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sur son avenir le grand jour de la publicité, de voir ses progrès accomplis révélés à tous par la plume de nos plus habiles vulgarisateurs. Or M. Raymond est de ce nombre; son livre, qui a paru en partie dans la Revue des DeuxMondes, est écrit avec autant de talent que d'autorité, et il contribuera à donner à notre marine renaissante, la popularité dont elle a besoin pour grandir encore.

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Travaux divers et mouvement général de la bibliographie dans les principales branches des sciences morales et politiques.

Le bruit qui se fait autour de certains ouvrages, comme celui de M. Renan, le mouvement que produisent dans les esprits des questions privilégiées, comme cette année les questions religieuses, n'empêchent pas tous les autres problèmes moraux, politiques, économiques, sociaux, de faire leur chemin et de susciter beaucoup de livres. Seulement l'attention générale s'en détourne momentanément, et nous-même, devant prendre ici la curiosité du public pour guide et la suivre jusque dans ses injustices, nous nous voyons forcé, après nous être arrêté longtemps aux grosses questions du jour et aux livres qui les discutent, de faire à des publications d'un autre ordre, si savantes, si distinguées qu'elles soient, l'aumône à peine d'une mention, d'un souvenir.

Je serai cette année particulièrement coupable envers l'économie politique qui mériterait pourtant de nous arrêter par le nombre et l'importance de ses publications. Dans cet ordre de recherches, qui deviennent de plus en plus populaires, M. Esquirou de Parieu poursuit son important Traité des Impôts, considérés sous le rapport histo

rique, économique et politique en France et à l'étranger'; M. J.-G. Courcelle-Seneuil contribue à la vulgarisation des idées économiques par ses Études sur la science sociale2; la science se présente sous une forme plus accessible encore, dans les Éléments d'économie politique à l'usage des gens du monde, par M. P. Garboulaus; l'erudition se mêle aux questions économiques dans l'Histoire de la Femme, sa condition politique, civile, morale et intellectuelle, par M. L.-A. Martin qui, dans une première suite d'études, traite de l'antiquité. Ce travail me rappelle l'achèvement de l'Histoire de l'Amour de M. Cenac-Moncaut, dont j'ai déjà signalé la première partie et dont le second volume est, sous un point de vue spécial, l'histoire de la femme dans les temps modernes. Les mathématiciens philosophes sont attirés eux-mêmes vers les questions économiques. M. Cournot, dont nos lecteurs connaissent le Traité de l'enchaînement des idées fondamentales, publie les Principes de la théorie des richesses, en les dépouillant cette fois de l'appareil mathématique qu'il croyait jadis propre à les traduire.

Parmi les sciences sociales, la jurisprudence touche de plus près à la philosophie. Nous signalerons pour mémoire un recueil d'articles de journaux qui se présente sous un titre passablement ambitieux: les Légistes, leur influence politique et religieuse par M. J.-B.-V. Coquille, ce publiciste qui, dans les polémiques de l'Univers ou du Monde, servait bravement de second à M. Louis Veuillot.

1. Guillaumin et Cie, in-8, t. I-III.

2. Même librairie, in-8.

3. Montpellier, J. Martel, 1 vol. in-8 en deux parties.

4. Didier et Cie, 2 vol. in-12.

5. Amyot, in-18, 418 p.

6. Voy. t. V de l'Année littéraire, p. 335-337.

7. Hachette et Cie, in-8, Iv-528 p.— Voy. t. IV de l'Année littéraire, p. 385-387.

8. Durand, in-8.

Un livre auquel j'aimerais à m'arrêter à cause des questions elles-mêmes, de leur intérêt social et de leurs conséquences philosophiques, est l'étude historique de M. Jules Loiseleur, intitulée : les Crimes et les peines dans l'antiquité et les temps modernes1. Ne recherchant pas dans son sujet les scènes terribles qui conviendraient mieux au drame ou au roman, il n'en dégage point non plus d'une manière abstraite la théorie philosophique du droit de punir et de ses limites; il prend l'histoire des crimes et des peines dans son rapport avec l'histoire même de la civilisation, et montre dans le progrès des institutions le triomphe de la raison et de la justice.

Je pourrais aussi m'arrêter, dans un cercle historique plus restreint, au livre de M. Charles de Franqueville, les Institutions politiques, judiciaires et administratives de l'Angleterre. C'est une sérieuse étude sur la constitution politique de nos voisins et sur les divers éléments de la vie publique dans un pays qui nous a été proposé si souvent pour modèle. J'y vois que, dès le quinzième siècle, l'Angleterre inspirait déjà à nos meilleurs esprits beaucoup d'admiration. Philippe de Commines disait : « Selon mon advis, en toutes les seigneuries du monde, dont j'ay connoissance, où la chose publique est mieux traitée.... c'est l'Angleterre. Et de nos jours, celui qu'un ministre a appelé solennellement « l'homme le plus libéral de l'Empire avait dit non moins solennellement: La liberté anglaise ne détruit pas, mais améliore; elle porte à la main non la torche qui incendie, mais le flambeau qui éclaire3. » M. de Franqueville a donc bien le droit de se montrer un admirateur des institutions anglaises sans se voir accuser d'anglomanie.

