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« L'enregistrement sera refusé s'il résulte des pièces produites que le déclarant n'est pas dans les conditions requises par la loi, sauf à lui à se pourvoir devant les tribunaux civils, dans la forme

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vicier et à rendre vaine la déclaration elle-même? La jurisprudence s'était prononcée dans le premier sens. Et il résultait de là que la qualité de Français pouvait être acquise, sans que la Chancellerie en fût informée et sans que les intéressés eussent aucun moyen de connaître ce changement de nationalité : « Il n'est pas besoin, disait M. Delsol dans son rapport au Sénat (Sénat, J. Off., Doc. parlem. 1892, p. 537), de signaler les fraudes qui peuvent être commises. L'individu devenu Français est-il appelé sous les drapeaux ? Il pourra dissimuler sa déclaration et exciper de son extranéité ». C'est en vue de remédier à ces fraudes possibles, et en même temps de donner au gouvernement des garanties contre l'abus des options faites par des gens indignes du nom de Français, que le texte primitif de l'article 9 a été remanié par la loi nouvelle. Les modifications qu'elle lui fait subir se ramènent à trois chefs: 1o L'enregistrement de la déclaration de nationalité au ministère de la justice est désormais prescrit à peine de nullité. 2o Il peut être refusé à raison de l'inaccomplissement des conditions requises, sauf le droit pour le déclarant de s'adresser aux tribunaux civils; le refus d'enregistrement doit être notifié à l'intéressé dans les deux mois; à défaut de notification, ce dernier a le droit d'exiger du ministre de la justice, à l'expiration de ce délai, une copie de sa déclaration, revêtue de la mention de l'enregistrement. 3° Enfin l'enregistrement peut encore être refusé, pour cause d'indignité du réclamant, par un décret rendu sur l'avis conforme du Conseil d'Etat, dans les trois mois de la déclaration ou du jour où le jugement qui l'a validée est devenu définitif. En pareil cas l'intéressé doit être averti du refus qui lui est opposé, et il peut produire devant le Conseil d'Etat des pièces et des mémoires justificatifs.

Le système adopté par la loi de 1893 aboutit donc dans une certaine mesure à faire de l'acquisition de la nationalité française par le bienfait de la loi une naturalisation de faveur, à permettre au gouvernement d'exercer son contrôle sur ceux qui réclament la qualité de Français et de ne les admettre qu'à bon escient. Aux objections élevées contre ce système, aux craintes manifestées par l'honorable M. Thellier de Poncheville à la Chambre des députés, dans la séance du 6 mai 1893, M. le commissaire du gouvernement Falcimaigne a répondu en ces termes : «< Depuis que la loi de 1889 a ouvert, comme on l'a dit bien souvent, toutes grandes les portes de la France à l'étranger, depuis que les étrangers ont recherché en masse notre nationalité, il nous est apparu un danger qui nous a frappés au point que nous avons cru nécessaire de recourir à l'intervention législative. Il s'est trouvé, en effet, qu'à de trop nombreuses reprises nous avons été obligés, en vertu des articles 9 et 10 du code civil, de reconnaitre la qualité de Français à des gens qui en étaient absolument indignes. Nous avons été obligés de la reconnaître bien à regret, je vous l'assure — non seulement à des individus qui avaient subi de très nombreuses condamnations, mais encore, ce qui est infiniment plus grave, à des gens qui nous étaient signalés comme étant notoirement des espions de l'étranger. En présence de ces constatations, nous nous sommes dit que la défense des intérêts les plus sacrés du pays nous imposait le devoir de nous prémunir contre ce danger. Si vous le permettez, je vais vous citer quelques exemples de Français que nous avons été ainsi obligés d'admettre et que nous aurions été très heureux de pouvoir repousser. Ces exemples, nous les avons fait passer sous les yeux de la commission de la Chambre. Ils ont paru à ce point décisifs que toute hésitation a immédiatement cessé, quand ils ont été connus. Voici d'abord un individu, né à Lyon en 1847, qui a subi quatorze condamnations pour vol, vagabondage, mendicité, fabrication de fausse monnaie, abus de confiance; expulsé en 1882, il a fait immédiatement la déclaration, en vertu de l'article 10, parce

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prescrite par les articles 855 et suivants du code de procédure civile.

«La notification motivée du refus devra être faite au réclamant dans le délai de deux mois à partir de sa déclaration.

« L'enregistrement pourra en outre être refusé, pour cause d'indignité, au déclarant qui réunirait toutes les conditions légales; mais, dans ce cas, il devra être statué, le déclarant dûment avisé, par décret rendu sur l'avis conforme du conseil d'Etat, dans le délai de trois mois à partir de la déclaration, ou, s'il y a eu contestation, du jour où le jugement qui a admis la réclamation est devenu définitif.

« Le déclarant aura la faculté de produire devant le conseil d'Etat des pièces et des mémoires.

