Images de page
PDF
ePub

Accoutumez-vous à avoir de la bonté et de l'humanité pour vos domestiques. Un ancien dit qu'il faut les regarder comme des amis malheureux. Songez que vous ne devez qu'au hasard l'extrême différence qu'il y a de vous à eux: ne leur faites point sentir leur état; n'appesantissez point leur peine. Rien n'est si bas que d'être haut à qui vous est soumis.

N'usez point de termes durs; il en est d'une espèce qui doivent être ignorés d'une personne polie et délicate. Le service étant établi contre l'égalité naturelle des hommes, il faut l'adoucir. Sommesnous en droit de vouloir nos domestiques sans défauts, nous qui leur en montrons tous les jours? Il faut en souffrir. Quand vous vous faites voir pleine d'humeur et de colère (car souvent on se démasque devant son domestique), quel spectacle n'offrez-vous point à leurs yeux? ne vous ôtez-vous pas le droit de les reprendre? Il ne faut pas avoir avec eux une familiarité basse: mais vous leur devez du secours, des conseils, et des bienfaits proportionnés à votre état et à leur besoin.

Il faut se conserver de l'autorité dans son domestique, mais une autorité douce. Il ne faut pas aussi toujours menacer sans châtier, de peur de rendre les menaces méprisables: mais il ne faut appeler l'autorité que quand la persuasion manque. Songez que l'humanité et le christianisme égalent tout. L'impatience et l'ardeur de la jeunesse, jointes à la fausse idée qu'on vous donne de vous-même, vous font regarder les domestiques comme des gens d'une autre nature que la vôtre. Que ces sentiments sont contraires à la modestie que vous vous devez, et à l'humanité que vous devez aux autres!

Si par malheur, ma fille, vous ne suivez pas mes conseils, s'ils sont perdus pour vous, ils seront utiles pour moi. Par ces préceptes je me forme de nouvelles obligations. Ces réflexions me sont de nouveaux engagements pour travailler à la vertu. Je fortifie ma raison, même contre moi, et me mets dans la nécessité de lui obéir; ou je me charge de la honte d'avoir su la connaître, et de lui avoir été infidèle.

Rien de plus humiliant, ma fille, que d'écrire sur des matières qui me rappellent toutes mes fautes. En vous les montrant, je me dépouille du droit de vous reprendre: je vous donne des armes contre moi; et je vous permets d'en user, si vous voyez que j'aie les vices opposés aux vertus que je vous recommande; car les conseils sont sans autorité, dès qu'ils ne sont pas soutenus par l'exemple.

PENSÉES DE DIVERS AUTEURS.

L'HOMME n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature; mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser. Une vapeur, une goutte d'eau suffit pour le tuer. Mais quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu'il sait qu'il meurt; et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien. Ainsi toute notre dignité consiste dans la pensée. C'est de là qu'il faut nous relever, non de l'espace et de la durée. Travaillons donc à bien penser: voilà le principe de la morale.

Diseur de bons mots, mauvais caractère.1

2

Peu de chose nous console, parce que peu de chose nous afflige. On ne montre pas sa grandeur pour être en une extrémité, mais bien en touchant les deux à la fois, et remplissant tout l'entre-deux.

L'homme qui n'aime que soi, ne hait rien tant que d'être seul avec soi.

On se persuade mieux, pour l'ordinaire, par les raisons qu'on a trouvées soi-même, que par celles qui sont venues dans l'esprit des autres.

Ceux qui font des antithèses en forçant les mots sont comme ceux qui font de fausses fenêtres pour la symétrie.

La vraie éloquence se moque de l'éloquence.

y a plaisir d'être dans un vaisseau battu de l'orage, lorsqu'on est assuré qu'il ne périra point. Les persécutions qui travaillent l'Église sont de cette nature.

La propre volonté ne se satisferait jamais quand elle aurait tout ce qu'elle souhaite; mais on est satisfait dès l'instant qu'on y renonce.

La pitié chrétienne anéantit le moi humain, et la civilité humaine le cache et le supprime. PASCAL.

L'amour de Dieu est le bon sens de l'amour de soi. ABBADIE.

Le stupide et le bel-esprit sont également fermés à la vérité.

1) Mauvais genre d'esprit. Voyez p. 221, au milieu. 2) V. page 202, n. 2.

Il y a seulement cette différence, qu'ordinairement le stupide la respecte, et que le bel-esprit la méprise. MALEBRANCHE.

Il est plus honteux de se défier de ses amis que d'en être trompé. Le vrai moyen d'être trompés, c'est de nous croire plus fins que les autres.

Le vrai honnête homme est celui qui ne se pique de rien. L'hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu. Le trop grand empressement qu'on a de s'acquitter d'une obligation est une espèce d'ingratitude.

Ce n'est pas un grand malheur d'obliger des ingrats; mais c'en est un insupportable d'être obligé à un malhonnête homme1. Louer les princes des vertus qu'ils n'ont pas, c'est leur dire impunément des injures.

2

Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement.

