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supérieur par gestes ou menaces, qui se trouve prévu et puni par l'article 224 du même Code.

La tentative de meurtre commise par un militaire envers un supérieur pendant le service ou à l'occasion du service, doit-elle être réprimée par l'article 223 du Code de justice militaire relatif aux voies de fait ?

Cette question avait déjà été traitée avec une grande force de logique et de précision par l'honorable M. de Chénier, qui s'était prononcé pour la négative dans le Manuel des Conseils de guerre, p. 178, et quoique son opinion n'ait pas été partagée, à cette époque, par la Cour de cassation, elle reprend toute sa force sous l'empire de la nouvelle législation, parce que la seule considération sérieuse qui ait été invoquée dans l'arrêt du 10 janvier 1852 a cessé d'exister depuis la promulgation du Code de justice militaire.

Supposons, en effet, que la question de tentative d'homicide volontaire posée au Conseil soit résolue affirmativement, mais que les juges déclarent, en même temps, que cette tentative n'a pas été commise pendant le service, ni à l'occasion du service, il ne restera plus, comme nous l'avons démontré plus haut, d'après le système qui a prévalu devant la Cour de cassation, qu'une tentative de voie de fait qui n'est pas prévue par le nouveau Code de justice militaire.

Dès lors, il faudrait nécessairement prononcer, dans ce cas, l'absolution de l'accusé, puisque l'article 223 ne punit que la voie de fait consommée, et ce serait, si cette interprétation était admissible, créer en faveur des militaires un privilége monstrueux, puisqu'il consacrerait l'impunité d'un crime que la loi commune punit des travaux forcés à perpétuité !

« Un meurtre ou une tentative de meurtre ne sont, dans bien « des circonstances, ni une voie de fait ni une tentative de voie << de fait.

<< Sans parler des embûches, des guet-apens dressés pour «< attenter à la vie des individus, en un mot, de tous les autres « moyens que la perversité humaine a inventés pour donner la « mort, et où l'on ne voit ni la présence ni l'action de la main « de celui qui veut tuer, il y a dans les crimes militaires des cas << nombreux où le meurtre et la tentative de meurtre n'ont rien « de commun avec la voie de fait ou la tentative de voie de fait. « Par exemple, si un soldat fait respirer à un supérieur, pen«dant son sommeil, une substance dégageant un gaz qui donne «la mort, il n'y aura pas eu la moindre voie de fait, et le meurtre « n'en sera pas moins consommé. Supposons un soldat à l'exer« cice à feu, qui, gourmandé par son capitaine et en proie à un «< accès de colère, laisse la baguette dans son fusil et couche «en joue cet officier, avec l'intention formée subitement de le << tuer; supposons aussi qu'un camarade de ce soldat relève le <<< fusil au moment où le coup part. Y aura-t-il eu voie de fait? « Assurément, non ; l'officier n'a pas été touché; mais il y a ten<«<tative de meurtre, puisque l'homme avait l'intention de donner « la mort, que ce fait a eu un commencement d'exécution, qui « n'a manqué son effet que par une circonstance indépendante « de la volonté de celui qui cherchait à tuer son capitaine.

<«< Ici, les Conseils de guerre trouveront la répression de ce «< crime ou de sa tentative dans les dispositions du Code pénal. « Remarquons maintenant qu'alors même que le meurtre se « serait accompli, que l'officier aurait été tué par la baguette <« du fusil, il y aurait meurtre et non pas voie de fait seulement, « parce qu'il ne faut pas dénaturer les faits et les qualifier au<< trement que la loi ne l'a voulu.

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« La voie de fait militaire est l'acte d'insubordination le plus "grave: non pas comme violence, comme mauvais traitement, «< comme coup, car elle peut n'avoir consisté qu'en un seul << mouvement du revers de la main, ayant à peine touché la « joue du supérieur; mais elle a été l'expression du mépris de <«<l'autorité, de la négation du commandement; elle a été la « désobéissance à l'ordre d'un chef, le signe non équivoque de « la révolte de l'inférieur contre le supérieur, et pouvait devenir le signal du soulèvement de la troupe contre la puissance <«< militaire, qui repose sur le pouvoir de commander des uns et « l'obéissance entière, absolue des autres. A cette obéissance, « qui n'admet ni réplique ni hésitation, sont attachés la tran«quillité du pays et le salut de l'Etat.

