SONNETS ET CHANSONS.' LEGS DU PRINTEMPS. Le printemps fugitif m'a soupiré : « Poète, Hélas! je dois quitter ces lieux! Mais je lègue à ton cœur mes frais bouquets de fête, Je t'élis entre tous pour partager aux ames Mon intarissable trésor; Mais souviens-toi surtout des enfans et des femmes, Et donne à la forêt, donne à la moindre branche Donne à ta bien-aimée, alors que son front penche, Afin que chacun t'aime, et que nul ne regrette Lorsque mes rossignols et mes fleurs, ô poète! (1) Nous choisissons les pièces suivantes dans un recueil manuscrit d'un jeune poéte, M. N. Martin, qui se livre à l'étude de la poésie lyrique allemande, et qui en reproduit souvent avec bonheur le ton et l'esprit. J'ai trop ouvert mon cœur à des cœurs peu sincères; Oh! combien je suis las des choses éphémères, Des essors de l'esprit retombant incertains, Rêves brillans d'abord, qu'on nomme après chimères ! Je veux cloîtrer mon ame en un paisible abri, Et ne plus exposer mon espoir appauvri Sur cette mer douteuse, aux vagues renaissantes. Désormais, il suffit à mon désir calmé D'un seul livre souvent relu, d'un cœur aimé, SONNET. LE BOIS.(D'UHLAND.) Ce qui parfois calma mon esprit et mon cœur, Car j'errais dans un bois embaumé de fraîcheur. Et vous, dont m'enivra souvent la douce odeur, Elle fuit; suppliant, je poursuis la rebelle : -Pas même en songe, hélas! ne puis-je t'approcher, Puisque l'herbe et la fleur parlent mieux que les mots, Que le versgiss-mein-nicht de souvenir s'arrose, Si, pour le cœur épris de symboles nouveaux, Un sens naïf encor sur les couleurs se pose, J'ai bien fait de cueillir des fleurs de toute sorte Car à toi j'ai voué ma joie et ma souffrance, La cloche que soudain l'on cesse d'ébranler, Le tison qui finit longuement de briller, Une tardive fleur, doux adieu, veut éclore. Au rameau que l'automne, hélas! vint dépouiller. La chanson qu'entonna de tout son cœur fidèle Ainsi m'arrive-t-il, inassouvi poète : A cette heure où la muse en moi s'endort muette, Je dois écrire encor ce sonnet pour finir. N. MARTIN. BULLETIN. Le ministère a-t-il commis une faute en offrant à M. Martin du Nord un siége à la cour de cassation, et à M. Villemain la place de garde-général des archives du royaume? C'est déjà une singularité que d'être obligé de poser une question semblable, car c'est demander si le cabinet n'a pas eu tort de se montrer fidèle à ses promesses de conciliation et d'impartialité. Comment ceux qui ont trouvé dans ces offres un sujet de blâme contre l'administration comprennent-ils le gouvernement représentatif? Comment comprennent-ils aussi la mission particulière qu'a reçue des circonstances le ministère du 1er mars? Sous le régime constitutionnel qui relève de l'opinion tant dans les chambres que dans le pays, un cabinet ne peut vivre et durer politiquement qu'à la condition d'augmenter ses influences, d'en accroître incessamment le cercle, de les fortifier, de multiplier ses points de contact et ses alliances avec les hommes et les forces parlementaires. Il doit sans cesse recruter et conquérir; ce n'est que par ce prosélytisme intelligent qu'il assure son existence et son crédit. Dans les gouvernemens absolus, une administration peut s'isoler jusqu'à un certain point, et s'enfermer avec hauteur dans le cercle restreint de quelques amis, de quelques partisans. Le régime représentatif est peu compatible avec ces méthodes d'exclusion; il provoque incessamment les hommes à se rapprocher, à s'unir par tous les points qui peuvent leur être communs et leur permettre de marcher ensemble, en laissant dans l'ombre ce qui pourrait les séparer. Cette attraction réciproque, qui est une des lois et un des avantages des gouvernemens libres, est surtout nécessaire dans un temps plus fécond en questions de personnes qu'en difficultés sérieuses sur les principes et les choses. Plus les hommes se sont divisés pour de petites causes, plus ils ont été entraînés pendant quelque temps à élever des querelles d'amourTOME XIX. – SUPPLÉMENT. 10 |