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chargea la tempête. « Quel terrible vent ! » ajouta-t-elle ; et dans le vrai il était trèsdiminué ; la pluie avait cessé, le soleil paraissait, et nous promettait une assez belle journée. J'en fis la remarque à mes fils et je leur dis que, puisque leur mère était mieux et l'orage apaisé, je voulais aller avec l'un d'eux.

-Pas encore sur la mer, j'espère? interrompit ma femme; sans doute il est de notre devoir de secourir nos semblables, mais il est aussi de celui d'un père de veiller à la sûreté des enfans que Dieu lui a donnés, et de ne pas s'exposer lui-même,

LE PERE. Rassure-toi, chère amie, je n'exposerai aujourd'hui ni moi ni les miens ; la mer est encore trop agitée pour une légère marine, et l'excursion que je médite est sur la terre ferme. Je veux aller avec Fritz examiner le dommage de nos plantations, qui doivent avoir beaucoup souffert ; en même temps nous verrons s'il n'y a point sur la côte quelques débris de naufrage. Sois donc tranquille, je t'en prie, et attends-nous pa

tiemment; je te laisse tes trois cadets, qui te soigneront à merveille. N'est-ce pas, François, tu auras bien soin de maman?

FRANÇOIS. Oh! oui, papa, je te le promets, mais auparavant, je voudrais bien avoir soin de mon petit taureau; entends-tu comme il m'appelle pour lui donner son déjeuner ? »

En effet, les beuglemens de nos bêtes nous avertissaient qu'elles avaient faim;on entendait aussi en second dessus le caquetage aigu de la volaille. ་ C'est par elles que nous commencerons, dis-je; Fritz,Jack et François descendront pour m'aider à cette besogne Ernest restera près de sa mère. » Celle-ci donna ses ordres au cadet, et nous laissâmes ensemble les deux blessés.

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CHAPITRE XLI.

Soins du ménage; excursion par mer et par terre; entretien.

Nos pauvres bêtes nous attendaient avec une grande impatience; les événemens de la veille, l'orage, les courses, le mal de ma femme et celui d'Ernest ne nous avaient pas permis de nous en occuper; leur râtelier était mal garni, et, de plus, les torrens de pluie avaient pénétré dans leur écurie, et ils étaient à demi dans l'eau. Les canards et le flamand s'en trouvaient bien, et nageaient tout à leur aise dans le limon; mais la vache, l'àne, l'onagre, le buffle, et surtout le petit taureau de François braillaient à qui mieux mieux, chacun à sa manière, et faisaient un vacarme épouvantable; Vaillant surtout c'est le nom que mon petit François avait donné au veau que je l'avais chargé de soigner, et qui commençait à mériter ce nom par

sa belle stature et son air de fierté, criait sans cesse après son jeune maître, et ne se calma que lorsqu'il le vit arriver. Il est inconcevable à quel point cet enfant, qui n'avait alors que douze ans, avait su s'attirer l'amitié de son élève : cet animal, quelquefois si indomptable, était doux comme un agneau avec François, qui, s'en faisant suivre seulement en l'appelant, grimpait sans crainte et s'asseyait sur son dos, le faisait aller, comme il le voulait, avec une petite baguette dont il lui touchait légèrement le cou à droite ou à gauche; mais si quelqu'un de ses frères avait voulu en faire autant, il était sûr d'être renversé. Notre cavalerie était une plaisante chose à voir, Fritz sur son beau Leichtfuss onagre, Jack sur son énorme buffle, François sur son taureau ; il ne restait à Ernest que notre grison, dont l'allure lente et pacifique lui convenait très-bien.

François courut à son taureau, qui lui témoigna à sa manière sa joie de le voir, en frappant doucement la terre d'un pied de

devant, élargissant ses naseaux, et se battant les flancs de sa queue. Au premier appel,il suivit son maître hors de l'écurie: Fritz fit de même sortir son Leichtfuss, Jack son gros buffle, et moi la vache et l'âne; nous les laissâmes caracoler en liberté sur la terre humide; nous fimes écouler l'eau de leur écurie, et garnîmes leur auge de nourriture fraîche. Nous agitâmes ensuite sj nous les monterions pour, notre excursion; mais la crainte de trouver encore le pont obstrué par l'eau, et de ne pouvoir le leur faire passer, nous décida à aller à pied. Nous les fimes donc rentrer dans leurs cases., François, premier aide de camp de sa mère, était chargé de la volaille, et connaissait chaque petit poulet par son nom; il les fit sortir aussi, et leur distribua leur ration de grains de maïs et de farine de cassave. C'était un plaisir de voir toutes ces gentilles et jolies bêtes emplumées caque. tant et sautillant autour de ce charmant enfant. Quoiqu'il eût douze aus passés, il était très-petit pour son âge: ses joues rondes

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