Images de page
PDF
ePub

était sur le rocher, vis-à-vis de moi; mon coup de fusil aurait peut-être pu l'atteindre ; mais à quoi m'aurait servi cette cruauté? Également je ne pouvais l'avoir; et si je l'avais seulement blessé sans le tuer, quels auraient été mes regrets! Je laissai donc au hasard le soin de me le faire retrouver " et j'examinai l'ouverture, qui me parut assez profonde, mais me laissait voir le sol, blanc comme celui de notre précédente grotte. J'appelai Ernest, qui était resté en arrière avec ses plantes et ses cailloux, pour lui faire part d'une idée qui m'était venue tout à coup, c'était de faire là le reposoir de notre bonne mère. « Je crois, lui disje, que le fond de ce précipice est de niveau avec le sentier qui conduit au jardin ; nous ferons là une ouverture en forme de grotte naturelle, et ce sera précisément ce que tu veux.

C'est fort bien, me dit Ernest, et je te remercie de ta bonne pensée ; il nous sera facile de nous assurer de la profondeur et du niveau, au moyen d'une ficelle attachée

à une pierre; mais il ne sera pas aussi aisé de descendre là-bas tous les jours pour y travailler, et de remonter pour aller coucher chez nous.

[ocr errors]

Qui nous empêche, lui dis-je, de l'ouvrir là-bas, par-devant, comme nous avons fait à Zeltheim ?

-J'aimerais beaucoup, me répondit Ernest, travailler dans l'intérieur, si cela nous était possible. D'abord nous serions plus au frais, c'était au printemps que nous travaillâmes à Zeltheim, l'atmosphère était moins brûlante; à présent au plus fort de l'été, travaillant contre un roc brûlant, nous serions bientôt hors d'état de continuer, et puis notre sentier est si étroit, que nous serions embarrassés des décombres, qui nous serviraient au contraire, dans l'intérieur, à construire un banc autour de notre grotte; et le plaisir de faire notre ouvrage en secret, sans qu'on s'en doute, sans avis ni aide que les tiens, mon cher Fritz, que j'accepte de tout mon cœur, en te laissant tout Phonneur de l'idée ! mais je voudrais qu'elle pût

s'exécuter seulement entre nous deux : cherche, imagine dans ta bonne tête un moyen de descendre là-bas et de remonter facilement.

Il est tout trouvé, lui dis-je : n'avonsnous pas là-bas la grande échelle de corde? A nous deux nous pourrons bien l'apporter ici; elle a quarante pieds de haut; autant que je puis en juger, ce trou n'en a pas davantage; nous l'attacherons fortement à cette pointe de rocher, et nous descendrons et remonterons le plus facilement du monde. >>

Ernest fut enchanté et plein de courage; nous fûmes plus vite en bas que nous n'étions venus en haut. Nous prîmes d'abord un paquet de ficelles et plusieurs bougies, puis l'échelle, aussi bien pliée qu'il nous fut possible, mais qui n'en fut pas moins d'une extrême difficulté à monter là-haut; nous fûmes obligés deux ou trois fois, lorsque le roc était trop rapide, de l'attacher avec une corde et de la tirer en haut. Mais de quoi ne vient-on pas à bout avec une ferme volonté,

du courage et de la persévérance? Nous parvînmes avec notre fardeau au bord de l'ouverture; nous commençâmes par la sonder, et nous vîmes avec plaisir que notre échelle atteindrait presque le bas : nous mesurâmes ensuite le rocher en dehors, et nous fûmes assurés que le sol était à peu près au niveau de celui de l'intérieur. Pour profiter ensuite, mon père, de vos leçons et de votre expérience, nous fîmes l'épreuve du feu contre l'air méphitique, d'abord avec un paquet de bougies allumées, qui ne s'éteignirent point; puis avec un gros fagot de branches et d'herbes, qui brûlèrent entièrement, et la fumée s'échappait par l'ouverture comme par une cheminée. Tranquilles là-dessus, mais un peu fatigués, nous remîmes au lendemain à commencer nos travaux, et nous revînmes à Falkenhorst. J'eus le bonheur de rencontrer un agouti et de le tuer ; Ernest apportait sa belle erica et quelques cailloux, qui vous persuadèrent que notre journée s'était passée à chasser et herboriser; il en fut de même des sui

[ocr errors]

vantes, qui furent toutes consacrées à notre travail souterrain. Dès le lendemain, la forge fut allumée, nous appointîmes des barres de fer, que nous trouvâmes au magasin, qui devaient nous servir de pieux pour enfoncer le roc; nous trouvâmes aussi les ciseaux de maçon que vous nous aviez fait faire pour fixer au rocher le toit de la galerie, ainsi que les marteaux : tous ces ou tils furent jetés en bas. Nous arrangeâmes aussi deux calebasses pour nous servir de lanis et quand tout fut prêt et notre échelle solidement attachée, nous descendîmes nous-mêmes; et nous n'avons plus rien à vous dire, si ce n'est que notre joie fut grande quand nous vous avons entendus causer de l'autre côté, le jour même que notre ouvrage tirait à sa fin. Nous avions un peu de peine à détacher les couches intérieures, composées de gypse; mais quand nous sommes arrivés au roc vif, durci par l'air et le soleil, nous en avons eu beaucoup : enfin nous en sommes venus à bout et c'est en entendaut distinctement

« PrécédentContinuer »