« On comprend dès lors pourquoi cette répression sévère de

« la voie de fait militaire, qu'il ne faut pas confondre avec les << autres crimes prévus et classés par le Code pénal ordinaire. « Quant à la nature de la répression, peu importe; car il n'y << à pas nécessité d'infliger la peine de mort parce que le meurtre a été commis par un militaire contre un autre militaire. Croit<< on que les travaux forcés à perpétuité ne sont pas suffi<< sants? Et pourquoi chercher une disproportion dans les châ<«<timents lorsqu'il s'agit du même fait commis par un militaire <«< et par un autre individu`n'appartenant pas à l'armée? On « objecte que la simple voie de fait est punie plus sévèrement « que le meurtre; c'est une erreur. Ce n'est point la simple << voie de fait, c'est la voie de fait militaire, c'est-à-dire l'acte << d'insubordination le plus grave et le plus redoutable, qui peut « avoir pour résultat de briser le frein qui retient dans les << limites sages et salutaires de l'obéissance une population en<< tière armée qui, à un moment donné, pourrait bouleverser « l'Etat et rappeler les cohortes prétoriennes. (De Chénier, « Manuel des Conseils de guerre, 2e édit., p. 178.)

DES

TRIBUNAUX MILITAIRES.

DEUXIÈME PARTIE

COMPRENANT

LE CODE DE JUSTICE MILITAIRE, LE CODE PÉNAL ORDINAIRE, LES LOIS SPÉCIALES INTÉRESSANT L'ARMÉE,

LES CIRCULAIRES ET AUTRES ACTES CONCernant la LÉGISLATION des Conseils de Guerre ;

ENFIN, UN FORMULAIRE DES ACTES DE LA PROCÉDURE MILITAIRE.

CODE DE JUSTICE MILITAIRE pour l'Armée de terre.
Du 9 juin 1857.

NAPOLEON, par la grâce de Dieu et la volonté nationale, EMPEREUR DES FRANÇAIS, à tous présents et à venir, SALUT. AVONS SANCTIONNÉ ET SANCTIONNONS, PROMULGUÉ ET PROMULGUONS Ce qui suit:

LOI.

Extrait du procès-verbal du Corps législatif.

LE CORPS LÉGISLATIF A ADOPTÉ LE PROJET DE LOI dont la teneur suit :

LIVRE PREMIER.

DE L'ORGANISATION DES TRIBUNAUX MILITAIRES.

DISPOSITIONS PRELIMINAIRES.

Art. 1er. La justice militaire est rendue,

10 Par des Conseils de guerre;

20 Par des Conseils de révision.

Des prévôtés sont établies aux armées dans les cas prévus par le présent Code.

TITRE PREMIER.

DES CONSEILS DE GUERRE ET DES CONSEILS DE REVISION PERMANENTS DANS LES DIVISIONS TERRITORIALES.

CHAPITRE PREMIER.

DES CONSEILS DE GUERRE PERMANENTS DANS LES DIVISIONS TERRITORIALES.

2. Il y a un Conseil de guerre permanent au chef-lieu de chaque division territoriale.

Si les besoins du service l'exigent, un deuxième Conseil de guerre permanent peut être établi dans la division par un décret de l'Empereur, qui fixe le siége de ce Conseil et en détermine le ressort (1).

3. Le Conseil de guerre permanent est composé d'un colonel ou lieutenant-colonel, président, et de six juges, savoir: Un chef de bataillon, ou chef d'escadron, ou major;

Deux capitaines;

Un lieutenant;

Un sous-lieutenant;

Un sous-officier.

4. Il y a près chaque Conseil de guerre un commissaire impérial, un rapporteur et un greffier.'

Il peut être nominé un ou plusieurs substituts du commissaire impérial et du rapporteur, et un ou plusieurs commis-greffiers. 5. Les commissaires impériaux et leurs substituts remplissent près les Conseils de guerre les fonctions du ministère public. Les rapporteurs et leurs substituts sont chargés de l'instruction. Les greffiers et commis-greffiers font les écritures.

6. Les présidents et les juges sont pris parmi les officiers et sous-officiers en activité dans la division; ils peuvent être remplacés tous les six mois, et même dans un délai moindre, s'ils cessent d'être employés dans la division (2).

7. Les commissaires impériaux et les rapporteurs sont pris parmi les officiers supérieurs, les capitaines, les sous-intendants militaires ou adjoints, soit en activité, soit en retraite.

Les substituts sont pris parmi les officiers en activité dans la division.

8. Le président et les juges des Conseils de guerre sont nommés par le général commandant la division.

La nomination est faite par le ministre de la guerre s'il s'agit du jugement d'un colonel, d'un officier général ou d'un maréchal de France.

9. Les commissaires impériaux et les rapporteurs sont nommés par le ministre de la guerre.

Lorsqu'ils sont choisis parmi les officiers en activité, ils sont nommés sur une liste de présentation dressée par le général commandant la division où siége le Conseil de guerre.

Les substituts sont nommés par le général commandant la division.

(1) V. le décret du 18 juillet 1857, qui a déterminé les divisions ou un deuxième Conseil de guerre serait établi.

(2) V. l'article 19, qui détermine le mode de procéder pour la formation de la liste des officiers présentés pour remplir les fonctions de juges et de présidents, et l'instruction ministérielle du 28 juillet 1857.

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