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Dictionnaire français illustré et Encyclopédie universelle de M. Dupiney de Vorepierre1 est, suivant les promesses du titre, vraiment un ouvrage qui peut tenir lieu de tous les vocabulaires et de toutes les encyclopédies. Nous en avons dit le plan et le double service qu'il ambitionne de rendre, soit comme répertoire lexicographique, soit comme résumé de toutes les connaissances humaines. L'auteur reste fidèle à son plan, et l'on peut juger, maintenant que sa tâche est aux neuf dixièmes accomplie, qu'elle n'était point, si énorme qu'elle parût, au-dessus de son courage et de ses forces.

Pour l'apprécier, nous n'aurions qu'à nous répéter. C'est toujours, pour le sens des mots, la même analyse, précise, exacte et complète; pour la science des choses, c'est toujours la même profusion de notions et de renseignements; grâce aux caractères fins et serrés de ses articles encyclopédiques, ce sont toujours, en quelques colonnes, de véritables traités; et les figures intercalées dans le texte, d'une gravure si vive et d'un dessin si net, ajoutent à la démonstration écrite l'évidence de la vue. M. Dupiney de Vorepierre n'a plus à donner au public que les dernières lettres de l'alphabet. Nous pouvons donc, dès aujourd'hui, considérer comme achevée cette œuvre qui nous a paru, pendant le cours de son exécution, si digne de sympathies et d'éloges 2.

1. Bureau de la Publication et Michel Lévy frères, gr. in-4 à 3 colonnes, t. II, G-SOU, 1104 p. Voy. t. III de l'Année littéraire, p. 468-471.

2. Nous devons au moins une mention à un autre dictionnaire presque encyclopédique, publié dans les derniers jours de l'année et que nous n'avons pas eu encore le loisir d'étudier : nous voulons parler du Dictionnaire général des lettres, des beaux-arts et des sciences morales et politiques, par MM. Dezobry et Bachelet (Dezobry et C, gr. in-8, 1808 p.), les auteurs principaux du Dictionnaire de biographie et d'histoire, qui remonte à une date antérieure à la publication du premier volume de notre Année littéraire. Autant que nous pouvons juger par une lecture rapide d'un travail aussi considérable,

Nous n'avons aussi qu'à renvoyer aux développements où nous sommes entré sur le Dictionnaire analogique de la langue française de M. P. Boissière 1, et à en signaler le complet achèvement. On a vu déjà l'objet propre et original de ce « Répertoire complet des mots par les idées et des idées par les mots. » On sait le secours particulier qu'il doit offrir contre les trahisons de la mémoire et comment il est impossible, avec son aide, que le mot oublié ou inconnu propre à rendre notre pensée échappe à nos recherches. Une des parties difficiles de la tâche entreprise par l'auteur était l'organisation générale des renvois, entre les nombreux groupes d'idées offrant des affinités ou des analogies lointaines. La répartition des mots, dès le premier article, en une première famille d'idées, supposait la détermination préalable de toutes les familles. Chaque partie du livre impliquait chez l'auteur la connaissance du livre tout entier. Ainsi se composent les ouvrages qui se recommandent par la proportion, cette qualité si rare dans nos jours de littérature hâtive et de travaux improvisés.

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Le Dictionnaire analogique de M. P. Boissière n'est pas et, comme nous l'avons dit, ne devait pas être le « dictionnaire ontologique et rationnel » que rêvait Charles Nodier, et qu'il appelait « le bon dictionnaire impossible; mais il sera, dans les limites où l'auteur a voulu se renfermer, ce que le même Charles Nodier appelait un instrument de pensée. Quelle que soit notre estime pour les travaux

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des articles bien faits, rédigés avec savoir, habileté et talent, rachètent les inconvénients d'un plan qui n'est pas assez général pour une excyclopédie, et qui l'est trop pour remplacer les dictionnaires spéciaux des divers sujets qu'il embrasse littérature, sciences philosophiques. économie politique, administration, droit, arts, archéologie, numismatique, etc., etc.

1. Larousse et Boyer, grand in-8 à quatre colonnes pour l'ordre alphabétique, à deux colonnes pour l'ordre analogique, 1440 p., non compris le Supplément.. Voy. t. III de l'Année littéraire, p. 471

patients du lexicographe, nous croyons que le mieux est de s'habituer à se passer de leur secours et à trouver ses idées par la concentration même de l'esprit sur son sujet, et les mots qui rendent les idées par la clarté des idées elles-mêmes. Mais le nombre est grand des personnes à qui manquent la force de penser ou l'habitude d'écrire, qui conduisent à ce résultat. Un répertoire de mots et d'idées classés suivant l'analogie leur rendra le même service qu'un dictionnaire de rimes aux versificateurs dans l'embarras, et après la faculté de se passer d'auxiliaire, le plus grand avantage que l'on puisse souhaiter est d'en rencontrer un bon.