« A défaut des notifications ci-dessus visées dans les délais susindiqués, et à leur expiration, le ministre de la justice remettra au déclarant, sur sa demande, une copie de sa déclaration, revêtue de la mention de l'enregistrement.

<< La déclaration produira ses effets du jour où elle aura été faite, sauf l'annulation qui pourra résulter du refus d'enregistrement.

«Les règles relatives à l'enregistrement prescrites par les paragraphes 2 et 3 du présent article sont applicables aux déclarations faites en vue de décliner la nationalité française, conformément à l'article 8, paragraphes 3 et 4, et aux articles 12 et 18.

«Les déclarations faites, soit pour réclamer, soit pour décliner la qualité de Français, doivent, après enregistrement, être insérées que sa mère avait perdu la qualité de Française par son mariage avec un Italien. En voici un autre, un Belge, condamné en 1879 à Paris, à deux mois de prison pour vol, expulsé par arrêté du 3 décembre 1879, condamné en 1882 et en 1888 à Paris et à Dieppe pour vol et infraction à un arrêté d'expulsion. Je pourrais multiplier ces exemples; je ne prends que le dernier. Il s'agit d'un individu dont la demande de naturalisation avait été rejetée en 1884, parce qu'il avait été signalé comme suspect d'espionnage. Expulsé, il a fait immédiatement la déclaration exigée par l'article 10; et alors, non seulement l'arrêté d'expulsion est tombé, mais cet individu est rentré en France avec tous les privilèges qui s'attachent à la qualité de Français. »

Ces considérations ont paru sans réplique. La nécessité de l'enregistrement des déclarations de nationalité, la nullité de celles auxquelles cet enregistrement fait défaut ont été consacrées par la loi nouvelle. Et de plus, en accordant au gouvernement, au conseil d'Etat le droit d'écarter certains réclamants comme indignes, elle a ouvert une large brèche dans la législation de 1889; elle a enlevé au jus soli quelques-unes de ses applications les plus contestables. Les règles qu'elle édicte sont d'ailleurs communes à toutes les déclarations faites en vue d'acquérir ou de répudier la nationalité française; sauf bien entendu la règle qui concerne l'exclusion des indignes, qui ne peut s'appliquer qu'à celles-là. - V. la critique de la loi de 1893, dans les Lois nouvelles, 1893, première partie, p. 28 et s.

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au Bulletin des lois. Néanmoins l'omission de cette formalité ne pourra pas préjudicier aux droits des déclarants.

« Si l'individu qui réclame la qualité de Français est âgé de moins de vingt et un ans accomplis, la déclaration sera faite en son nom par son père; en cas de décès, par sa mère; en cas de décès du père et de la mère ou de leur exclusion de la tutelle, ou dans les cas prévus par les articles 141, 142 et 143 du code civil, par le tuteur autorisé par délibération du conseil de famille.

<< Il devient également Français si, ayant été porté sur le tableau de recensement, il prend part aux opérations de recrutement sans opposer son extranéité. »

XVIII.

LOI DU 25 JUILLET 1893, MODIFIANT LE TEXTE DE LA LOI DU 19 JUILLET 1889, RELATIVE AU CLASSEMENT ET AU TRAITEMENT DES INSTITUTEURS (1).

Notice et notes par M. J. BOULLAIRE, docteur en droit, ancien magistrat.

La loi du 19 juillet 1889 qui a opéré le classement et réglé les traitements des fonctionnaires de l'instruction primaire publique, n'a pas réalisé assez vite, au gré des instituteurs, les améliorations qu'ils en espéraient et a soulevé de leur part d'énergiques réclamations.

Pour ménager les finances de l'Etat, il avait été stipulé (art. 52) qu'elle ne recevrait son exécution que successivement dans le cours de huit années et l'avancement des instituteurs à travers les diverses classes y avait été réglé avec une lenteur prudente et peut-être excessive. De là dans le personnel un découragement, dont on donnait pour preuve la diminution considérable du nombre des candidats aux écoles normales. D'autres personnes, il est vrai, attribuaient cette diminution à l'exigence récente du brevet élémentaire imposé aux candidats et à l'application qui leur est faite du service militaire pendant un an.

Les plaintes des instituteurs trouvèrent un écho dans le parlement.

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(1) J. Off. du 26 juillet 1893. TRAVAUX PRÉPARATOIRES. Chambre Proposition Viger, doc. 1890 (session extraord.), p. 397; proposition Babaud-Lacroze, ibid., page 416; proposition Siegfried, doc. 1891, p. 151; proposition Dellestable, ibid., p. 1620; rapport par M. Delpeuch, doc. 1892, p. 1412; rapport supplémentaire, doc. 1893, p. 189; discussion du 14 au 27 mars 1893. Sénat texte transmis, doc. 1893, p. 251; adoption (urgence déclarée) 10 juillet 1893. Chambre adoption 18 juillet 1893.

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Dès le 6 novembre 1890, M. Viger et 147 autres députés soumirent à la Chambre un projet de revision d'un certain nombre des articles de la loi du 19 juillet 1889.

