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absolu considéré comme peine, et qui, d'une part, semble de répondre à leur but, quoique, dans chaque pays, on fasse peu à peu quelqu'amélioration; telle, par exemple, la prescription du silence absolu, dont on obtient les plus heureux résultats.

Mais si, en somme, l'Allemagne a peu fait pour améliorer le régime des prisons, on ne saurait donner trop de publicité aux excellens résultats obtenus par les sociétés de patronage pour les détenus libérés, en Prusse, Wurtemberg, Bade, Nassau, Saxe, etc. : c'est en soignant le sort des condamnés libérés de leur peine, qu'on parvient à prévenir les récidives (1).

En Suisse, les établissemens pénitentiaires de Genève et de Lausanne sont dignes du plus haut intérêt, surtout celui de Lausanne, qui, sous l'excellente direction de M. Aubanel, se voit améliorer de jour en jour.

Depuis la notice insérée dans cette revue (2), sur les modifications introduites dans le pénitencier de Lausanne, et les discussions provoquées par la brochure de M. Cramer-Audéoud, la Suisse n'a pas fourni de documens nouveaux, à l'exception, toutefois, de quelques lettres fort intéressantes de M. Aubanel, insérées dans le journal le Fédéral (3). L'infatigable philantrope y signale les résultats favorables produits par les modifications introduites en 1833; il fait remarquer surtout le double avantage du silence

(1) C'est ici le lieu d'appeler sérieusement l'attention de l'autorité sur les odieux résultats de la mise en surveillance, qui amène journellement devant les tribunaux correctionnels des infortunés, coupables de n'avoir pas voulu mourir de faim en cherchant du travail ailleurs que dans le lieu fixé pour leur résidence (Note de l'éditeur).

(2) Voy. Rev. étrang., tom. II, p. 473.

(3) Voy. le Fédéral, des 23 février et 1er avril 1836.

aux condamnés un supplice plus terrible que la vie du bagne, et de l'autre, rend les dispositions du détenu beaucoup plus propices à un amendement moral. Dans d'autres cantons de la Suisse, tels que Berne, Saint-Gall, Zurich, on s'occupe aussi de l'introduction du système pénitentiaire; à Zurich, ¡le projet d'organisation est même déjà élaboré, mais il est vrai de dire que les rédacteurs n'ont guère compris le système pénitentiaire, puisque, tout en prescrivant des réglemens fort sages, ils n'ont pas songé à établir l'isolement des détenus pendant la nuit.

Tous les regards du monde savant et ami de l'humanité sont aujourd'hui dirigés sur la France, cette terre classique du progrès, à laquelle les ressources nombreuses dont elle dispose, et l'état si avancé de toutes ses institutions semblent faire un devoir de consolider, par l'établissement du système pénitentiaire, les réformes de sa législation pénale, et d'offrir une nouvelle et précieuse garantie aux intérêts de la civilisation. Nous convenons, avec M. Amilhau (1), que la France doît, avant d'agir, recueillir les résultats des expériences faites dans les autres pays; nous accordons, qu'avant d'entreprendre elle-même de coûteux essais, et de se prononcer pour un choix, elle s'entourer avec soin de tous les documens propres à l'éclairer sur le mérite des différens systèmes pénitentiaires, et qu'en attendant les données de l'expérience et de l'examen, elle introduise dans ses prisons des améliorations provisoires, telles que la règle du silence et la séparation des condamnés.

Mais la prudence doit avoir des bornes, et il est triste de

(1) Rapport fait au nom de la commission chargée de l'examen du budget pour 1837.

penser qu'en France une foule d'hommes recommandables laissent se consumer, sans s'y associer, les efforts qui se font pour l'amélioration des prisons, et que de bons esprits persévèrent dans le préjugé qu'un changement d'organisation dans les maisons centrales vaudra à lui seul une réforme, sans qu'il soit besoin de recourir à l'introduction d'un système complet et général d'établissemens pénitentiaires. Une tendance plus heureuse, et à laquelle nous applaudissons vivement, se révèle dans les soins dont sont l'objet les jeunes détenus, et dans l'activité de la société de patronage des jeunes libérés établie à Paris. L'opinion émise par M. Béranger (1); sur le mérite du système pénitentiaire, nous fait espérer que le gouvernement se décidera enfin à adopter, pour l'organisation des prisons, non plus des demi-mesures, mais un système large et complet, à l'instar de celui adopté en Angleterre.

