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Vainement a paru redoubler sa colère;
Incertain, furieux, attendri tour-à-tour,
Jusque dans sa fureur j'ai connu son amour;
Il nommait Eugénie, il partage sa peine:

S'il l'entend, il sait tout; s'il la voit, elle est reine;
La grace de Vorcestre est le prix d'un soupir:
Je connais trop l'amour, il ne sait point punir.
Quoi! ces périls, ces pleurs, n'auraient servi qu'à
rendre

Ma rivale plus chère et son amant plus tendre!
Il est temps de frapper: pour combler tes rigueurs
N'était-ce point assez d'unir tous les malheurs,
Ciel! fallait-il aussi rassembler tous les crimes,
Et devais-tu m'offrir d'innocentes victimes?
Vengeance, désespoir, vertus des malheureux,
Je n'espère donc plus que ces plaisirs affreux
Que présente à la haine, à la rage assouvie,
L'aspect d'un ennemi qu'on arrache à la vie!

SCÈNE II.

ALZONDE, VOLFAX, AMÉLIE.

ALZONDE.

Eh bien! qu'attendez-vous? quelle lente fureur!

Un crime sans succès perd toujours son auteur.
Songez que si le roi voit Eugénie en larmes...

VOLFAX.

Madame, épargnez-vous d'inutiles alarmes ;
Aux cris dont sa douleur vient remplir ce palais
Du trône jusqu'ici j'ai su fermer l'accès.
Solitaire et plongé dans un morne silence,
Édouard laisse agir mes soins et ma vengeance,
Et l'on n'interrompra ce silence fatal

Qu'en lui portant l'arrêt qui proscrit mon rival.
Tout nous seconde enfin, sa ruine est certaine :
Jaloux de son crédit, et liés à ma haine,

Ses juges vont hâter son arrêt et sa mort;

Vos vœux seront remplis : je commande en ce port, Madame, et dès demain, cessant d'être captive, Pour revoir vos états vous fuirez cette rive.

ALZONDE.

Perdez votre ennemi; mon funeste courroux
Ne sera point oisif en attendant vos coups."

SCÈNE III.

VOLFAX.

L'abime est sous tes pas, ambitieuse reine.

Tu crois que je te sers, je ne sers que ma haine;
Mon rival abattu, je comble tes revers;

Je me suffis ici, je te nomme et te perds.
Mon sort s'affermira par leur chute commune;

int de lâches remords; accablons l'infortune. Mais quel est l'étranger qui s'est offert à moi? Il prétend voir, dit-il, ou Vorcestre ou le roi; Peu commune à la cour, sa fermeté m'étonne; Je n'ai pu m'éclaircir sur ce que je soupçonne : Pour surprendre un secret qu'il craint de dévoiler, Je veux qu'à mon rival il vienne ici parler.

SCÈNE IV.

VOLFAX, GLASTON, GARDES.

VOLFAX.

Gardes, faites venir Vorcestre en ma présence.
Vous, fidèle Glaston, veillez dans mon absence.
Caché près de ces lieux, tandis que j'entendrai
D'un entretien suspect le secret ignoré,

Que rien ici du roi ne trouble la retraite;
C'est son ordre absolu que ma voix vous répète.

SCÈNE V.

VORCESTRE, VOLFAX, GARDES.

VORCESTRE.

Que dois-tu m'annoncer? ne faut-il que mourir?

VOLFAX.

Un étranger demande à vous entretenir :
Vous entendrez ici ce qu'il prétend vous dire;
Édouard le permet. Gardes, qu'on se retire.

SCÈNE VI.

VORCESTRE.

Eh! qui peut me chercher dans ces funestes lieux?
Est-ce un heureux secours que m'adressent les cieux ?
Quel que soit l'inconnu que je vais voir paraître,
Dieu juste, fais du moins qu'il ne soit point un traître;
Que je puisse par lui détruire un attentat,
Non pour sauver mes jours, mais pour sauver l'état.
Où respire, où gémit ma fille infortunée ?

Tu connais sa vertu, conduis sa destinée...

Quand j'éprouve des maux qui semblent n'être faits
Que pour être la honte et le prix des forfaits,
Je ne t'accuse point, arbitre de ma vie;
Lorsque la liberté, l'ame de la patrie,

Voit dégrader ses droits, voit tomber sa grandeur,
La mort est un bienfait, et non pas un malheur...
Ignorât-on le sort que nous devons attendre,

Et sous quels cieux nouveaux notre esprit va se rendre,
Le désir du néant convient aux scélérats:

Non, je ne puis penser que la nuit du trépas
Éteigne avec nos jours ce flambeau de notre ame
Qu'alluma l'Immortel d'une céleste flamme.
La vertu malheureuse en ces jours criminels
Annonce à ma raison les siècles éternels:
Pour la seule douleur la vertu n'est point née;
Le ciel a fait pour elle une autre destinée.
Plein de ce juste espoir, je m'élève aujourd'hui
Vers l'être bienfaisant qui me créa pour lui...
Mais qui s'avance ici?

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