome, ma bien aimée, c'est le père commun des fidèles; et si ton epoux...

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N'achève pas, conserve-toi pour tes enfants. J'obéis, je pars.

Elle dit, et tombant à ses pieds avec les timides créatures qui le nommaient leur seigneur et leur pére, Marc Botzaris les bénit au nom du Dieu des batailles. Il accompagne ensuite sa famille au port; il suit des yeux le vaisseau, dont les vents sonores du midi enflent aussitôt les voiles; il la salue, il lui fait longtemps signe encore en tendant les bras. Hélas! il la quittait pour la dernière fois.

Le même jour le clergé célébrait, en silence, les obsèques du stratarque Cyriaque, dont les soldats avaient débarqué la dépouille mortelle au fort de Vasiladès, situé à l'entrée des lagunes. On l'avait ainsi transporté dans la ville, où il semblait s'établir comme ces ombres généreuses des héros indigènes toujours propices à la patrie, pour inspirer de nobles sentiments aux Hellènes. Le 6 les barbares arrivèrent à la tête de la chaussée qui commence au-dessous de Plevrone, et Jousouf pacha ayant fait sortir de Lépante deux bricks de guerre, Missolonghi fut investie le 7 novembre, par terre et par mer.

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LIVRE NEUVIÈME.

CHAPITRE PREMIER.

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Préparatifs des Péloponésiens pour secourir Missolonghi. Désintéressement de Nicétas. Projets de l'amirauté d'Hydra. Audace des insulaires de Ténos.

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Débarquement des Barbaresques à Mycone. - Ils sont battus par Modéna Mavrogénie. Servilité des habitants de Syros.

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Translation du gouvernement à Hermione. Arrivée de l'escadre hydriote à Psara. Résolution de détruire la flotte ottomane mouillée à Ténédos. Départ des brûlots commandés par Constantin Canaris et Cyriaque. - Incendie d'un vaisseau de ligne.-Naufrage et dispersion de l'armée navale turque.. - Notice sur Constantin Canaris. - Son retour à Psara. Allégresse des Grecs à la nouvelle de leur victoire navale. Troubles à Constantinople. - Mécontentement des janissaires. Supplice de Constantin Négris. — Déposition du grand-visir et du mouphti. - Révolution dans le sérail. - Réclusion et fustigation de la Khasnadar ousta. Disgrace du barbier de Sa Hautesse. Exil de Khalet effendi. - Sa mort. Yaphta ou sentence attachée à sa tête. — Empoisonnement du sérasker Khourchid pacha. - Idée de ce visir.- Vacillations politiques. - Refus d'admettre les envoyés des Hellènes au congrès de Vérone, et d'entendre les réclamations de l'ordre de Malte. Réflexions à ce sujet. Tentatives inutiles de quelques agioteurs pour ravitailler Nauplie.

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Prise de cette forteresse.

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