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pour satisfaire un peu sa curiosité, de lui dire simplement que le tonnerre se forme dans les airs par la combinaison de plusieurs matières inflammables, telles

que le salpêtre, le nitre, qui entrent aussi dans la fabrication de la poudreà canon, et produisent par leur explosion des effets semblables, le bruit ou détonation causée par la pression de l'air, le feu ou l'incendie, ou la mort des objets qu'ils frappent. L'homme, ne pouvant à son gré diriger le tonnere comma il dirige un coup de canon ou de fusil, a fait usage de son intelligence, et d'une science qu'on nomme physique, pour éloigner de ses demeures ce dangereux météore. On a découvert, après beaucoup d'expériences, que ce qui forme le tonnerre est une matière fluide et subtile qui s'unit à presque tous les corps, mais de préférence aux substances métalliques, telles que l'acier, le cuivre, l'argent, etc., etc., qui ont la faculté de l'attirer et bien plus sûrement lorsqu'elles se terminent en pointe. D'après cette découverte, on construisit une machine,

à laquelle on donna le nom de conducteur; c'est un fil d'archal, ou simple ou tressé, attaché au faîte du bâtiment qu'on veut garantir, se terminant en pointe aiguë qui reçoit la foudre (nom que l'on donne aussi aux explosions de la matière électrique), et la conduit à terre ou dans l'eau, si l'on en a assez près. Il paraît, mon cher François, que ton filet aux figues a fait vraiment l'office de conducteur, mais que c'est l'outil pointu que le pauvre Ernest tenait, qui a décidé la chute du tonnerre ; il rencontra ton fil de fer, et, au lieu de continuer ses ravages dans notre tente aérienne, il l'a suivi tranquillement jusqu'à terre, où nous en avons vu les traces. Ernest partage donc avec toi, et à ses dépens, l'honneur d'avoir sauvé notre demeure et nous-mêmes de l'horreur d'un incendie : je frémis en pensant à la difficulté que nous aurions eue à sauver ta mère.....

FRANÇOIS. Mais l'eau éteint le feu, papa, et il pleut si fort!

LE PÈRE. On assure que le feu du tonnerre

résiste à l'eau, je ne veux pas te l'assurer; mais du moins il embrase avec une telle promptitude, que l'on parvient difficilement à l'éteindre.

ERNEST. Je crois en effet, mon père, que l'eau n'y fait pas grand'chose; ma main me fait encore bien mal.

LE PÈRE. D'abord, mon cher, nous l'avous employée un peu tard, tu souffrais comme Scévola, de courageuse mémoire, sans dire un mot; l'action du feu, n'étant point adoucie ni attirée au dehors, a travaillé dans les chairs et soulevé la peau. Il est possible aussi que cette brûlure, causée par la fermentation de matières si subtiles, et accompagnée d'un violent coup électrique, soit plus douloureuse qu'une autre. En attendant les feuilles de karatas que tes frères sont allés te chercher, et dont j'ai grande opinion, je vais te faire préparer par François une application qui du moins soulagera la douleur. » J'allai chercher quelques pommes de terre crues, j'appris à François à les râper avec un couteau, et à mettre

cette ràpure autour de la main d'Ernest, qui s'en trouva bien.

Pendant ce temps-là j'examinai le pied de ma femme, qui la faisait aussi souffrir ; il était enflé et meurtri ; je le bassinai avec une eau vulnéraire que je trouvai dans la caisse aux médicamens. Cette eau, composée de simples de mon pays, est connue dans toute l'Europe sous le nom d'eau d'arquebusade, et produit des effets merveilleux. Je trouvai aussi dans cette caisse du laudanum, ou de l'opium mitigé et liquide. Trouvant le pouls de ma femme très-élevé, j'en mis quelques gouttes dans sa boisson, désirant qu'elle dormit jusqu'au retour de ses fils. Elle ne tarda pas à tomber dans un doux sommeil. Ernestet François suivirent bientôt son exemple, l'un appuyé sur le pied de son lit, l'autre à côté d'elle, et je restai seul avec mes inquiétudes, mais heureux de les voir tranquilles après une soirée aussi agitée. Elle l'était encore pour moi et le devenait à chaque instant davantage : les heures s'écoulaient, et mes fils ne revenaient point!

Continuellement devant ma fenêtre, écoutant si je n'entendais point leurs voix ou leurs pas, regardant si je n'apercevais point leurs figures entre les arbres ; je n'entendais que la pluie tombant par torrens, les vagues se brisant contre les rochers, et le vent soufflant alors avec une violence vraiment effrayante. Mon imagination me représentait tous les dangers que pouvaient courir mes enfans dans ce voyage nocturne, devant traverser deux fois un ruisseau grossi sans doute par cette pluie continuelle, pour chercher le karatas qui croîssait contre la paroi des rochers; ils avaient sans doute pris ce chemin, et Fritz, décidé à aller à Zeltheim, aurait continué sa route de ce côté, ce qui l'obligeait à passer le ruisseau à gué sur des pierres glissantes et de nuit. Je n'étais pas très en peine de Fritz, grand garçon de dix-neuf ans, fort et vaillant, et, de plus, déterminé chasseur,c'est-à-dire ne craignant ni la peine, ni la pluie, ni la fatigue, ni les orages, et sachant d'ailleurs très-bien nager; mais mon petit Jack, hardi

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