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c'est, non l'existence de Dieu que les insensés sont seuls à nier (Ps. XIV, 1; LIII, 1), mais la fidélité de ses promesses, la certitude de sa parole. La vie de chaque Israélite est dominée par cette conviction suprême qu'il a tout en Dieu et qu'il dépend absolument de lui. Il est à remarquer que cet enseignement, vivement mis en lumière par la loi, a néanmoins précédé la loi et doit lui survivre, la loi n'ayant été qu'une méthode provisoire d'éducation du peuple de Dieu. Dans la nouvelle alliance, l'objet de la foi religieuse demeure le même, mais devient plus accessible à tous. Tandis que, sous la première économie, encore engagée dans les liens d'un nationalisme étroit, Dieu s'était incomplétement révélé, la foi chrétienne trouve en Jésus-Christ celui que l'humanité réclame, le Père céleste qui est esprit et amour (Jean I, 18; XIV, 9. 10; IV, 23; III, 16; Marc X, 18). Ce que Dieu avait annoncé à l'avance par Moïse et par les prophètes (Luc XXIV, 27. 25), ce que la foi attendait, il l'a montré et donné en Jésus-Christ, justifiant, par cette méthode progressive, le caractère «infiniment varié de sa sagesse » (Eph. III, 10). Telle est désormais pour le chrétien la valeur de la personne et de l'œuvre de Jésus-Christ qu'il ne peut rien accepter qui la nie, l'altère ou la diminue; il croit en lui, comme au Sauveur des hommes (Jean XI, 25. 26); il saisit dans le Christ historique ce qui est élevé au-dessus de l'histoire et du temps, le don même de Dieu et la vie éternelle (Jean III, 36; Rom. VI, 23). Ce terme appartient surtout au langage chrétien; il est très-fréquent dans le Nouveau Testament et rare dans l'Ancien. Tel étant soit avant, soit après Jésus-Christ, l'objet de la foi, il en résulte quelques données importantes, quant à l'origine de la foi et quant à son caractère. - Quant à son origine, elle est produite dans les âmes, non par des raisonnements, mais par la puissance de Dieu (1 Cor. II, 5; Jean VI, 44), ou par une illumination divine (2 Cor. IV, 6; Hébr. VI, 4) qui accompagne la prédication de l'Evangile (Rom. X, 14. 17; 1 Cor. I, 21) et d'où naît une conviction énergique et profonde (1 Thess. I, 5; Hébr. X, 22). « Si la parole de Dieu voltige seulement au cerveau, dit Calvin, elle n'est point encore reçue par foi. » Cette action d'en haut, quelque puissante qu'elle soit, n'a cependant rien de magique; elle ne s'exerce sur les cœurs qu'autant qu'ils ne lui résistent pas; elle reste sans efficace sur ceux qui persistent à se rechercher eux-mêmes (Jean V, 44); aussi n'est-il pas donné à tous d'avoir la foi (2 Thess. III, 2). La condition première pour l'obtenir de la souveraine grâce de Dieu, c'est de rompre résolûment, par la repentance, avec un passé mauvais, et de tendre invariablement à la réalisation de la loi morale, entrevue dans la conscience, en partie réalisée par les serviteurs de Dieu de tous les temps, contemplée enfin dans sa perfection en Jésus-Christ. Le caractère principal de la foi, c'est d'être exclusivement religieuse, c'est-à-dire d'avoir pour objet direct Dieu lui-même, tel qu'il se révèle en Jésus-Christ (Jean XVII, 3) et dans l'Ecriture sainte qui rend témoignage à Jésus-Christ (Jean V, 39). Si la foi se détourne de cet objet unique, pour se porter sur des traditions humaines

