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Trop vrai, pour me trahir, je dois, fuyant ces lieux, Soustraire à vos regards un objet odieux.

Souffrez donc qu'aujourd'hui dans un obcur asile,
Inutile à l'état, moi-même je m'exile.

Ne tenant plus à rien que par de tendres vœux
Pour la félicité d'un peuple généreux,
J'attendrai sans regret la fin de ma carrière,
Si, d'un dernier regard honorant ma prière,
Vous conservez, seigneur, par de justes projets,
Le premier bien d'un roi, l'amour de vos sujets.
ÉDOUARD.

Vous apprendrez dans peu ma volonté suprême ;

Sortez.

SCÈNE VIII.

ÉDOUARD, VOLFAX.

ÉDOUARD.

Qu'ai-je entendu ? qu'en croiras-tu toi-même ?

Peut-on le soupçonner de tramer un forfait

Quand il fuit et ne veut qu'un exil pour bienfait?

VOLFAX.

Seigneur, ainsi que vous, sa démarche m'étonne.
Que ne puis-je penser qu'à tort on le soupçonne?
Mais deux garants trop sûrs de cette trahison
Malgré moi m'ont conduit au-delà du soupçon.
Je dirai plus, seigneur; le zèle qui m'éclaire
Me fait jour à travers ce ténébreux mystère;
Par le pas qu'il a fait je le crois convaincu:
Le crime prend souvent la voix de la vertu.
Oui, ce même départ qu'apprête l'infidèle
Est de sa trahison une preuve nouvelle.
S'il vous fait consentir à son éloignement,
C'est pour tromper vos yeux, et fuir plus sûrement.
Cet exil prétendu que ses vœux vous demandent.
Joindra peut-être un chef aux traîtres qui l'attendent;
Dans ces climats conquis, placés tous par son choix,
Ceux qui règnent pour vous marcheront à sa voix;
Tout le seconde enfin, et tout veut qu'on le craigne:
S'il demeure, il conspire; et s'il échappe, il règne.
Tout dépend d'un instant; il peut vous prévenir.
Sous des prétextes vains sa fille, prête à fuir,
Va sans doute habiter une terre ennemie;
Et dans ce même instant peut-être qu'Eugénie....
ÉDOUARD.

Elle fuit !.... C'en est trop; prévenons des ingrats:

Je m'en fie à ton zèle, observe tous leurs pas :
Je veux dès ce moment m'éclaircir sur son crime;
Et s'il n'est que trop vrai que, trompant mon estime,
Il s'armait contre moi de mes propres bienfaits,
Je n'aurai pas long-temps à craindre des forfaits.

FIN DU SECOND ACTE.

ACTE TROISIÈME.

SCÈNE I.

ALZONDE, VOLFAX.

VOLFAX.

NON, madame, à vos vœux rien ici ne s'oppose.
Le roi veut vous parler : j'en ignore la cause;
Mais ne redoutez rien. Vorcestre dans les fers
Met enfin votre espoir à l'abri des revers.
Sur la foi des témoins que j'ai su lui produire,
Édouard convaincu me laisse tout conduire.
Dans son courroux pourtant, inquiet, consterné,
Il paraît regretter l'ordre qu'il a donné.

Mais il vient.

SCÈNE II.

ÉDOUARD; ALZONDE, sous le nom d'Aglaé.

ALZONDE.

Par votre ordre en ces lieux appelée,

Quel soin vous intéresse au sort d'une exilée?
Puis-je espérer, seigneur, qu'un secours généreux
Va mettre fin aux maux d'un destin rigoureux?
ÉDOUARD.

Oui, fidèle Aglaé, pour terminer vos peines
Attendez tout de moi, si vous calmez les miennes.
De ce funeste jour vous savez les malheurs;

Vous pouvez prévenir de plus grandes douleurs.
Accablé de remords, de tristesse et de crainte,
Mais comptant sur vos soins, je parle sans contrainte
Vous me voyez rempli du désespoir amer
D'affliger, d'alarmer ce que j'ai de plus cher :
L'amitié, je le sais, avec elle vous lie;
C'est vous intéresser que nommer Eugénie.
Si vous chérissez donc sa gloire et son bonheur,
Et si jamais l'amour a touché votre cœur,
Sauvez-la, sauvez-moi. Par un récit fidèle

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