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raisonnable, tout ce que tu viens de nous dire est excellent, je t'en remercie ; et j'espère que nos enfans en profiteront, qu'ils seront de bons chrétiens et de bons cultivateurs; mais je te prie de permettre que, lorsque ces deux occupations, premièrement essentielles, leur en laisseront le temps, ils puissent exercer leur imagination sur des arts utiles et même agréables. Fritz dessine passablement et paraît avoir des talens pour la mécanique, Ernest en a pour les sciences, et tourne avec beaucoup de goût; Jack et François annoncent des dispositions pour la musique : laissonsles, dans leurs momens de récréation, livrer à des goûts innocens, qui seront une ressource contre l'ennui s'ils restent ici, et contre la pauvreté s'ils rentrent dans le monde.

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FRITZ. Vous consentirez bien, maman, que je vous fasse un beau moulin au-dessous de votre cascade? Elle semble faite exprès. C'est cela qui sera utile! sur-tout quand nous aurons du blé, et déjà pour le maïs. Je

compte aussi construire un four ici, au fond de la cuisine: ne sera-ce pas bien commode pour faire cuire notre pain? »

Le cœur de la bonne ménagère sourit à cette idée, elle embrassa son fils. « Voilà, dit-elle, des travaux vraiment utiles et que je suis loin de blâmer; mais en seras-tu capable?

FRITZ. Je l'espère, avec l'aide de Dieu et celle de mes frères.

ERNEST. C'est juste, tu m'as bien aidé à ma grotte; mais vous me laisserez bien quelques momens pour mon herbier et ma collection d'histoire naturelle. »

Ma femme en sentait moins l'utilité ; mais elle ne voulut pas contredire son cher Ernest, qui l'avait si bien soignée ; elle lui offrit même, pendant qu'elle ne pouvait pas encore bien marcher, de ranger, étiqueter, numéroter tout ce qu'il avait déjà recueilli, et qui était entassé, mêlé sans aucun ordre : il y consentit avec reconnaissance. Elle alla d'abord se mettre à l'ouvrage : je courus lui chercher du papier de soie ; j'en avais trou

vé une grande quantité sur le vaisseau; dans ce paquet, que je n'avais pas encore ouvert, n'en ayant pas eu besoin, j'aperçus une pièce de quelque chose qui me parut n'être ni du papier ni de l'étoffe je l'examinai avec mes fils, et nous nous rappelâmes tous que c'était une pièce de l'étoffe fabriquée à Otaïti, que notre capitaine avait achetée d'un insulaire dans une île où l'on était descendu sur notre route. Cette étoffe excita vivement la curiosité de Fritz. Ernest lui dit gravement: « Je vais t'apprendre à la faire. » Et il courut chercher le volume de l'Histoire des Voyages, où le capitaine Cook en donne une description détaillée. Fritz fut un peu consterné quand il vit qu'elle se composait de l'écorce de trois arbres dont il nous en manqnait deux, et que de ces trois arbres un seul croissait dans notre île. Ce sont le mûrier, l'arbre à pain et le figuier sauvage. Nous avions en quantité de ces derniers; mais nous n'avions pu découvrir aucun plant des deux premiers, Fritz ne se découragea pas. «Il faut pourtant, dit-il, qu'il y

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en ait, puisqu'il en croît tant dans les îles de la mer du Sud. Peut-être en trouverions-nous de l'autre côté des rochers; j'ai vu depuis le haut, quand nous avons découvert la grotte, des arbres superbes que je ne connaissais pas ; et qui sait aussi si je n'y trouverais pas ma jolie gazelle, qui y seraretournée ? La coquine sait mieux sauter moi sur les rochers. J'avais bien envie de les descendre; mais ils sont, les uns, à pic et très-hauts, les autres ont le sommet en avant cela me fut impossible; je puis cependant y aller comme vous y avez une fois pénétré, par le défilé de l'ermitage, près de la grande baie.

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JACK. Oui, oui, je te conduirai ; j'étais du Voyage avec papa; j'irais là, les yeux fermés. C'est dans cette contrée que j'ai trouvé mon buffle; en lui lançant ma fronde entre les jambes, paf! je ne manquai pas mon coup, et il fut à nous. Peut-êtrepourrai-je en prendre un autre pour lui tenir compagnie; il sera pour toi, Ernest. Tu es à présent trop grand pour monter l'âne ; et quand c'est monsieur

le savant, on ne peut pas seulement dire : Qui se ressemble s'assemble. Eh bien! Fritz, quand partons-nous ?

FRITZ. Demain, si mon père y consent.

LE PÈRE. Demain soit, et je serai de la partie ; j'ai depuis long-temps envie de connaître le revers de notre île : Ernest et François resteront avec leur mère.

ERNEST. J'en ai la douce habitude ...; mais, je l'avoue, j'aurais assez aimé voir si je ne trouverais rien là de nouveau pour mes collections.

LA MÈRE. Eh bien ! vas--y, mon ami ; j'ai bien assez de François pour me garder, à présent que j'ai tout à ma portée ; d'ailleurs ce n'est plus un enfant, c'est un grand garçon de douze ans, qui nous a garantis du tonnerre et qui préservera sa mère de tout danger. Je n'en cours aucun ici, où je suis si bien à l'abri; et vous, dans un pays inconnu, plus vous serez nombreux, plus je serai tranquille. Êtes-vous sûrs qu'il n'y a point de sauvages?

JACK. Oh! non, point de sauvages, mais

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