Images de page
PDF
ePub

Langue chinoise.

Le P. Cibot nous a fait part d'une observation, qui, au premier coup-d'œil, devra Assertion, singu- paroître singulière, et qu'on regardera peuttatée par les faits. être comme un paradoxe; c'est qu'on peut

lière, mais cons

[ocr errors]

entendre les caractères chinois, les lire, en

saisir le sens, sans savoir la langue chinoise. Cet habile missionnaire nous apprend qu'on se sert des caractères chinois à la Cochinchine, en Corée, au Ton-kin, au Japon, pour écrire en cochinchinois, en coréen, en tonkinois, en japonais, et que les savants de tous ces pays circonvoisins entendent les livres chinois, sans savoir ni avoir besoin de savoir un mot de chinois. Ces caractères, relativement à toutes ces nations, sont comme les chiffres arabes, qui se lisent différemment à Paris, à Rome, à Pétersbourg, et y présentent les mêmes idées de nombre, qu'on exprime et qu'on rend en termes différents. La raison en est très-simple : les caractères chinois sont des signes immédiats des idées, et non des signes de sons et de mots : ce sont des suites d'images et de symboles, qui représentent ce qu'ils signifient, et non des lettres faites pour rappeler un certain nombre de syllabes, auxquelles la convention a attaché telle idée plutôt que telle autre. Ils peuvent donc être lus dans toutes les langues et être

[ocr errors]

compris, comme les signes algébriques, les Langue chicaractères chimiques, les figures de géomé- noise. trie, etc. << Qu'on n'ait aucun doute sur cette >> assertion, ajoute le P. Cibot: un de nos >> missionnaires s'est entretenu plusieurs fois, » le pinceau à la main, avec les envoyés de » Corée, répondant en caractères chinois à >> ce que ceux-ci lui demandoient de même. Moi-même j'ai actuellement entre les mains, » pour le lire, un livre de médecine, qui a » été composé en coréen et imprimé en ca»ractères chinois. Comme les Japonais sont » une colonie de Chinois dans leur origine, j'avois cru d'abord que leur langue auroit » beaucoup de rapport avec la chinoise; mais » en feuilletant un dictionnaire japonais que » nous avons, je me suis convaincu que ces >> deux langues sont très-différentes. Or, tout » le monde sait que les Japonais se servent » des caractères chinois. »

[ocr errors]

nois ponr leurs caractères.

Les Chinois attachent un grand mérite au Estime des Chitalent de tracer leurs caractères avec grâce et avec correction. Ils les préfèrent souvent à la peinture la plus élégante, et l'on en voit qui achètent fort cher une page en vieux caractères, lorsqu'ils leur paroissent bien formés. Ils les honorent jusque dans les livres les plus

noise.

Langue chi communs; et si, par hasard, quelques feuilles s'en détachent, ils les ramassent avec respect. En faire un usage profane, les fouler au pied en marchant, seroit une impolitesse grossière qu'on ne pardonneroit pas. Il arrive même souvent que des ouvriers, comme maçons, menuisiers, n'osent se permettre de déchirer une feuille imprimée qui se trouvera collée sur le mur ou sur le bois.

[ocr errors]

Lorsque les lettrés, disoit l'empereur » Kan-hi à ses enfants, trouvent par terre » des papiers écrits, quels qu'ils soient, ils >> les ramassent avec empressement, les ras» semblent dans un panier de jonc, et lorsque » le panier est plein, ils les jettent au feu ou » dans la rivière, pour les soustraire, par ce » moyen, à l'injure d'être profanés par d'au» tres. Ayez une grande attention à en user » de même (1). » Cet usage subsiste toujours à la Chine, et l'on y voit encore des lettrés, pleins de zèle pour conserver l'honneur de leurs caractères, payer des gens qui courent les rues et ne s'occupent qu'à recueillir, dans un panier, tous les morceaux de papier où se trouvent écrits des caractères chinois. Ils les brûlent ensuite avec respect, ou bien, les

(1) Instruct. famil., Mém. sur les Chinois, tome IX,

p. 212.

réunissant tous en un même paquet, auquel Langue chiils attachent une pierre, ils les jettent dans noise. la rivière, à la vue de tout le peuple.

Les anciens Chinois n'ont pas plus connu la Ponctuation. ponctuation que les anciens Grecs et Romains. Les Chinois actuels, par respect pour l'antiquité, n'osent l'employer dans les ouvrages de haut style, ni dans aucun des écrits qui doivent être mis sous les yeux de l'empereur. Quelque obscurs que soient les kin, on les imprime sans points, à moins qu'ils ne soient accompagnés de commentaires, et destinés pour les écoliers.

gue chinoise.

La langue chinoise a naturellement de la Génie de la langrandeur et de la majesté; mais elle sait les tempérer à propos. Elle abhorre sur-tout l'enflure, l'hyperbole et le vain étalage de mots. Outre que les siens sont tous monosyllabiques, et ne s'alongent jamais en superlatifs, ils n'admettent autour d'eux que peu d'épithètes, encore doivent-elles être nécessaires et bien assorties. Jusque dans les sujets les plus élevés et les plus sublimes, son véritable génie la porte vers la simplicité.

Les Chinois, au rapport du P. Parrenin, mettent leur langue fort au-dessus de celle des Tartares. « Je ne parle pas seulement, dit

Langue chinoise.

>>

>>

il, des Chinois qui ne savent que leur langue, et ne peuvent porter un jugement » de comparaison; je parle de ceux qui pos» sèdent l'une et l'autre langue. J'ai ques>>tionné des docteurs chinois qui savoient >> toutes les finesses et les délicatesses de la langue des Mantcheoux, et qu'on a placés » dans le tribunal des versions, pour traduire >> des livres chinois en tartare. Comme ils >> donnoient tout l'avantage à la langue chi» noise, je crus qu'ils décidoient par vanité » ou par prévention pour leur langue mater» nelle; c'est pourquoi je m'adressai à des » Mantcheoux, fort habiles dans la langue » chinoise. Ils commencèrent d'abord par

faire l'éloge de leur langue et de leurs caractères; mais ensuite ils avouèrent qu'il y » avoit dans la langue chinoise des tours fins, des expressions délicates, et un laconisme

[ocr errors]

auquel la langue mantcheou ne peut at» teindre; qu'un petit nombre de caractères >> chinois forment dans l'esprit des idées >> vastes, nobles, et difficiles à rendre dans » une autre langue; et que si, dans le dis» cours, elle est susceptible d'équivoques, >> il ne s'en trouve jamais dans les livres (1). (1) Lettres Edif. Tome XXI, page 113, première édition.

« PrécédentContinuer »