Le plus grand défaut de la pénétration n'est pas de n'aller point jusqu'au but, c'est de le passer.

Nos actions sont comme les bouts-rimés, que chacun fait rapporter à ce qui lui plaît.

L'esprit nous sert quelquefois à faire hardiment des sottises. Rien n'empêche tant d'être naturel que l'envie de le paraître. Nous gagnerions plus de nous laisser voir tels que nous sommes que d'essayer de paraître ce que nous ne sommes pas". LA ROCHEFOUCauld.

On n'a jamais pris longtemps l'ombre pour le corps: il faut être, si l'on veut paraître. Le monde n'a point de longues injustices. Mme DE SÉVIGNÉ.

C'est une grande misère que de n'avoir pas assez d'esprit pour bien parler, ni assez de jugement pour se taire.

Rien n'est moins selon Dieu et selon le monde que d'appuyer tout ce que l'on dit dans la conversation, jusques aux choses les plus indifférentes, par de longs et de fastidieux serments. Un honnête homme qui dit oui et non mérite d'être cru: son caractère

4) «Seigneur, il est bien dur pour un cœur magnanime
«De devoir des bienfaits à ceux qu'on mésestime.» Voltaire.

[blocks in formation]

4) Voyez la même idée développée par

Boileau dans son Épitre sur le Vrai.

jure pour lui, donne créance à ses paroles, et lui attire toute sorte de confiance.

Quelque désintéressement qu'on ait à l'égard de ceux qu'on aime, il faut quelquefois se contraindre pour eux, et avoir la générosité de recevoir.

Celui-là peut prendre, qui goûte un plaisir aussi délicat à recevoir que son ami en sent à lui donner.

Il y a du plaisir à rencontrer les yeux de celui à qui on vient de donner.

Il vaut mieux s'exposer à l'ingratitude que de manquer aux misérables.

Il faut briguer la faveur de ceux à qui l'on veut du bien, plutôt que de ceux de qui l'on espère du bien.

La moquerie est souvent indigence d'esprit.

Si vous observez avec soin qui sont les gens qui ne peuvent louer, qui blâment toujours, qui ne sont contents de personne, vous reconnaîtrez que ce sont ceux-mêmes dont personne n'est

content.

Il n'y a pour l'homme que trois événements, naître, vivre et mourir; il ne se sent pas naître, il souffre à mourir, et il oublie de vivre.

Deux choses toutes contraires nous préviennent également, l'habitude et la nouveauté.

Quand une lecture vous élève l'esprit, et qu'elle vous inspire des sentiments nobles et courageux, ne cherchez pas une autre règle pour juger de l'ouvrage : il est bon, et fait de main d'ouvrier. Dans un méchant homme, il n'y a pas de quoi faire un grand homme.

LA BRUYÈRE.

Les grandes pensées viennent du cœur.

La servitude abaisse les hommes jusqu'à s'en faire aimer.
On ne peut-être juste si l'on n'est humain.

Il est faux qu'on ait fait fortune lorsqu'on ne sait pas en jouir.
C'est être médiocrement habile que de faire des dupes.

Nous querellons les malheureux pour nous dispenser de les plaindre.

La clarté orne les pensées profondes.

Ceux qui se moquent des penchants sérieux aiment sérieusement les bagatelles.

Les sots admirent qu'un homme à talent ne soit pas une bête pour les intérêts.

La nécessité de mourir est la plus amère de nos afflictions.
La solitude est à l'esprit ce que la diète est au corps.

Le bon sens est une qualité du caractère plus encore que de l'esprit.

Apprenons à subordonner les petits intérêts aux grands, même éloignés, et faisons généreusement et sans compter tout le bien qui tente nos cœurs: on ne peut-être dupe d'aucune vertu. VAUVENARGUES.

Vivre dans l'embarras, c'est vivre à la hâte: le repos allonge la vie. Le monde nous dérobe à nous-mêmes, et la solitude nous y rend. Le monde n'est qu'une troupe de fugitifs d'eux-mêmes. MAD. DE LAMBERT.

Une des premières vertus sociales est de tolérer dans les autres ce qu'on doit s'interdire à soi-même.

Les grands qui écartent les hommes à force de politesse sans bonté, ne sont bons qu'à être écartés eux-mêmes à force de respects sans attachement.

Les âmes sensibles ont plus d'existence que les autres.
L'orgueil fait faire autant de bassesses que l'intérêt.
Le peuple doit être le favori d'un roi.

Quand on court après l'esprit, on attrape la sottise.

DUCLOS.

Une belle action est celle qui a de la bonté, et qui demande de la force pour la faire.

La raillerie est un discours en faveur de son esprit contre son bon naturel. MONTESQUIEU.

Le plus grand secret pour le bonheur, c'est d'être bien avec soi. Naturellement tous les accidents fâcheux qui viennent du dehors nous rejettent vers nous-mêmes; et il est bon d'y avoir une retraite agréable; mais elle ne peut l'être si elle n'y a été préparée par les mains de la vertu.

Il est plus aisé de s'abstenir que de se contenir.

« PrécédentContinuer »