M. Babaud-Lacroze, de son côté, proposa, le 18 novembre 1890, une modification de l'article 31, en faveur des adjoints et adjointes entrés dans l'enseignement avant le 30 octobre 1886.

Puis vint, le 17 janvier 1891, une proposition de M. Siegfried et de 9 de ses collègues, tendant à diminuer, au profit des villes dont la population est comprise entre 100.000 et 150.000 âmes, les charges que la loi du 19 juillet 1889 faisait peser indistinctement sur toutes les villes supérieures à 100.000 âmes.

Le 7 juillet 1891, MM. Dellestable et Fidèle Simon proposèrent de modifier les règles appliquées par l'administration aux indemnités de résidence attribuées aux instituteurs dans les localités dont la population agglomérée est de 1.000 habitants et dans tous les chefs-lieux de canton.

Ces diverses propositions et d'autres émanées de MM. Cabart-Danneville, Lavy et Léveillé, furent soumises à l'examen d'une commission spéciale, dite des traitements de l'enseignement primaire. La présente loi est sortie des délibérations de cette commission.

Dès avant le vole de la loi, l'administration avait pris quelques mesures pour atténuer les plaintes.

1° Une 6 classe provisoire, qui avait été créée en contradiction avec l'article 6 de la loi de 1889, fut supprimée dans les premiers mois de 1891 pour les instituteurs et en 1892 pour les institutrices.

2° L'indemnité de résidence fut mise en dehors du traitement garanti el rendu tout entier aux instituteurs, grâce à un crédit de 900.000 fr. voté à cet effet.

3o Le ministre avait décidé aussi que les sommes perçues par les instituteurs, soit à titre d'éventuel, soit à titre d'allocations supplémentaires pour inscription sur la liste de mérite, entreraient désormais dans le calcul du traitement garanti.

La loi nouvelle modifie 22 articles de la loi de 1889. Ce sont d'ordinaire des modifications de détail qui ont pour but d'améliorer le traitement des instituteurs et de rendre l'avancement plus rapide.

Quelques dispositions diminuent la part contributive des communes dans les dépenses de l'instruction primaire, en aggravant celles de l'Etat à qui on estime que la loi coûtera annuellement 14 millions environ. Le Sénat a rejeté un certain nombre de dispositions votées par la Chambre des députés et qui eussent élevé la dépense à 20 millions. Nous ferons connaître par une note succincte, au bas de chaque article nouveau, le sens des modifications apportées à l'ancien texte.

Art. 1er. Les articles 6, 11, 12, 13, 15, 18, 23, 24, 25, 29, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 42, 46 et 48 de la loi du 19 juillet 1889 sont modifiés ou remplacés ainsi qu'il suit :

Art. 6. Les instituteurs et les institutrices des écoles primaires élémentaires et maternelles sont répartis en stagiaires et titulaires (1).

Les stagiaires forment un effectif de 150/0.

Les titulaires se divisent en cinq classes, dont les effectifs numériques sont, par rapport à l'effectif total, dans les proportions suivantes (2):

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La classe est attachée à la personne; elle peut être attribuée sans déplacement et reste acquise au fonctionnaire en cas de passage d'un département dans un autre (3).

Art. 11. Les instituteurs et institutrices stagiaires reçoivent un traitement de 900 fr. et l'indemnité de résidence dans les conditions déterminées à l'article 12.

Ils ont droit au logement ou à l'indemnité représentative.
Ils forment une classe unique (4).

Art. 12. L'indemnité de résidence est fixée, pour les maîtres désignés aux articles 8, 9, 14 et 15,

à:

(1) Le pourcentage, c'est-à-dire la distribution des instituteurs entre les diverses classes est modifiée à leur avantage dans le nouvel article 6.

Les stagiaires ne comprennent plus que 15 0/0 de l'effectif total au lieu de 20 0/0.

La 5 classe comprend 25 0/0 au lieu de 35 de l'effectif total.

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comme précédemment.

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au lieu de 15.

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Il existait aussi une 6o classe provisoire de titulaires et une classe provisoire de stagiaires qui disparaissent (ancien art. 36.)

Cet accroissement du nombre des instituteurs dans les classes supérieures, imposera au budget une dépense supplémentaire évaluée à 9.683.000 francs. (2) La répartition en classes, impossible à effectuer exactement par département, ne peut l'être que sur l'ensemble du pays. C'est ce qu'avait décidé un avis du conseil d'Etat du 23 avril 1891. Les mots: par rapport à l'effectif total, ajoutés dans l'article 6 confirment cette théorie.

(3) L'ancien texte disait seulement: ces classes sont attachées à la personne et peuvent être attribuées sans déplacement. Les mutations de personnel d'un département à l'autre tendant à devenir fréquentes, il a paru utile d'affirmer cette conséquence naturelle de la personnalité de la classe.

(4) Le traitement des stagiaires était auparavant de 800 francs.

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