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FOI

(Colos. II, 23), même les plus antiques et les plus dignes de respect, ou sur des conceptions scientifiques (Colos. II, 8), même les plus plausibles, elle perd par là même son caractère essentiel, en cessant d'ètre purement religieuse. Ces déviations ont été fréquentes dans l'histoire. Pour un grand nombre d'hommes, la foi consiste à admettre comme vraies certaines propositions religieuses; on a confondu avec la foi, qui est un fait moral et un certain état de l'âme, l'un de ses éléments, savoir la croyance à laquelle l'apôtre Paul ne donne jamais le nom de foi et que Jacques appelle une « foi morte, » que les démons eux-mêmes peuvent posséder (Jacques II, 17. 26. 19; Luc IV, 34. 41). La foi qui a Dieu pour objet est autre chose qu'un fruit de la réflexion et une adhésion de l'esprit ; elle est une direction du cœur (Rom. X, 9. 10) et de la volonté (Jean V, 40), qui intéresse et engage toute la personnalité morale; elle s'attache au Dieu vivant, en s'unissant à Jésus-Christ, le saint de Dieu (Jean VI, 69). Telle est la puissance de la foi que celui qui croit est pardonné (Actes XXVI, 18), justifié (Gal. II, 16; III, 24; Rom. III, 22), sauvé (Actes XVI, 31), né de Dieu (1 Jean V, 1), introduit dans de nouvelles relations filiales avec Dieu (Gal. III, 26). La foi est pour le chrétien le résumé des commandements de Dieu (1 Jean III, 23). Loin d'être un ensemble de dogmes, ou une croyance toute faite, elle progresse, comme toute chose vivante (Luc XVII, 5; 2 Cor. X, 15; 1 Thes. III, 10; 2 Thes. I, 3; 1 Cor. XIII, 2); entre la foi élémentaire exprimée (Marc IX, 24) et la foi triomphante de l'apôtre Paul (Rom. VIII, 31-39), il est assurément bien des degrés. Le jour viendra où la foi, mise en pleine possession de son objet, sera changée en vue immédiate et radieuse (2 Cor. V, 7; 1 Cor. XIII, 12). - De ce que la foi a son domaine, sa méthode et son activité propres, en dehors des sciences d'observation ou de raisonnement, il ne résulte pas que la foi et la science doivent rester étrangères l'une à l'autre. En premier lieu, la foi reposant sur une révélation divine précise, peut éprouver le besoin d'en vérifier les bases historiques, de remonter aux sources, de controler la valeur des témoignages, ce qui ouvre à la foi raisonnée la vaste carrière des sciences critiques. En second lieu, la foi, s'emparant de l'homme entier, stimule aussi sa pensée; il veut se rendre compte de ce qu'il croit, ajouter la gnosis à la pistis. Dès que la foi sort du for intérieur de l'âme et qu'elle s'exprime, il faut que cette expression de la foi soit aussi conforme que possible à son contenu, qu'elle n'en néglige aucun élément et qu'elle donne à chacun sa valeur relative. De là, un travail intellectuel considérable qui a reçu le nom de théologie et qui s'accomplit sans cesse dans le sein de l'Eglise : fines quærit intellectum. Faute de se livrer incessamment à cette recherche, par l'organe de ses penseurs et de ses théologiens, l'Eglise risquerait de voir des traditions erronées et superstitieuses ou de vaines imaginations prendre la place des réalités de la foi. Celle-ci n'a rien à redouter des efforts de la pensée : la science, qui est la vérité des choses, ne saurait jamais être en conflit réel avec la foi qui unit l'âme au Dieu de la vérité. Mais, s'il est légitime et néces

saire que la raison s'applique à la foi, il n'est pas moins indispensable, pour que la science religieuse ne fasse pas fausse route, que la foi la précède et lui fournisse son objet; sans cette donnée première, la science s'agite dans le vide, car si elle confirme et ordonne les vérités de la foi, elle ne les découvre pas. Il est même certain, a priori, quels que soient les progrès de la théologie, qu'il restera toujours dans la foi des mystères impénétrables à la science, le domaine de la première dépassant beaucoup celui de la seconde : « Mes pensées ne sont pas vos pensées, » dit l'Eternel (Es. LV, 8).- De ce qui vient d'être dit ressortent clairement les fruits de la foi chrétienne. Puisqu'elle est le lien entre l'âme et le Christ, elle nous fait participer à l'esprit du Christ et à tous les biens que cet esprit communique (Gal. III, 14; V, 22-25); en même temps, elle nous pousse à glorifier, par nos œuvres, le Sauveur dont nous sommes les disciples; son amour pour nous réveille notre amour pour lui et pour nos frères; la foi devient agissante par la charité (Gal. V, 6) et se répand dans la vie comme le sang dans le corps. La contradiction qu'on a quelquefois signalée, à cet égard, entre les deux apôtres Paul et Jacques n'est qu'apparente: ils se placent à deux points de vue différents, mais non opposés, Paul affirmant avec force que nos œuvres sont absolument insuffisantes à nous justifier devant Dieu, et Jacques affirmant avec une égale force qu'une foi morte (sans œuvres) ne nous justifie pas davantage. Ils ne parlent donc ni de la même foi, ni des mêmes œuvres. L'insistance avec laquelle chacun développe son affirmation prouve qu'il y avait entre eux des tendances religieuses très-différentes, mais n'autorise nullement à admettre, soit chez l'un, soit chez l'autre, une intention polémique. La foi, qui se manifeste par la vie du Christ dans l'âme et par les bonnes œuvres dans la vie, se manifeste encore par le témoignage rendu au Christ dans le monde (2 Cor. IV, 13; Ps. CXVI, 10); il est dans sa nature d'être communicative, les biens spirituels auxquels elle s'attache appartenant à l'humanité entière. Notre travail serait incomplet si nous ne présentions pas, avant de finir, un rapide aperçu de la notion de la foi, telle que nous la trouvons chez Jésus et chez les apôtres. Le ministère de Jésus s'ouvre par cette double exhortation : « Amendez-vous> (condition négative de l'entrée dans le royaume de Dieu qu'il vient fonder) et « croyez à l'Evangile, » c'est-à-dire à sa mission (condition positive): Marc I, 15. La foi est surtout pour Jésus la confiance en Dieu et en celui qu'il a envoyé. Elle a le pouvoir de transporter les montagnes (Marc XI, 22. 23) et rend tout possible (Marc IX, 23). La foi en l'efficace de la prière fait obtenir ce qu'on demande (Marc XI, 24). Jésus loue ceux en qui il trouve la foi, même des païens qui, par leur foi, font honte aux juifs (Matth. VIII, 10; XV, 28). II pose comme condition de ses miracles la foi au Dieu qui les opère par son moyen (Matth. VIII, 43; IX, 28), et n'en fait point là où cette foi ne se trouve pas (Matth. XIII, 58). L'objet de la foi qu'il prêche, c'est lui-même, l'envoyé de Dieu et le libérateur promis; il demande qu'on ait en lui une confiance absolue, comme en celui qui, par sa