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L'interprétation des grandes œuvres étrangères. Goethe,
traduit par M. Porchat.

Sans reprendre ici les réflexions générales sur l'utilité et l'influence des grandes traductions des œuvres des littératures étrangères, nous nous empressons de signaler l'achèvement prochain de la traduction complète des OEuvres de Goethe, par M. Jacques Porchat'. Huit volumes, dont quelques-uns atteignent ou dépassent 700 pages, ont déjà paru de cette belle publication, destinée à servir de pendant à celle des OEuvres de Schiller.

Ces deux grands écrivains sont, pour ainsi dire, les deux pôles de la littérature et de l'art allemands. Tout le passé de la civilisation d'outre-Rhin vient se résumer en eux; c'est en eux que la pensée germanique moderne a repris son point de départ pour se développer en deux courants qui s'éloignent ou se rapprochent tour à tour. Quiconque n'est pas indifférent aux destinées de l'art et de

1. Hachette et Cie, t. I-VIII, in-8.-Voy. t. IV de l'Année littéraire, p. 427 et suiv.

la philosophie doit aller étudier dans l'Allemagne leur plus brillant berceau, et quiconque voudra connaître à fond l'esprit allemand devra s'arrêter longtemps à l'étude de Goethe et de Schiller, en qui cet esprit se personnifie et se complète.

Mais si l'échange international des idées et des influences morales ou intellectuelles est devenu un des premiers besoins de la civilisation moderne, la diversité des langues élève de fortes barrières entre les sociétés, même les plus voisines, et tend toujours à isoler les uns des autres les membres de la grande famille européenne. Quelques progrès que fassent parmi nous l'enseignement des langues vivantes, il y aura de longtemps assez peu d'hommes capables d'étudier dans le texte original toute la suite des monuments classiques d'une littérature étrangère, ou celle des œuvres d'un auteur étranger. C'est donc un travail méritoire et utile que d'entreprendre de faire passer entièrement de leur langue dans la nôtre des écrivains comme Schiller et Goethe.

La traduction entreprise par M. Porchat ne demandait pas moins de courage que celle de M. Regnier; elle ne présentait pas moins de difficultés, mais des difficultés d'une autre sorte. Que d'hommes différents Goethe réunissait en lui! Poëte, philosophe, savant, il marche avec l'esprit humain dans toutes les directions, va de l'avant vers tous les points de l'horizon intellectuel et moral; artiste et penseur à la fois, il a partout la double originalité de l'idée et de la forme. Goethe mérite encore mieux que Schiller d'être traduit dans toutes les langues modernes et de prendre part dans la bibliothèque des penseurs de tous les pays. Il n'est pas seulement universel par cette universalité d'aptitudes qui le fait tour à tour moraliste hardi, écrivain brillant, naturaliste profond1; il l'est par

1. Ceux qui veulent se rendre compte des travaux scientifiques de

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l'habitude de planer, en toute chose, au-dessus des idées de son temps. Vous êtes un homme,» lui disait Napoléon en le faisant grand-croix de la Légion d'honneur. Avec un esprit si différent, à certains égards, de l'esprit de Voltaire, il a été, comme Voltaire, le patriarche intellectuel de son siècle. Sachons gré au travail persévérant et modeste de venir en aide au génie. Le rôle des traducteurs comme M. Porchat est plus grand qu'on ne pense; ils font ⚫ tomber les barrières des langues devant des hommes qui avaient déjà abaissé devant eux celles des nationalités.

Goethe, peuvent consulter le volume intitulé: OEuvres scientifiques de Goethe analysées et appréciées, par M. Ernest Faivre, professeur à la Faculté des sciences de Lyon (Hachette, in-8, 444 p.). Comme l'indique le titre, ce livre n'est pas une simple traduction, mais une exposition raisonnée et critique des idées aperçues et découvertes de Goethe dans les sciences. La traduction et l'analyse se succèdent et se complètent mutuellement, et l'appréciation domine l'une et l'autre. Le travail de M. Faivre est le complément naturel de celui de M. Porchat.

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