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«La dureté de ces murailles est si grande, que le proprié«taire de la maison portant le numéro 19, qui voulait, cette

année, établir des caves à la place des fondations de ce « souterrain, a été obligé de renoncer à ce projet. Après << avoir fait assidûment jouer la mine, pendant un mois et << demi, dans les fondations, il n'avait pu réussir à en ar<< racher que quelques mètres cubes, qui n'étaient pas la « dixième partie à enlever: il dut se résigner à placer ses a caves plus avant dans la montagne, plutôt que de continuer <«< un travail aussi long que dispendieux. >>

A partir de ce point, dont nous parle M. Flacheron, jusqu'à la cour du Soleil, qui se trouve à l'entrée du jardin, si ce canal, dont la voûte est à une faible distance de la surface du sol, eût continué sa marche vers la naumachie, dans tous les mouvements de terre qui ont eu lieu sur cette partie du versant, on aurait bien certainement rencontré les traces de son passage.

Relativement à l'attribution donnée par M. Flacheron à ce canal, nous ne pouvons la combattre d'une manière positive, et ce n'est point ici le lieu de parler de l'aqueduc de Néronde qui suivait les berges du Rhône et amenait ses eaux à Lugdunum. Nous restons dans l'opinion du P. Menestrier et de Delorme qui le considèrent ainsi, et nous ne pouvons admettre celle de M. Flacheron qui en fait un chemin couvert militaire pour communiquer à un prétendu fort situé à Miribel.

D'une part, aucun historien ne parle de cette forteresse; ensuite, de quel secours eût été un semblable chemin qui n'aurait pu être secret et qu'une armée ennemie n'eût pas manqué de couper sur un point quelconque? Nous ignorons quelle est la hauteur correspondante sur le versant est de la Croix-Rousse avec le niveau de celui de Néronde où commençait cet aqueduc, et nous ne pouvons affirmer que le tronçon découvert dans la rue du Commerce soit la terminaison

de cette conduite d'eau qui abreuvait les habitants de la partie basse du versant sud-est de la Croix-Rousse. Seule.. ment, si la rue du Commerce, avant d'arriver à la rue Pouteau, se trouve à un niveau légèrement inférieur à celui du point de départ des aqueducs de Néronde, on peut présumer que le tronçon est une de ses dépendances et qu'ils arrivaient jusque là; enfin, s'il eût existé une citadelle de premier ordre à Miribel, les Romains, pour s'assurer des moyens de communication et de défense, n'auraient pas imaginé un tel chemin stratégique.

Revenant à la question principale de notre travail, après avoir rapporté les opinions émises au sujet des monuments dont on a découvert les ruines au Jardin-des-Plantes, nous résumons ainsi notre opinion:

L'emplacement où existaient ces ruines ne pouvait convenir à une naumachie.

Les petits canaux découverts n'étaient nullement capables d'alimenter un tel bassin, et n'existaient là que comme un moyen d'assainissement pour ce monument.

,il

L'aqueduc de la rue du Commerce n'arrivait point à ces constructions; aucun autre canal susceptible de fournir des eaux à un vaste bassin n'a été découvert, et, à cette hauteur, i ne pouvait fournir que des eaux pluviales trop insurisantes. S'il eût existé un bassin, dans les fouilles faites par Artaud et dans les grands travaux exécutés par la Compagnie des eaux, on aurait trouvé en place le béton du plafond et des parois de ce prétendu bassin, qui, sur un terrain comme celui du Jardin-des-Plantes, aurait été plus solidement établi qu'ailleurs et dont les restes se seraient montrés, attendu que de semblables dépouilles auraient peu tenté les nouveaux constructeurs, et nous pouvons ajouter que l'absence seule de ce genre de témoins suffit pour affirmer qu'il n'a jamais existé de bassin dans cet endroit.

:

Relativement à la forme d'amphithéâtre circulaire donnée à ce monument, elle peut être d'autant moins admise, que, si on eût voulu faire une naumachie dans cette partie du Jardin, de telles constructions n'auraient laissé au centre qu'un espace beaucoup trop restreint pour l'emplacement d'un bassin à jeux nautiques.

