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de toute grandeur et de toute espèce, et même quelques pattes et crampons de fer, dont je manquais absolument, et qui m'étaient bien nécessaires: je n'avais presque plus de ceux de notre vaisseau. Après que mes enfans se furent amusés à sortir et à regarder tous ces objets, et que j'eus mis à part ceux dont nous avions besoin pour le moment, je refermai la caisse, et, avec l'aide de mes fils, je la portai à Zeltheim et l'enfermai dans notre magasin. Comme l'inventaire de la caisse nous avait pris assez de temps, à peine pûmes-nous achever de relever, de buter et d'attacher tous nos arbres avant la nuit ; elle était close quand nous arrivâmes à Falkenhorst, mes fils sur notre char, et moi le conduisant. Ma femme s'inquiétait, le flegmatique Ernest cherchait à la calmer; mais notre présence y réussit mieux. «Mère, lui dis-je en entrant, voilà tous tes poussins que je remets sous ton aile.

JACK. Et qui ne vous arrivent pas les mains vides; voilà pour vous, maman, une belle paire de ciseaux, un gros paquet d'aiguilles,

un autre d'épingles et un dé à coudre. Comme vous allez être riche à présent ! Et quand votre jambe et votre pied seront guéris, vous me ferez une jolie veste et un pantalon, dont j'ai grand besoin.

FRANÇOIS. Et moi, maman, je vous apporte un miroir , pour que vous voyiez que vous êtes encore jolie; vous avez souvent grondé papa de ne vous en avoir pas pris un dans le vaisseau pour mettre droit votre bonnet; à présent vous serez bien coiffée. ( Et il posa sur le lit de sa mère un petit miroir renfermé dans un étui de carton.) C'est pour donner aux sauvages, dit-il en riant, et je commence par vous.

-Je crois que je leur ressemble beaucoup,» dit ma bonne Lisbeth en arrangeant un peu le mouchoir de soie rouge et jaune qu'elle portait ordinairement autour de sa tête.

JACK. «Oh! ce n'est que lorsque vous mettez le drôle de chapeau pointu que vous a fait Ernest.

FRANÇOIS. Il pourrait aussi servir de conducteur au tonnerre.

Que m'importe qu'il soit rond ou pointu, dit ma femme, il me garantira du soleil; et c'est l'ouvrage de mon Ernest : lui seul m'a rendu ce bon office, et je lui en ai bien de l'obligation. »

Ernest était adroit et patient; ayant entendu sa mère se plaindre de n'avoir pas de chapeau, il avait essayé d'en faire un, en tressant des pailles de riz. Il Y avait réussi, mais n'avait pas su arrondir le fond, qui se terminait en pointe; et c'était le sujet éternel des railleries de ses frères.

« Maman, dit Ernest, de son ton grave et réfléchi, je ne veux pas que vous ayez l'air d'une sauvage, encore moins que vous serviez de conducteur au tonnerre: ainsi mon premier ouvrage, quand je pourrai me servir de ma main, sera de vous faire un chapeau à forme ronde; vous me prêterez une de vos grosses aiguilles, et je prendrai, pour le coudre, la tête de Jack ou celle de François.

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- Comment! ma tête! s'écrièrent - ils tous les deux.

ERNEST. Oui, votre tête : mais rassurezvous, je ne l'ôterai pas de dessus vos épaules, il suffira que celui qui me servira de modèle soit à genoux devant moi, seulement pendant une journée, et ne crie pas trop quand l'aiguille percera. »

Cette fois, les rieurs furent du côté de mon philosophe, et les railleurs se turent. Leur mère s'amusa de ce dialogue. Il fallut ensuite lui expliquer où nous avions trouvé ce que nous lui apportions. Mon présent était une hache légère dont elle pouvait se servir pour couper le bois de son foyer; et un chaudron de fer battu, plus petit et plus commode que celui qu'elle avait. Fritz avait disparu, et revint, traînant avec peine son gros casoar: « Tenez maman, dit-il en entrant, je vous apporte un petit poulet pour votre dîner ; » et les rires et l'étonnement recommencèrent. Le reste de la soirée fut employé à le plumer pour en mettre cuire quelques morceaux le lendemain; puis nous nous couchâmes, afin de pouvoir aller de grand matin travailler à notre jardin. Ernest

prenait son parti de rester à la maison avec ses livres et samère, à qui îl lisait beaucoup pour l'amuser et pour s'instruire; il arrangea aussi, avec des matelas, une espèce de dossier, au moyen duquel ma femme pouvait être assise dans son lit, et travailler à la couture. De cette manière elle supporta, sans trop d'impatience, sa réclusion de six semaines, et mit tous nos vêtemens en bon état. François faillit étourdiment trahir le secret de nos bâtimens ; il la pria de comlui faire un tablier de maçon. mencer par LA MERE. De maçon ! cher enfant, est ce que tu veux te bâtir une maison ?

FRANÇOIS. Je voulais dire de jardinier, je me suis trompé.

LA MÈRE. A la bonne heure ; j'aime mieux ce métier, où nous pourrons travailler ensemble. »

En attendant, nous travaillâmes avec zèle, moi et mes trois fils, au jardin. Il y avait beaucoup à faire; mais trois ouvriers zélés et de bon courage avancent bien la besogne Il s'agissait non-seulement de le rétablir tel

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