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ligieufe, qui n'avoit confenti qu'à regret à la mort de Charles le Boiteux. Elle lui fit dire, que s'il fe fouvenoit du jour des fouffrances du Seigneur, elle n'avoit pas oublié de fon côté, que le même jour il avoit pardonné à fes ennemis ; qu'à fon exemple elle vouloit auffi lui pardonner.

Charles le Boiteux avoit époufé avant fa prison, l'héritiere du Royaume de Hongrie, qui lui avoit donné plufieurs enfants Charles Martel, l'aîné, fut Roi de Hongrie ; il laiffa par fon teftament, le Royanme de Sicile à Robert le Sage fon troifiéme fils, Ayeul de Jeanne Premiere. Phi-lippe fut Prince de Tarente; Jean fut Duc de Duras; & ces deux Princes ne furent point mariés. Robert le Sage, Roi de Sicile & de Naples a tant de part à l'Hiftoire de Jeanne fa petite fille, qu'il est tout naturel d'en peindre ici quelques traits.

Les troubles qui éclatteremt au commencement de fon regne, ayant été bientôt appaifés, il devint en peu de temps l'arbitre des Souverains de l'Italie, & le deffenfeur de l'Eglife; fes lumieres & fon zéle dans l'adminiftration de la Justice, fa piété fans fard, fa valeur fans oftentation, le mirent bien au-deffus des Princes de fon temps. On l'a comparé à Salomon, à caufe des belles qualités dont il étoit or

né. L'on éprouva fous fa domination que les peuples ne font jamais plus heureux que quand leurs Rois fe font une étude de la fageffe: c'étoit par-là qu'il fe croyoit heureux lui-même : Il faifoit gloire de dire que le commerce des Sçavants & des livres lui étoit plus cher que fa Couronne. Les gens de lettres trouverent toujours, auprès de lui une reffource contre les difgraces de la fortune, qui les a de tout temps perfécutés. Petrarque & Bocace. entre-autres, furent fort avant dans fes. bonnes graces; le premier fi premier fi connu par les Vers que fa paffion pour Laure de Sado lui infpira; le fecond, par les Contes que nous avons de lui fur la malignité, lest foibleffes, & les infidélités des femmes.

Robert avoit toute fa vie travaillé à affurer la Couronne dans fa famille, toutes fes vûës alloient là; mais il vit fes def feins renverfés par la mort du Duc de Calabre fon fils unique, qui ne laiffoit que des Filles. Il reffentit cette perte avec la douleur d'un bon Pere, & avec toute l'inquiétude d'un grand Politique. Il difoit que la Couronne étoit tombée de fa tête, qu'il perdoit beaucoup, mais que fes peuples perdoient encore davantage. Il eût fuccombé à ce malheur, fi fa raifon ne fût venue enfin à fon fecours. Il prit

alors des mesures infaillibles, pour conferver fes Etats à Jeanne, l'aînée de fes petites filles. Dans cette vûë il fe propofa de la marier, quoiqu'elle n'eût que fix ans, à André de Hongrie fon petit Ne-! veu, qui n'en avoit que cinq. Pour comprendre les avantages de cette alliance, il ne faut que faire attention aux intérêts des Princes de Hongrie & aux fiens.

Charles le Boiteux, voyant que Carobert, forti de Charles Martel fon fils aîné, régnoit paisiblement en Hongrie, avoit laiffé par fon teftament la Sicile à Robert le Sage. Après la mort de Charles le Boiteux, le Roi de Hongrie, comme repre-› fentant l'aîné, prétendit avoir la Sicile au préjudice de fon Oncle. Les Jurifconful tes compoferent plufieurs traités à cette occafion, les uns pour l'Oncle, les au tres pour le Neveu. Le Pape Clement décida pour le premier. Les raifons de bienféance & de politique l'emporterent en cette occafion fur le droit naturel. Le Roi de Hongrie étoit un jeune Prince fanst expérience, déja maître d'un grand Etat. Robert au contraire étoit dans un âge mur; il avoit donné des marques d'une prudence confommée & d'une haute valeur, de plus il avoit de fon côté le tef tament du Roi fon Pere.

Ce fut ainfi qu'il demeura paifible poffeffeur du Royaume de Sicile. Tant qu'il vécut, non feulement il fçut le conferyer; mais il le rendit encore très-floriffant; & fi fon fils ne fût pas mort dans une grande jeuneffe, ce fils eût été un des plus puiffants Princes de l'Europe. Robert alors craignit avec raifon que le Roi de Hongrie ne profitât de la jeuneffe de Jeanne pour la dépouiller : ce qui l'obli-gea à la marier à André, fecond fils du Roi Carobert, faifant par cette alliance une efpéce de reftitution aux enfants de fon aîné. Ce mariage a donné lieu à des Auteurs d'écrire qu'il en ufa de la forte par délicateffe de confcience, & que fa -piété auffi bien que fa politique, concoururent à ce deffein.

Les Nôces fe célébrerent en 1332, avec beaucoup de magnificence. Robert fouhaita de faire élever le jeune André auprès de fa petite fille, fe perfuadant qu'ils prendroient infenfiblement de l'inclination l'un pour l'autre. Cette fage précaution, qui eût été heureufe dans des caractères de la même trempe, eut un effet tout contraire. L'averfion mutuelle qu'ils conçurent dès leur enfance, fut le germe de l'antipathie qu'aucun des deux ne fe pardonna dans la fuite; la haine de Jean

ne augmentant touts les jours pour un Prince dont les deffauts croiffoient avec l'âge.

Rien n'étoit en effet plus mal afforti que ces deux jeunes perfonnes. On remarquoit dans les manieres & fur le vifage de Jeanne, une douceur majeftueufe, qui infpiroit néceffairement le refpect, & même une forte d'amour à ceux qui l'approchoient. Le fon de fa voix gagnoit les coeurs autant que fa beauté. Elle étoit familiere, fenfible au malheur d'autrui, fe faifant un plaifir d'obliger. On voit encore aujourd'hui fon portrait à Naples : fes graces y font fi bien représentées, fon áir aimable & plein de bonté, fes traits y font fi naturels qu'elle a infpiré de l'amour à plufieurs de ceux qui n'alloient que pour l'admirer. Eft-il étonnant qu'elle en ait tant donné durant fa vie? heureufe fi elle fe fût deffendue d'en prendre ! Le Prince fon Mari, né parmi des peuples alors barbares, faifoit voir au contraire un naturel parcffeux & ftupide. On crut d'abord qu'il fe déferoit peu à peu de la groffiereté de fes mœurs dans une Cour polie; que l'âge & les bons maîtres adouciroient fon efprit, & fortifieroient fa raison. On l'efpéra inutilement ; il ne fortoit de fon indolence que pour fe livrer aux empor

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