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je pourrois relever encore, un pareil ouvrage ne peut que faire honneur à un homme de vingt-cinq ans. La fituation neuve d'Aricie & du fils de Denis au IV acte, & l'admirable monologue de cette vertueufe & courageufe citoyenne au V, où elle se détermine à faire périr le Tyran au pied. des Autels, outre la nobleffe, l'élégance, & l'amenité de la verfification, tout cela décele & annonce les talents du Poë te. Mais la carriere où il entre est si épineufe, que plus on a de connoiffances & de lumieres, plus on y découvre de diffi-, cultés & de périls ; & c'eft à ce genre furtout, j'entends la Comédie comme la Tra gédie, qu'on pourroit appliquer en particulier ce que l'Auteur de l'excellente Epitre de Clio, applique en général à toutes fortes de Poëfies, que l'on n'y fort jamais d'apprentiffage.

J'exhorterois donc l'Auteur de Denis le Tyran, fi je le connoiffois, à étudier les maîtres, Ariftote, Horace, & même d'Aubignac, & les modeles, Sophocle, Euripide, Corneille, & principalement Raci ne, auffi-bien que Monfieur....... [ Ici Agatophile nous a dit le nom de ce fameux Poëte, dont un âge avancé a pri▾ vé le Théâtre, & fi je le fupprime ici, c'eft pour ne pas bleffer fa délicateffe.]

Mais en admirant, a-t'il ajouté, dans ces trois grands Auteurs tragiques, les vrayes beautés puifées dans les fources de la raifon, & dans le fein même de la Nature, & qui frappent également tout le monde, il faut tâcher d'y découvrir & d'éviter, s'il eft poffible, les deffauts échappés à l'humanité. C'est par ces routes, à la vérité longues & pénibles, qu'un Poëte, né avec du génie & du goût, qui ne font rien de bon l'un fans l'autre, peut un jour approcher de la perfection, s'il n'eft pas donné à l'homme d'y parvenir.

Agatophile a terminé là son discours, dont j'ai en vérité été fi charmé, par plus d'une raifon, que je l'ai prié de me le donner par écrit, dans la crainte d'en oublier le moindre mot. Le pauvre Brillantin eft refté muet & confus, & je l'ai laiffé retourner dans fa chambre, avec fon ami, fans vouloir m'applaudir de ma victoire, ni infulter à fa défaite.

Je fuis, mon cher FLEURANT, &c;

A Paris ce..... Février 1748,

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REINE DE NAPLES ET DE SICILE; COMTESSE DE PROVENCE.

C

E fut vers le milieu du XIII fiécle; que le Royaume de Sicile, dont une partie a été depuis appellée le Royaume de Naples, paffa dans la Maison de France, en la perfonne de Charles d'Anjou, frere du Roy Saint Louis, & trifayeul de Jeanne dont j'écris l'hiftoire.

Ce pays conquis par fix braves Avanturiers Normands, fut gouverné par des Roys de leur race, jufqu'à ce que l'Empereur Henry VI, faifant valoir les droits de Conftance fa femme, joignit ce Royaume à l'Empire; mais après la mort de Fréderic II, fon fils, les Papes le déclarerent dévolu au Saint Siége, dont les

Princes Normands avoient bien voulu relever; ce qui fut fuivi de la révolte prefque générale des Siciliens. Conrard, fils de Fréderic, lutta quelque temps contre fa mauvaise fortune; il fit tuer fon neveu, pour s'emparer de fes tréfors, & mourut en 1254, fans avoir joui de fon crime. Son imprudence alla jufqu'à laiffer la tutele de fon fils Conradin à Mainfroy, qui l'avoit empoifonné. Celui-ci abufant bientôt d'une confiance auffi aveugle, ufurpa le Sceptre de fon Pupile. Le Pape, irrité de fon procédé, qu'il n'avoit pas même effayé de couvrir, du confentement de l'Eglife, [1264] lança fur lui les foudres du Vatican, & offrit la Sicile à Charles d'Anjou, que fa naiffance & fa valeur rendoient d'ailleurs digne du Trône. Ce Prince avec le fecours du Roi fon frere & du Pape, aborda en peu de jours à Oftie, & fut enfuite couronné dans Rome, Roi de Sicile. Il reconnut folemnellement, qu'il tenoit fa Couronne du Saint Siége, auquel il s'obligea de payer touts les ans une certaine fomme d'argent, & à préfenter une Haquénée blanche; traité où le Pape & le Prince trouvoient également leur compte.

Auffi-tôt après, Charles, marchant droit à Naples, gagna cette fameufe bar

taille

taille près de Bénévent, où Mainfroy fut tué. Après avoir défait l'Ufurpateur, il eut à combattre l'héritier légitime. Des commencements heureux avoient femblé favorifer d'abord le droit de Conradin ? cependant il perdit enfuite la bataille & la liberté près du Lac Célano. Charles d'Anjou auroit été couvert de gloire, s'il n'eût pas traité un Prince Chrétien plus inhumainement, que le Soudan d'Egypte ne l'avoit traité lui-même, & s'il n'eût pas fait mourir en fa préfence un Souverain, fon prifonnier & fon égal, repaiffant fes yeux d'un fpectacle qui le deshonnoroit. Ainfi tomba la derniere tête de l'illuftre Maifon de Souabe, fous la main du bourreau.

Charles n'en fut pas plus heureux. Il vit périr touts les François aux Vêpres Siciliennes, & fon fils Charles le Boiteux, tomber entre les mains du Roi d'Arragon, fon plus cruel ennemi. On eût vangé fur ce jeune Prince, la mort de Conradin, fi par une réponse toute chrétienne, il n'eût évité le coup en s'y foumettant. Conflance Reine d'Arragon, lui ayant fait fçavoir un Vendredy, l'Arrêt qui le condamnoit à la mort ; il répondit qu'il fe trouvoit heureux de perdre la vie le même jour que le Sauveur du monde étoit mort pour lui. Conftance étoit une Princeffe reTome I. 1748.

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