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on sait que les tendances et l'esprit sont universels, entreprend de démontrer que la peinture, la sculpture et l'architecture sont un seul et même art.

Mais à part ces excursions dans la sphère du beau, les coopérateurs de l'Association polytechnique se renferment dans le domaine de l'utile. MM. Babinet, G. Saint-Hilaire, Barral, Bouchardat, Perdonnet, Homberg, traitent devant leur auditoire populaire de la physique du globe, de l'acclimatation, d'agriculture, de l'abus des liqueurs fortes, des grandes inventions modernes et de leurs applications aux choses usuelles de la vie. Ces travaux de propagande savante méritent d'être signalés; ils sont un symptôme de notre mouvement intellectuel, et puisque les lettres et les arts y ont déjà pris une part, ne peut-on pas espérer qu'ils sauront s'y faire une plus grande place. Le beau a été associé de tout temps au vrai et au bien; ne pas le séparer de l'utile est, dans le monde moderne, un des traits du génie français.

Parmi les livres destinés à initier le public aux choses de l'industrie, je dois mentionner la Simple explication des chemins de fer, par M. Amédée Guillemin 1. La rédaction en avait été commencée par un homme distingué, Albert Terrien, enlevé par une mort prématurée. Le second auteur, tout en se pénétrant de la méthode et de l'esprit de l'habile vulgarisateur auquel il succédait dans une tâche intéressante, a cru devoir reprendre le livre à nouveau et en entier, afin qu'il offrît une unité plus complète. Grâce à son travail personnel autant qu'à l'inspiration primitive qui pouvait lui servir de guide, M. Am. Guillemin nous a donné un de ces ouvrages bien faits que le goût de notre époque pour la science appliquée doit rendre chaque jour plus fréquents. Les grandes publications spé

1. Hachette et C, in-18, xII-484 p. (111 vignettes).

ciales sur la construction des chemins de fer, leur mécanisme compliqué, leur matériel immense, leur exploitation aussi considérable que l'administration de certains royaumes, ont été consultées, mises à profit, résumées avec intelligence et proportion, et l'auteur y renvoie modestement le lecteur curieux d'en apprendre davantage.

Il est impossible de voir autour de soi les miracles de l'industrie moderne, de faire de temps en temps usage de ses puissants engins, sans éprouver le désir de connaître quelques-uns de ses secrets, de pénétrer sous l'enveloppe de fer et au milieu des membres si compliqués de ses machines, jusqu'à cette sorte d'âme créée par l'homme pour leur donner le souffle et la vie. Après la Simple explication des chemins de fer de M. A. Guillemin, on connaît presque aussi bien la locomotive que le constructeur ou le mécanicien qui la conduit. On comprend aussi toutes les merveilles que cette première merveille appelait : la voie de fer avec ses courbes, ses pentes et l'entre-croisement de ses lignes, le sombre tunnel, le viaduc aérien, la gare immense, ordonnée au dedans comme un magasin, et, par son architecture extérieure, somptueuse cemme un temple, le temple de l'industrie. A cette nouvelle littérature scientifique, comme aux livres d'anatomie ou de médecine, il faut des planches, des gravures qui parlent aux yeux les cent onze vignettes qui accompagnent le texte de M. Am. Guillemin mettent les moindres détails du sujet en pleine lumière. Cet intéressant manuel de la technologie des voyages fait naturellement partie de la Bibliothèque des chemins de fer. Ecrit avec soin, et avec une simplicité de style qui n'exclut pas la vivacité et la variété des tours, il me paraît plus digne que maints romans et ouvrages de fantaisie d'occuper pendant quelques heures les loisirs d'un homme lettré. Nous surtout, qui avons pour profession l'exercice même de notre intelligence,

nous devons dire avec Leibniz, que « rien de ce qui touche l'esprit humain ne nous est indifférent'. »

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L'œuvre de vulgarisation à la portée des enfants. Ses conditions et ses effets. M. J. Delbrück.

Jamais on ne s'est tant occupé que de nos jours de la vulgarisation des connaissances utiles ou des découvertes scientifiques. Des livres accessibles par la simplicité et la grâce de la forme aux plus novices intelligences, révèlent aux enfants le dernier mot de la science et leur expliquent les merveilles de la nature. Nous avons vu l'auteur de l'Histoire d'une bouchée de pain raconter aux jeunes