personne, sa parole et sa vie, révèle le Père (Matth. XVIII, 6; Jean VI, 29. 35, etc.). Cette foi doit aller jusqu'à le confesser devant leshommes (Matth. X, 32) et à souffrir pour lui (Matth. V, 11). Croire en lui, c'est la vie éternelle (Jean VI, 47; XI, 25. 26). Bien que Jacques ne fasse pas une mention fréquente de Jésus-Christ, cependant c'est sur lui, suivant cet apôtre, que repose la foi des chrétiens (Jacques II, 1); elle reconnaît en lui le Seigneur (le même nom qu'il donne ailleurs à Dieu : cf. V, 7. 8 avec I, 7; IV, 10, etc.) qui possède une gloire divine (II, 1) et qui va prochainement juger le monde (V, 8. 9). Cette foi est la richesse inaliénable de l'homme, même des pauvres (II, 1. 5), mais elle n'a de puissance justifiante qu'autant qu'elle est accompagnée de bonnes œuvres; quand celles-ci manquent, c'est que celle-là n'a pas de vitalité, qu'elle est morte (II, 14-26), plus ou moins analogue à celle qu'on peut trouver chez les démons, et qui, loin de les rassurer, les fait trembler. Pour Pierre, la foi est surtout une espérance, l'espérance du salut et de la gloire éternelle (1 Pierre I, 5. 8. 9; V, 40), fondée sur le Dieu de toute grâce qui a ressuscité Jésus-Christ d'entre les morts (I, 21). Elle sert ici-bas à résister aux attaques du diable (V, 9). Eprouvée et fortifiée par l'épreuve, elle sera, un jour, l'honneur et la gloire du chrétien (I, 7). Dans l'épître aux Hébreux, il s'agit surtout de la foi aux choses invisibles (XI, 1) qui, par elle, deviennent comme visibles (XI, 27), et spécialement aux Diens à venir (XI, 13), à la fidélité des promesses de Dieu (X, 23; XI, 11), ans lesquelles on met une confiance inébranlable (úñóστasıç, XI, 1). L objet spécial de ces promesses varie suivant les circonstances (pour Noé: XI, 7; pour Abraham : 8, 10. 18; pour Sara: 11; pour Isaac, 20; pour Moïse, 26; pour des persécutés, 35); mais la foi qui s'y attache est toujours la même; ce fut la marque uniforme et distinctive de tous les hommes pieux de l'ancienne alliance (XI, 2-40); tous, ils ont eu foi au Dieu rémunérateur (XI, 6). A la tête de cette armée des héros de la foi qui nous encouragent de leur exemple, marche Jésus, notre chef (apxnxós), qui nous conduira aussi jusqu'au but final (Teλets), et sur lequel nous tenons les yeux fixés (XII, 2). C'est en gardant cette foi qu'on sauve son âme (X, 35-39). L'incrédulité consiste à abandonner le Dieu vivant (II, 12). La foi, telle est la clef de voûte de l'enseignement de l'apôtre Paul. C'est par elle que l'homme est justifié, et non par les œuvres (Gal. II, 16), car celles-ci sont insuffisantes; l'expérience a surabondamment prouvé que le pécheur ne peut être sauvé que par grâce; or c'est la foi seule qui saisit la grâce de Dieu, en Jésus-Christ. La foi répond à la grâce, comme l'accomplissement de la loi répond (ou devrait répondre) à la loi; elle rétablit entre Dieu et nous des relations de sécurité (Rom. V, 1) et, par elle, nous devenons virtuellement justes devant lui (III, 22), puisqu'elle nous unit au Christ (VI, 5; Gal. II, 20; Eph. III, 17) et qu'en Christ nous sommes morts pour le péché et vivants pour Dieu (Rom. VI, 11). Aussi la foi, pour Paul, loin d'entraîner le relâchement moral, produit-elle nécessairement et spontanément les œuvres (2 Cor. V, 17); en effet, elle est la mort du péché qui est tué,

