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demander la permission d'y travailler seule d'après un plan dont j'avais conçu l'idée. Vous avez eu la bonté d'y consentir, et je me suis mise à l'ouvrage, regrettant beaucoup de ne plus écrire d'après vous, et convaincue que votre Robinson perdrait beaucoup à n'être pas continué par son estimable auteur. J'ai tâché du moins de ne point m'écarter des premiers volumes, et de donner à mes solitaires les mêmes caractères, modifiés cependant et développés par les années qui se sont écoulées depuis la publication des premières parties; c'était encore un motif de ne plus retarder la seconde. Je ne voulais pas laisser vieillir nos jeunes gens au-delà de vingt ans, pour l'aîné, et de quatorze, pour le cadet.

Cet ouvrage ayant été, dans l'origine, composé seulement pour les jeunes garçons, il entrait dans mon plan de le rendre, en même temps, instructif et agréable aux jeu

nes filles. C'est dans ce dessein que j'ai introduit l'épisode d'une femme et de ses deux filles naufragées avec elle, et restées sans aucun secours. En amenant cette mère infortunée et ses enfans dans l'île de nos Robinson, j'ai voulu tranquilliser l'imagination du lecteur sur leur avenir, en évitant cependant tout ce qui pouvait éveiller les passions.

J'ignore, Monsieur, si ce plan se rapporte en quelque chose à celui de M. votre père, et je ne le crois pas. J'ai tiré parti des deux gravures que vous avez bien voulu m'envoyer, pour indiquer les situations qu'elles présentent, et il y aura du moins ce léger rapport entre ces deux ouvrages.

Je m'estimerai heureuse si cette suite obtient votre approbation, et si vous me pardonnez de la faire paraître sous vos auspices. J'aurais désiré vous communiquer mon manuscrit avant de le livrer à l'im

pression, et obtenir votre consentement pour la dédicace; mais, pressée par le temps et par mon libraire, je me vois forcée de renoncer à cette satisfaction, et j'ose compter sur votre indulgence. Si je n'ai pu travailler de concert avec vous ce sera du moins une consolation pour moi de voir nos deux noms réunis en tête de cet ouvrage; et je me croirai encore votre associée dans cette nouvelle entreprise.

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Une partie dans laquelle je crains d'avoir mal réussi, est celle de l'histoire naturelle des pays où lelieu de la scène est placé. Je suis bien loin d'avoir, dans cette science, les connaissances étendues que possédait M. votre père.

J'ai cependant consulté, à cet égard, les meilleurs auteurs, et surtout les voyageurs modernes qui ont fréquenté ces parages lointains.

Daignez, Monsieur, recevoir avec bonté

ce témoignage de ma parfaite estime et de la considération distinguée avec laquelle j'ai l'honneur d'être,

Monsieur,

Votre très-humble et très-obéissaute

servante,

ISABELLE, baronne DE MONTOLIEU.

A Bussigny, près de Lausanne, le 25 juillet 1824.

LE

ROBINSON SUISSE.

CHAPITRE XXXVII.

Espoir trompé; tempête; malheur et consolation.

J'AI laissé le lecteur au moment où je remis au lieutenant Bell la première partie de mon journal, pour la donner au capitaine du vaisseau anglais l'Adventurer, M. Johnson, qui devait revenir le lendemain avec le lieutenant Bell. Nous nous séparâmes dans cet espoir, et je crus alors nécessaire de préparer ma famille à cette visite, qui devait décider de notre sort à venir. Ma femme, mes fils aînés du moins pouvaient désirer de saisir cette occasion unique peut-être de retourner en Europe, de revoir leur belle patrie, de quitter cette île chérie, il est vrai,

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