1. Si je ne craignais de ramener trop souvent devant mes lecteurs les mêmes noms, ce serait ici le lieu de parler d'un nouveau livre de vulgarisation scientifique de M. L. Figuier. C'est le pendant du Sarant du foyer, mis au jour, l'année dernière, dans les mêmes conditions et avec le même à-propos. Sous un titre qui renferme une idée fausse et qui est une concession apparente à des doctrines que l'auteur ne prend pas pour guide, la Terre avant le déluge est le tableau séduisant de toutes les découvertes de la géologie et des hypothèses d'une paléontologie un peu fantastique. L'auteur annonce des prétentions à l'orthodoxie plus qu'il ne les soutient, et la science n'est pas ramenée par les mutilations qu'on pouvait craindre à la taille du lit de Procuste de la tradition. D'un autre côté, après avoir exprimé la pensée hasardée de mettre la science et l'histoire de la constitution du globe à la portée des plus petits enfants, M. Figuier ne craint pas d'entrer assez avant dans son sujet pour offrir amplement à l'homme fait tout ce que la curiosité la plus avide de notions et de termes scientifiques peut réclamer.

Un très-beau livre de vulgarisation scientifique, en cours de publication, ce sont les Leçons élémentaires sur l'histoire naturelle des oiseaux (même librairie, et V. Masson, in-18, par demi-volume d'environ 200 pages, avec nombreuses vignettes), par MM. J. C. Chenu, O. des Murs et J. Verreaux. Le sujet est ou sera traité dans toutes ses parties anatomie interne, structure intérieure, vie, habitudes, instincts, etc. Le soin de l'exécution typographique répond à celui de la rédaction des savants auteurs.

filles, en les amusant, tous les mystères de la nutrition. Cette œuvre de divulgation scientifique convient parfaitement aux recueils périodiques destinés au jeune âge. Il peut et il doit y avoir, de nos jours, une presse de l'enfance comme il y a une presse populaire, et elle aura pour tâche de faire pénétrer peu à peu et comme goutte à goutte dans les âmes vierges et les esprits avides des générations nouvelles, des notions saines et justes sur toutes choses. Mais quand on s'adresse à l'enfance, l'instruction doit avoir pour compagnon le plaisir. Il y a un heureux moment dans la vie où la théorie du « travail attrayant, si fausse quand on l'applique à l'homme fait, peut devenir une réalité charmante. Nous ne cueillons par nous-mêmes les fruits de l'arbre de la science qu'au prix de longues fatigues et souvent de souffrances amères, mais nous voulons en offrir à nos enfants les prémices sans les leur faire acheter ce qu'elles nous ont coûté.

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Une des publications les mieux faites pour donner à l'enfance et à la première jeunesse une instruction saine, sous une forme aimable, est le recueil dirigé par M. Delbrück et qui a pour titre : les Récréations instructives1. C'est la réunion des meilleurs travaux déjà publiés par l'Éducation nouvelle, journal des mères et des enfants. Jaloux d'être assez irréprochables pour entrer dans les plus rigides familles, les auteurs ne tombent pas dans cette fadeur sentimentale et niaise où certaines préoccupations de morale et de religiosité conduisent trop souvent. Les hommes de sens veulent que l'éducation soit l'initiation véritable à la vie, et la religion ne leur fait pas perdre de vue la famille, ni la famille la patrie, ni la patrie même l'humanité; ils veulent développer de concert tous les bons et nobles sentiments; ils veulent donner l'essor à toutes

1. C. Borrani, L. Hachette et Cie, in-4, 1re, 2e et 3° sèries d'environ chacune 250 p., avec planches et musique.

les facultés persuadés que l'homme fait n'aura jamais, dans les luttes de l'avenir, ni trop d'armes ni trop de res

sources.

Je ne sache rien de plus propre à embellir, à enrichir et fortifier de jeunes intelligences que le spectacle, mis à leur portée, des merveilles de la nature, des conquêtes de la science, des progrès de l'industrie. Les Récréations instructives le leur donnent complet et varié. Ce recueil parle à l'esprit et aux yeux le langage le plus clair. Des tableaux dessinés et coloriés avec soin présentent d'un seul coup d'œil toute une série d'objets corrélatifs ou de produits similaires. L'enfant saisit, dans l'ensemble et dans les détails, ici un animal utile et tout ce qu'on en tire, là une usine, tous ses travaux, ailleurs un groupe d'expériences scientifiques ou de phénomènes naturels. Des conversations intéressantes, appropriées à chaque tableau, en sont le commentaire intelligent et animé. C'est après la science en spectacle, la science en action. On voudrait redevenir enfant pour puiser à ces sources faciles un savoir que nous avons acquis avec tant de peine. Et comme ce qu'on retient le plus longtemps, c'est ce qu'on a appris de bonne heure, il ne serait pas extraordinaire que les petits élèves de M. Delbrück obtinssent de ses Récréations instructives un fruit plus durable et plus solide que celui que nos bacheliers retirent de la préparation laborieuse de leurs programmes.

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