dans sa racine, par l'union du pécheur avec Christ mourant et ressuscité. La foi est donc devenue, dans le cœur du chrétien, une loi morale et le germe d'une personnalité nouvelle. On voit que cette notion de la foi constitue l'universalisme de la doctrine de l'apôtre, puisque, ainsi entendue, la condition du salut est accessible à tout homme, juif ou gentil (Rom. III, 29. 30). Nous ne faisons qu'indiquer ici, pour ne pas rester incomplet, cette grande doctrine paulinienne qui sera exposée dans l'article Justification. Pour Jean, la foi, condition du salut, c'est, avant tout, l'assurance que Jésus est le fils de Dieu (1 Jean IV, 15. 16; V, 5); c'est pour la faire naître dans les cœurs qu'il écrit son évangile (Jean XX, 31). Selon que l'on confesse le Fils (ce qui est le propre de la foi) ou qu'on le renie, on a ou l'on n'a pas le Père (1 Jean II, 23). La foi, qui suppose la parole de Dieu demeurant en nous, fait que nous demeurons dans le Fils, et par lui dans le Père (II, 24) et que nous sommes victorieux du monde (V, 4). Le mot joi ne se rencontre pas dans l'évangile de Jean.-On sait que la notion de la foi est l'une des doctrines sur lesquelles l'enseignement de l'Eglise catholique s'éloigne le plus de celui de l'Eglise protestante. Le désaccord porte surtout sur deux points : le caractère de la foi et sa valeur propre. Pour le protestant, le premier caractère de la foi, c'est le caractère personnel (Jean IV, 42); elle suppose un contact immédiat de l'âme avec la vérité, telle qu'elle nous est transmise par l'Ecriture sainte et intérieurement garantie par le Saint-Esprit. Pour le catholique, le premier caractère de la foi, c'est le caractère autoritaire; elle suppose entre l'âme et la vérité un intermédiaire nécessaire qui est l'Eglise. La foi est un acte de soumission à l'Eglise; elle consiste à la considérer comme la gardienne et la dispensatrice de la vérité et à accepter sa direction. Croire, c'est professer les doctrines qu'elle enseigne et dont la principale est l'autorité même de l'Eglise. A ces deux notions de la foi correspondent deux méthodes religieuses opposées : l'une, la méthode catholique, subordonne la vérité à l'unité, et va de l'Eglise à Jésus-Christ (ubi Ecclesia ibi Christus); l'autre, la méthode protestante, subordonne l'unité à la vérité, et va de Jésus-Christ à l'Eglise (ubi Christus ibi Ecclesia). Ce fut au nom de la foi que Luther se sépara d'une Eglise qui était devenue infidèle à l'enseignement et à la simplicité de l'Evangile. Quant à la valeur de la foi, l'opposition entre les deux Eglises n'est pas moins manifeste. Pour l'Eglise protestante, cette valeur est telle que la foi est la condition unique du salut, étant admis, d'ailleurs, qu'il s'agit de la foi vivante qui porte en elle le principe des bonnes œuvres. Sola fide, tel a toujours été le mot d'ordre de la Réforme. L'Eglise catholique, au contraire, reconnaît une double condition du salut : la foi et les œuvres; cellesci sont pour l'homme des titres à la faveur de Dieu, indépendamment de la foi, à laquelle elles doivent s'ajouter. Il est aisé de voir que cette doctrine fait reculer la grâce du Christ devant les mérites de l'homme. JEAN MONOD.

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FOI (Articles de). Voyez Dogmatique.

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