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Europe et dont j'ignorais le nom. Lorsqu'il en eut assez, il vint me les montrer : » Vois-tu, papa, me dit-il, la pluie les a un peu gâtées, mais aussi elle les a rafraîchies. Je voudrais qu'il plût encore, il fait si chaud ici ! s'il y avait seulement un peu d'ombre !

LE PERE. Oui, c'est à quoi je pensais, il y en aura assez quand nos arbres seront grands; mais en attendant.....

FRANÇOIS. En attendant, papa, je vais te dire ce qu'il faut que tu fasses.

LE PERE. Quoi donc, mon cher petit? qu'elle est ta bonne idée ?

FRANÇOIS. C'est de faire au devant de notre maison une longue, longue galerie, qui soit large aussi; tu la couvriras de toile ou de ce que tu voudras; elle sera ouverte de. vant, mais elle nous garantira du soleil, et maman sera bien contente de pouvoir être à l'air et à l'ombre en même temps.

LE PÈRE. Bien pensé, mon ami, excellente idée ! Je te promets que je vais la mettre à exécution le plus tôt possible, et que

nous appellerons notre jolie galerie la Fran ciade, en ton honneur et gloire. »

Le bon enfant fit un saut de joie et vint m'embrasser en me disant : « Bien obligé, papa; mais n'en dites rien à maman, je vous en prie; je veux aussi lui ménager une surprise, comme mes frères avec la voiture. Oh! si seulement la Franciade pouvait être finie avant que son pied fût guéri et le jardin raccommodé; mais Fritz et Jack vont la tourmenter pour l'amener ici dans leur voiture.

LE PÈRE. Nous leur parlerons là-dessus ; comme il faut qu'ils travaillent ici, ils n'auront pas le temps de la finir encore, et ta pauvre mère est loin de pouvoir descendre l'escalier. » En effet, en pansant son pied, le matin, je n'en avais pas été content; l'eau d'arquebusade avait guéri les contusions, mais l'enflure et la douleur étaient les mêl'artiet j'avais lieu de craindre que culation ne fût pas remise. Mes connaissances en chirurgie n'allaient pas jusqu'à risquer une opération. Je voulus au moins,

mes,

avant de l'entreprendre, essayer un remède aussi simple que l'eau fraîche pour les brûlures, et qui m'avait souvent réussi avec des villageois : je l'avais d'abord proposé, mais elle s'y était refusée. Je me promis d'insister, et d'ordonner même, s'il en était besoin.

Nous reprîmes le chemin de Falkenhorst, mon petit François sautant de joie à chaque pas de ce que j'avais adopté son idée, et ne parlant que de sa jolie galerie ; je m'en occupais aussi, et j'en combinais l'architecture qui me paraissait simple et facile : une rangée de fortes cannes de bambou plantées à distances égales au devant de la façade de notre maison de rocher, et réunies dans le haut par une planche taillée en arcade respondante au vide des cannes ; d'autres placées en pente jusqu'au rocher, où je les ferais tenir par des crampons de fer, et qui seraient recouvertes provisoirement d'une toile à voile enduite de gomme et bien assujettie à la planche. Cette bâtisse ne devait pas nous prendre beaucoup de temps, et je

cor

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me faisais aussi un plaisir de la surprise de ma femme, et de son bonheur quand elle saurait que c'était une invention de son jeune favori. Il était au reste celui de tout le monde ; ses aînés, qui se disputaient et se chicanaient sans cesse tout en s'aimant beaucoup, gâtaient tous leur petit frère et ne pouvaient rien lui refuser. Il est sûr que ce cher enfant avait un caractère adorable; étant toujours avec sa mère, il avait contracté la douceur inaltérable de mon Élisabeth. Naturellement moins vif que ses frères, il était plus réfléchi; et causant toujours avec quelqu'un de raisonnable, son jugement s'était formé et son intelligence était très développée, quoiqu'il fût encore enfant, plus peut-être qu'il n'aurait dû l'être à son âge.

Nous cheminions tout occupés de nos projets, lorsque nous vîmes venir à nous un grand objet que l'œil perçant de mon petit drôle eut bientôt reconnu. «Je ne me trompe pas! s'écria-t-il, c'est Fritz et Jack avec la nouvelle voiture, et ils ont déjà mis dedans

ma pauvre maman ; je vous en prie, allons bien vite empêcher qu'ils ne la mènent à son jardin. » Il se mit à courir et moi de même, fort en colère qu'ils eussent risqué d'estropier leur mère en lui faisant descendre l'escalier et en la hissant dans leur maudit panier. Mais François, allant plus vite que moi, eut bientôt découvert que ce n'était pas elle; et revenant au devant de moi, il me cria de toutes ses forces: « Ce n'est pas maman, c'est Ernest qui est dans le panier.

LE PÈRE. Ernest! tant mieux; mais pourquoi a-t-il quitté sa mère? Elle est donc seule à présent? » La voiture sans roues approcha; elle était conduite par la vache au devant, montée par Fritz; et l'âne derrière, avec Jack dessus. Ernest dans le panier, et mollement balancé, s'y trouvait à merveille, et déclarait qu'il remplacerait souvent sa mère.

JACK. Je le veux bien; mais alors nous attellerons l'onagre et le buffle; et ils iront. bon train, je te le promets, tu n'auras qu'à bien te tenir, ils te feront danser. La vache

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