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animosités des coteries, et voilà ce que firent Laporte et Reverchon!

Le 13 fructidor, ils publièrent un arrêté par lequel ils se disaient << informés que des membres des Comités révolutionnaires, des officiers municipaux remplacés et d'autres fonctionnaires publics destitués, qui étaient chargés de veiller à la conservation des maisons et des magasins séquestrés et de procéder aux inventaires, s'étaient, de leur autorité privée, approprié les plus beaux logements ainsi que les meubles et effets dont ils étaient garnis, après avoir par la terreur ou la violence expulsé les propriétaires, femmes, enfants ou locataires. » Après cet exposé, ils ordonnaient diverses mesures de police et de répression; entre autres, « des visites domi.. ciliaires accompagnées de perquisitions très-sévères, chez tous les gens qui, depuis le siège jusqu'au dernier renouvellement des autorités à Commune- affranchie, avaient exercé des fonctions dans les Comités révolutionnaires, Municipalités, Administrations, Tribunaux ou Commissions. >>

Les Patriotes crièrent à l'oppression et à la calomnie. Ils envoyèrent des députés à Paris pour porter des plaintes à la Convention, aux Comités et aux Jacobins. La Convention leur répondit par une loi qui ordonnait de sortir de Paris à tous les citoyens qui n'y résidaient pas depuis le 1er messidor. Tout le monde avait hâte d'enterrer la terreur avec Robespierre, même ceux qui avaient exagéré la terreur malgré Robespierre. Il s'établissait ainsi, comme un fait convenu, que Robespierre était l'auteur de tous les excès. On n'osait pas encore chercher d'autres coupables parmi les membres des comités ou les autres révolutionnaires influents qui avaient concouru à renverser le tribun; mais on devait peu épargner des hommes que la protection de Robespierre avait couverts contre la colère de Fouché, et l'on admettait facilement ce grand seigneur de la révolution à charger de ses

propres crimes une tourbe vile et obscure. Quant à Collotd'Herbois, lui aussi il avait coopéré au 9 thermidor; mais plus compromis ou moins prompt à se retourner, il se tenait silencieux et réservé. Quand le flot de l'opinion montera, ce sera la victime qu'on jettera à ses exigences, et les amis de Fouché prendront l'initiative des pétitions contre Collot, afin que des voix plus impartiales ne réclament à la fois contre Collot et Fouché.

Les conventionnels Charlier et Pocholle succédèrent bientôt à Laporte et Reverchon et apportèrent à Lyon le même esprit. Ils se présentèrent, à leur arrivée, à la Société populaire qui était encore le point central où se formait l'opinion publique. Laporte et Reverchon n'étaient pas encore partis et assistaient à la séance; ils firent leurs adieux par des discours contenant leurs déclamations ordinaires. Les nouveaux commissaires dirent en substance que le but de leur mission était de verser un baume salutaire sur les plaies de cette cité, d'y apporter la paix, d'y raviver le commerce et les manufactures. Ils ajoutèrent : « Nous marcherons sur les traces de nos prédécesseurs; nous savons que leurs jours ont été menacés par les factions; nous envions la même gloire. » Nous ne trouvons pas d'autres documents sur ces menaces dont les représentants auraient été l'objet ; mais déjà des arrestations assez nombreuses avaient été opérées et elles portaient sur des personnes ayant exercé des pouvoirs avant le 9 thermidor. Charlier et Pocholle répétèrent dans une proclamation publique ce qu'ils avaient dit au sein de la Société populaire.

Cependant le parti patriote, toujours plus remuant que fort, s'agitait; ses membres divisés se réunissaient; car il ne s'agissait déjà plus de quelques querelles d'hommes de la même opinion qui s'étaient rattachés à des patrons divers. Il y avait à défendre la révolution radicale dont tous profes

saient ardemment le culte. La Société populaire fut excitée par des discours passionnés; un instituteur nommé Berger y développa des théories que les représentants jugèrent si dangereuses qu'ils en firent un rapport à la Convention et traduisirent l'orateur au Comité de sûreté générale. Il aurait dit que les Sociétés populaires étaient le siége immédiat de la souveraineté du peuple; que chaque Société populaire est non le souverain, mais une portion du souverain; que le souverain se compose de l'ensemble. A cette métaphysique politique Berger aurait ajouté d'autres conseils qui, sans doute, déplurent encore davantage. Il avait, dit-on, reproché aux Patriotes leurs divisions dont il avait signalé l'origine dans les usurpations dominatrices de la Commission temporaire. Il les avait exhortés à l'oubli de ces querelles de personnes, au sacrifice de ces haines funestes à la révolution et à la patrie. Touchée par cette harangue, la Société avait aussitôt ouvert son sein à plusieurs des membres exclus, notamment à Bertrand, l'ancien maire, et à ArnaudTizon; enfin pour que cette réconciliation des Patriotes fût générale et publique, on avait imprimé et affiché le discours de Berger avec la relation de la séance; mais les proconsuls se hâtèrent de publier une protestation contre de telles doctrines qu'ils signalèrent comme subversives. Ils chassèrent de la Société tous les membres qu'elle avait reçus et en suspendirent provisoirement les assemblées.

Cette affaire fut suivie de quelques désordres, ayant pour but peut-être de délivrer Berger, détenu mais non encore transféré à Paris. De fausses patrouilles circulèrent une nuit dans les rues; un individu, ayant le costume et prenant le titre de major, parcourut les postes et se fit suivre par une partie des militaires qui les composaient. Il essayait avec cette escorte de se faire ouvrir la prison de Roanne, lorsqu'il fut reconnu et arrêté.

Mais au surplus, le règne des Patriotes, à Lyon, était définitivement passé; le temps allait à d'autres idées et à d'autres hommes. Minorité active et turbulente, elle pouvait bien encore lutter, résister, se défendre, mais non reconquérir le pouvoir. Quand un parti politique est dans cet état, tous les événements, ses propres efforts même, tournent contre lui; plus il agit, plus il se perd.

CONCOURS POUR LE PRIX DE POÉSIE :

LE

PREMIER PUITS ARTÉSIEN DANS LE SAHARA,

Rapport

Par M. DARESTE DE LA CHAVANNE,

Lu dans la séance publique du 30 juin 1857.

Qui convertit petram in fontes aquarum.

PSAUME.

On s'est demandé si ce sont les concours poétiques qui font naître les poètes. Le génie et l'inspiration, a-t-on dit, ne se commandent pas. Les académies peuvent diriger utilement les travaux de la science ou de l'érudition; mais qu'ontelles à faire avec l'imagination, cette faculté si mobile qu'elle échappe à toutes les directions qu'on lui donne, et si puissante qu'il lui suffit de ses propres ailes pour s'élever jusqu'à l'infini ?

Il faut s'entendre, Messieurs. La poésie est chose indépendante de soi, car elle n'est que l'expression la plus haute et la plus noble de tous les sentiments et de toutes les pensées de l'âme humaine. A ce titre elle vit par elle-même, et si quelques circonstances extérieures peuvent la fortifier et lui donner un plus libre cours, ce sont celles quî élèvent les sentiments et qui agrandissent les pensées.

Il n'en est pas moins vrai que les académies ont à lui rendre d'importants services. Si elles ne commandent ni l'inspi

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