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Je suis forcé d'être aussi très-court avec la philosophie

1. Hachette et Cie, x-392 p.

2. Même librairie, XLVI-558 p.

3. Discours de l'Empereur, 25 janvier 1863.

proprement dite, qui pourtant, malgré les préoccupations étrangères de notre époque, ne veut pas se laisser oublier. Parmi les travaux qui la rappellent, il faut mentionner l'Histoire générale de la philosophie depuis les temps les plus anciens, jusqu'à la fin du dix-huitième siècle, par M. Victor Cousin 1. C'est malheureusement, sous un titre nouveau, un bien vieux livre. M. Cousin, qui a tourné vers les études littéraires l'activité de sa verte vieillesse, a trop délaissé la philosophie pour lui donner autre chose que ses anciennes œuvres rajeunies, en apparence, par des anachronismes. Son Histoire générale de la philosophie n'est autre chose qu'un de ses cours les plus brillants des derniers jours de la Restauration, celui de 1829, remanié dans quelques parties et mis en harmonie, par des adoucissements de détails, avec les goûts timides d'un enseignement affadi. Je vois pourtant un des maîtres les plus distingués d'une nouvelle génération philosophique, approuver les divers changements introduits par M. Cousin dans son œuvre. M. E. Caro, avec l'habilité ingénieuse et la souplesse de talent qui le caractérise, applaudit « aux progrès dans le détail des idées et du style, à la suppression de quelques traits vieillis. Il nous rappelle que « la Charte, par exemple, nous était montrée, dans les éditions précédentes, comme le dernier résultat du travail de la Révolution et du dix-huitième siècle; » il lui est facile de faire voir que cette idée était étroite, et « enrôlait l'histoire dans un parti; puis il ajoute en termes qui expriment bien la pensée de toute une école: « Ce trait a disparu, et le jugement sur la philosophie du dix-huitième siècle a gagné singulièrement en justesse, en précision scientifique, en même temps qu'il s'affranchissait des vérités relatives et partielles du jour qui deviennent si souvent les erreurs du

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1. Didier et C'e, in-8.

2. Vov. le journal la France du 25 août 1863.

lendemain.» Tout cela est très-délicatement dit, mais ne me convainc pas de l'excellence du procédé de M. Cousin. Ces erreurs de 1829, ou, si l'on aime mieux, ces vérités relatives et partielles, avaient leur prix et leur sens historique; ce sont des faits d'une période de notre philosophie française; elles ont leur date; elles appartiennent à l'histoire, et personne, pas même l'auteur, n'a le droit de les supprimer d'un livre qui est dans le domaine public. Un philosophe peut désavouer son passé, mais quand il l'exhume, il n'a pas le droit d'en altérer la physionomie, d'en fausser le témoignage.

La philosophie contemporaine ne recule pas du reste devant les questions mises à l'ordre du jour par la science moderne. M. A. Lemoine traite, au point de vue du spiritualisme, la grande question des rapports du physique et du moral, dans l'Ame et le Corps, étude de philosophie morale et naturelle1. Pendant que les philosophes abordent la médecine, les médecins se font philosophes: M. P.-E. Garreau, médecin en chef de l'Ecole militaire de Saint-Cyr, publie un nouvel essai d'une théorie cartésienne; sous ce titre significatif : Contre l'animisme : c'est la réfutation des doctrines que nous avons vu relever avec tant d'efforts par un philosophe universitaire, M. Tissot. Un autre médecin, le docteur G. Saucerotte, paraît prendre de plus haut les relations de la science du corps et de la science de l'esprit, et publie sous ce titre un peu trop général : l'Histoire et la Philosophie dans leurs rapports avec la médecine 3, un recueil d'articles et d'études sur des points

1. Didier et C, in-18, Iv-428 p.

2. A. Durand, V. Masson, in-8, vш-136 p.

3. V. Masson, in-18, x-468 p. En voici le sommaire: Du rôle de la médecine dans l'histoire; - Des rapports de l'âme et du corps; De l'influence de quelques maladies sur les facultés de l'âme; Magnétisme et somnambulisme; · L'entraînement en matière d'édu- Rapports de l'économie (politique avec la physiologie et

cation;

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