A l'est, à l'ouest et au midi, on n'a rencontré aucune trace de construction indiquant l'existence d'un monument circulaire, tandis qu'au nord on a mis à découvert des rangées de voûtes inclinées qui doivent être considérées comme ayant servi de supports aux gradins d'un théâtre, puisque Artaud et MM. Flacheron et Benoit, architectes, ont vu plusieurs de ces pierres encore en place qui entraient dans le premier et le second rang des gradins formant le bas de l'hémicycle. Si cette partie soutenue par un mur de ceinture eût entouré un bassin, ce mur eût été en béton; or, rien de semblable ne s'y montre, et les traces de ce mur ne dépassent point la longueur qu'a présentée la réunion des voûtes de support.

Cet espace voûté a la forme d'un carré long; il était garni de gradins, puisqu'on a retrouvé plusieurs assises du premier et du second rang; leur pose en hémicycle rappelle les formes adoptées pour ces anciens monuments destinés aux jeux scéniques qui n'empruntaient point la forme des cirques, d'où nous concluons qu'il est plus rationnel de considérer ces ruines comme ayant appartenu à un théâtre.

Ce théâtre, comme celui des Minimes, se trouvait dans une belle position, dominant la partie sud-est de la ville. Sa construction ne comportait aucune muraille, à l'instar des théâtres des premiers temps, construits en quelque sorte d'arbres et de verdure, disposition qui, sur un plan incliné comme celui du Jardin-des-Plantes, aurait permis aux specteurs de jouir tout à la fois des jeux scéniques et de la beauté du paysage.

Nous soumettrons encore une observation qui équivaut pour nous à une preuve: nous demanderons quel est celui qui, avec la meilleure volonté du monde, peut supposer que les Romains aient jamais eu la pensée de placer une naumachie au Jardin-des-Plantes, à une pareille hauteur, sur un terrain en pente, dans un espace aussi restreint et sans eau, tandis que, dans la presqu'ile, à un niveau peu élevé, ils avaient à leur disposition le Rhône et la Saône, des matériaux de belle qualité et à moins de frais, et que là ils étaient libres de donner à un monument de ce genre toute l'étendue désirable?

Nous terminons en exprimant le plus profond regret de nous trouver en opposition avec Artaud, qui fut si bienveillant pour nous et qui nous honorait de son amitié. Il ne fallait pas moins que notre amour de la vérité pour réfuter, sur un point, celui qui fut le créateur de nos musées, et qui a rendu de si grands services à la ville de Lyon ainsi qu'à la science archéologique ; nous avouons même que, sur la foi de sa réputation, nous avions d'abord adopté son opinion; mais, depuis, ayant réfléchi sur la position des lieux et sur la nature des décombres, nous n'avons pu résister au désir de rendre à ce monument sa véritable destination; car, s'il importe peu à la généralité des habitants de notre cité qu'il s'agisse ici d'une naumachie ou d'un théâtre; il n'en est pas moins du devoir de ceux qui s'occupent de semblables recherches de relever les erreurs de leurs devanciers et de rétablir ainsi la vérité historique.

LA

LÉGENDE DE DON JUAN

ET SES

DIVERSES INTERPRÉTATIONS,

Par M. HEINRICH (1).

La littérature a ses héros comme l'histoire, et l'une des plus grandes preuves de l'influence souveraine des lettres est ce pouvoir créateur, qui assure une longue existence, non seulement aux hommes qui ont laissé une trace ineffaçable dans les annales des peuples, mais aussi aux personnages fictifs qu'a enfantés l'imagination des poètes, ou que leur génie a transformés.

Tel apparaît Don Juan, héros mystérieux des vieilles légendes andalouses; il est comme évoqué à la fin du XVIe siècle par le moine Gabriel Tellez, qui signait ses comédies du pseudonyme de Tirso de Molina; dès lors il a sa place marquée dans toutes les littératures modernes; on ne saurait compter les nombreux poètes qui ont essayé de redire ses aventures; qu'il nous suffise de nommer les plus illustres; en France, Molière et Thomas Corneille; en Italie, Goldoni et Lorenzo da Ponte, le spirituel auteur du libretto immortalisé par la musique de Mozart, et de nos jours encore Byron et Alfred de Musset.

Mais toute poésie est l'image de l'âme du poète et le reflet de la société qui l'entoure. Ces héros voyageurs de la littérature ont donc une sorte d'Odyssée; comme le vieil

(1) M. Heinrich, quoique étranger, a été admis à faire cette lecture devant l'Académie qui en a voté l'impression dans ses Mémoires.

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