Mais pour opérer une réforme vraiment efficace, il importe d'abord de bien fixer les idées sur l'emprisonnement et sur le résultat que cette peine doit produire; il importe de reconnaître d'une manière définitive quels sont les moyens les plus propres pour arriver à ce résultat; quel est, parmi les systèmes pénitentiaires établis en Amérique, celui qu'il faut préférer, et quelles sont les modifications qu'il faut lui faire subir; enfin, il importe de signaler en même temps les réformes à introduire dans la loi pénale, afin de la mettre en harmonie parfaite avec le but de la nouvelle organisation pénitentiaire. Deux ouvrages récens, celui de M. Marquet-Vasselot (2) et celui de

(1) Compte rendu des travaux de la société, etc., 1836.

(2) Examen historique et critique des diverses théories pénitentiaires, Lille, 1855; 3 vol.

M. Charles Lucas (1), ont traité à fond ces hautes questions. On aime à entendre le premier de ces écrivains, qui est lui-même directeur d'une maison de détention, exprimer la consolante opinion de la possibilité d'améliorer les détenus, en s'appuyant sur des expériences aussi neuves qu'intéressantes. On se plaît à répéter ses paroles, lorsqu'il attend cette amélioration de l'éducation morale et religieuse donnée dans les prisons. Les observations critiques et les plans proposés par M. Vasselot méritent à tous égards le plus vifintérêt et l'attention la plus sérieuse, alors même qu'on croit devoir combattre quelques unes de ses conclusions. Mais nous nous appesantirons principalement sur l'ouvrage de M. Lucas, ouvrage qui, à l'autorité d'un nom justement respecté à l'étranger aussi bien qu'en France, joint le mérite d'une conception large et d'une consciencieuse élaboration. Nous allons essayer d'en esquisser les idées fondamentales. « Il faut, dit M. Lucas, se garder d'une préoccupation trop exclusive pour le système américain, qui est loin de réaliser d'une manière complète l'amendement des détenus. La théorie de l'emprisonnement a trois fins principales, qui sont : de prévenir les évasions, la corruption mutuelle des détenus et les récidives. Dès lors, l'emprisonnement lui-même se divise : 1o en emprisonnement préventif pour les personnes prévenues de crimes ou délits ; 2o emprisonnement répressif pour les individus condamnés pour délits ou crimes moins graves; 3o emprisonnement péni– tentiaire pour les grands criminels. »

La division admise par le Code pénal, de tous les méfaits en crimes, délits et contraventions, est incompatible

(1) De la réforme des prisons, etc. Voy. Rev. étrang., t. III, p. 859

avec un système rationnel d'emprisonnement, puisque la loi établit à l'avance un rapport nécessaire entre la criminalité de l'agent et la grandeur du crime, tandis que l'expérience des faits prouve exactement le contraire. Une nouvelle classification est donc indispensable; mais il faut. laisser au juge la faculté de condamner à l'emprisonnement pénitentiaire, même un simple délinquant, lorsque les circonstances du délit révéleront une perversité plus grande, et réciproquement, de prononcer une peine d'un ordre inférieur pour un acte qualifié crime par là loi, lorsqu'il existera des circonstances particulières en faveur de l'accusé. Après avoir développé la théorie de l'emprisonnement préventif (1), l'auteur établit, comme mesure de nécessité générale, l'isolement des détenus pendant la nuit. Mais il s'élève avec force contre le système de Philadelphie, qui admet la solitude absolue pendant le jour et la nuit. Le législateur doit établir des catégories de moralités; et, au lieu d'imposer le silence absolu comme règle, à l'imitation du système d'Auburn, n'appliquer cette mesure qu'à certaines catégories des condamnés; dans le quartier des récompenses, par exemple, il serait permis à deux détenus de se promener, et même de s'entretenir ensemble.

En aucun cas, la règle du silence ne doit exclure un entretien avec les surveillans, les ecclésiastiques ou autres personnes chargées de fonctions dans l'établissement.

L'emprisonnement répressif de M. Lucas ne doit être appliqué qu'aux individus condamnés à une détention de deux ans ; car cet emprisonnement a pour principe l'intimidation. L'amendement des détenus ne peut, selon l'auteur, s'obtenir que par une longue application du régime

(1) Le plan de not swirle

erder cette dicussion,

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