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etrosées; ses cheveux blonds, bouclés; son air à-la-fois doux et malin, donnaient absolument l'idée du Cupidon de la fable, et lorsqu'il était sur son cher Vaillant, sa baguette à la main et souvent son arc et son carquois sur l'épaule, il rappelait absolument la jolie gravure de l'Amour domptant un taureau.

Après avoir mis nos animaux au sec, et leur avoir donné leur déjeuner, nous pensâmes au nôtre. Le petit marmiton François fut chargé de celui de sa mère; il fit un peu de feu pour réchauffer du bouillon de poule; pour nous, nous bûmes du lait que nous venions de tirer; nous prîmes pour notre pitance quelques harengs salés et des pommes de terre bouillies les jours précédens, qui nous servaient de pain. J'avais souvent cherché, dans mes excursions, à découvrir le précieux arbre à pain (1),

(1) L'arbre à pain, nommé ainsi par les voyageurs et par les Indiens rimes, s'élève assez haut, et porte une belle tête, garnie de feuilles dentelées, d'un beau vert foncé, et qui ont depuis un pied jusqu'à dix-huit pouces de longueur. Son fruit vient indifféremment le

dont les voyageurs modernes parlent avec tant d'éloge, et qu'ils ont trouvé dans la plupart des îles qu'ils ont visitées ; il devait aussi croître dans la nôtre, si bien située; et cependant je n'avais pu en découvrir. Cette bonne ressource nous manquait absolument; il y avait long-temps que nos tonnes de biscuit du vaisseau étaient épuisées, nous avions, il est vrai, semé du blé, mais il n'était pas encore récolté.

long des branches; sa figure est un ovale arrondi; il a environ sept à huit pouces de longueur; il est recouvert d'une écorce forte et épaisse. C'est l'amiral Anson qui, dans son voyage autour du monde, le découvrit dans l'île de Tinian, et l'appela le fruit à pain. Tout l'équipage s'en nourrit pendant son séjour dans l'île, et le préférait au pain'd'Europe, d'autant qu'il se trouva être un très-bon scorbutique. Dès-lors tous les navigateurs en ont fait usage et cherchent à s'en procurer par des échanges avec les indigènes. Ce fruit c roit séparément et jamais en grappe. On ne le mange que lorsqu'il est parvenu à sa grosseur : alors sa saveur ressemble à celle du cul d'artichaut lorsqu'il est cuit; il acquiert un degré de plus de douceur en mùrissant et prend le goût et l'odeur de la pêche, mais on prétend qu'il devient malsain, et cause la dyssenterie. (Voyage de l'amiral Arson et plusieurs autres.)

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Après avoir remercié Dieu en famille de sa protection miséricordieuse pendant cette nuit d'épreuve, l'avoir prié de nous la continuer; après avoir déjeuné et pansé le pied de ma femme et la main d'Ernest, nous les laissâmes paisiblement ensemble sous la garde de François, et je partis avec Fritz et Jack pour notre course préméditée. Le vent et la pluie étaient apaisés, mais les vagues étaient encore hautes, et les chemins tellement remplis d'eau, que nous prîmes le parti de nous borner ce jour-là à côtoyer le rivage, pouvant mieux marcher sur la grève que danslesherbes : notre principal but était d'ailleurs d'examiner s'il n'y avait aucune trace d'un naufrage récent. Nous n'en apercûmes point d'abord, et, d'aussi loin que nos yeux et notre lunette d'approche purent s'étendre, nous ne découvrìmes aucun bâtiment en mer. Fritz grimpa sur les rochers quibordaient la côte;les vagues se soulevaient presque jusqu'à leur sommet; il lui semblait qu'il voyait de temps en temps, au travers de l'écume, un corps étranger na

geant sur l'eau et s'approchant de notre île. Il me conjura de le laisser monter dans le canot que nous trouvâmes attaché dans la petite anse où il l'avait laissé, tout près du ruisseau : l'eau ayant coulé entre les planches, le pont était plus facile à traverser. Je consentis au désir de Fritz; mais je voulus aller avec lui pour l'aider à manœuvrer. Jack, qui craignait que je ne lui ordonnasse de rester, fut le premier à sauter dans le canot et à se saisir d'une rame. Comme nous étions à côté du courant, il n'en était nul besoin : j'y dirigeai ma nacelle, et nous fûmes emportés avec la rapidité d'une flèche, au point de nous ôter presque la respiration. Fritz se tenait au gouvernail, et paraissait n'avoir aucune crainte ; je ne dirai pas que le père fût aussi tranquille. Je saisis Jack, craignant qu'il ne fût entraîné; mais lui aussi riait, et disait à son frère que le canot galopait encore mieux que Leichtfuss. Nous fûmes bientôt lancés en pleine mer, et nous dirigeâmes notre canot vers l'objet que nous avions remarqué, et qui

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était alors assez près de nous pour le distinguer. Nous avions craint que ce ne fût la chaloupe renversée : c'était un tonneau, passablement gros, qui, sans doute, avait été jeté à la mer par le vaisseau en détresse pour l'alléger; nous en vîmes encore au loin quelques autres ; mais aucun mât aucune planche ne purcnt donner l'idée que le vaisseau et la chaloupe eussent péri. Fritz aurait voulu que nous fissions le tour de l'ile pour nous en assurer mieux encore ; mais je m'y refusai absolument, d'abord pour ne pas inquiéter ma femme en restant trop long-temps absens, ensuite la mer était encore trop agitée pour notre frêle embarcation, où nous n'avions d'ailleurs aucune provision. Si mon canot n'avait pas été aussi bien construit, il aurait couru grand risque de chavirer, par la force des vagues, qui passaient souvent sur nous. Jack alors se couchait sur le ventre au fond du canot disant qu'il aimait mieux les recevoir sur le dos que dans la bouche; puis il se relevait quand elles avaient passé, et s'occupait à

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