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XXVII.

LOI DU 18 DÉCEMBRE 1893, SUR LES ASSOCIATIONS DE MALFAITEURS (1).

Notice et notes par M. Pierre LALLIER, docteur en droit, juge d'instruction

à Rocroi.

Le second projet a remanié complètement tout un paragraphe d'une section du code pénal; M. Charpentier a mis en doute son utilité et a tenté de soutenir que le gouvernement avait des armes suffisantes dans les anciens textes, il lui a été répondu par M. Flandin, le rapporteur, « que ce serait folie pure en présence des attentats déjà commis et de ceux qui se préparent peut-être, de faire appel à je ne sais quelles subtilités, qui n'ont rien de juridique, à je ne sais quelles considérations de sentimentalisme singulièrement déplacées dans les circonstances actuelles pour se dispenser de déférer à la volonté énergique du pays et refuser au gouvernement les armes légales qu'il réclame et dont il a besoin pour préserver tout à la fois les individus et la société ». Cette réponse trahit les sentiments qui animaient les esprits lors de la discussion de ces projets de loi.

Ce projet a été voté sans modification par la Chambre et par le Sénat.

Art. 1er.

Les articles 265, 266 et 267 du code pénal sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Art. 265. Toute association formée, quelle que soit sa durée ou le nombre de ses membres, toute entente (2) établie dans le but de préparer ou de commettre des crimes contre les personnes ou les propriétés, constituent un crime contre la paix publique.

(1) J. Off. du 19 décembre 1893.

TRAVAUX PRÉPARATOIRES. - Chambre discussion et adoption, séance du 15 décembre. Sénat dépôt du projet de loi, séance du 16 décembre; lecture du rapport, discussion et adoption, séance du 18 décembre.

(2) On s'est demandé si cette disposition était conforme aux principes généraux de notre droit; l'affirmative n'est pas douteuse, car si le code pénal pose en thèse générale que le fait coupable ne peut être puni que lorsqu'il s'est manifesté par un acte précis d'exécution, il admet que, dans les cas où il y a danger pour la paix publique, la préparation, la simple résolution d'agir a un caractère suffisant de criminalité et de menace pour justifier une répression.

M. Jourde avait proposé de remplacer le mot entente (terme vague et indéfini, au dire de M. Goblet) par cette périphrase: toute résolution d'agir concertée et arrêtée entre deux ou plusieurs personnes ayant pour but... Il lui a été répondu que le mot entente se complétait par la fin de la phrase et qu'il était indispensable pour pouvoir atteindre les affiliations des anarchistes, qui ne constituent pas de véritables associations.

« Art. 266. Sera puni de la peine des travaux forcés à temps quiconque se sera affilié à une association formée ou aura participé à une entente établie dans le but spécifié à l'article précédent.

« La peine de la relégation pourra en outre être prononcée, sans préjudice de l'application des dispositions de la loi du 30 mai 1854 sur l'exécution de la peine des travaux forcés.

«Les personnes qui se seront rendues coupables du crime mentionné dans le présent article seront exemptes de peine si, avant toute poursuite, elles ont révélé aux autorités constituées l'entente établie ou fait connaître l'existence de l'association.

« Art. 267. Sera puni de la réclusion quiconque aura sciemment et volontairement favorisé les auteurs des crimes prévus à l'article 263 en leur fournissant des instruments de crime, moyens de correspondance, logement ou lieu de réunion.

« Le coupable pourra en outre être frappé, pour la vie ou à temps, de l'interdiction de séjour établie par l'article 19 de la loi du 27 mai 1885.

«Seront, toutefois, applicables au coupable des faits prévus par le présent article les dispositions contenues dans le paragraphe 3 de l'article 266. »

Art. 2.

L'article 268 du code pénal est abrogé.

XXVIII.

LOI DU 18 DÉCEMBRE 1893, PQRTANT MODIFICATION ET ADDITION A L'ARTICLE 3 DE LA LOI DU 19 JUIN 1871 SUR LES EXPLOSIFS (1).

Notice par M. Pierre LALLIER, docteur en droit, juge d'instruction à Rocroi.

Le troisième projet a été voté sans discussion par la Chambre, sur la promesse du ministre de la justice de réglementer la vente ainsi que le transport et la détention des explosifs. Ce projet ne modifie la loi que sur deux points:- il décide qu'il ne suffira plus d'une autorisation administrative pour justifier la fabrication ou la détention de machines ou engins meurtriers, et qu'à cette autorisation devra s'ajouter, quand la demande en sera faite, l'indication d'un motif légitime; il étend à la

(1) J. Off. du 19 décembre 1893.

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TRAVAUX PRÉPARATOIRES. Chambre discussion et adoption, séance du 15 décembre. Sénat lecture du rapport, discussion et adoption, séance du 18 décembre.

fabrication ou à la détention sans motifs légitimes de toute substance quelconque destinée à composer un explosif, les peines déjà en vigueur contre la fabrication et la détention de poudres fulminantes.

Au Sénat, une seule objection a été présentée; elle a eu pour auteur M. Fresneau, qui aurait voulu substituer le conseil de guerre aux tribunaux de droit commun.

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L'article 3 de la loi du 19 juin 1871 est modifié

<< Tout individu, fabricant ou détenteur, sans autorisation et sans motifs légitimes, de machines ou engins meurtriers ou incendiaires agissant par explosion ou autrement, ou d'un explosif quel conque, quelle que soit sa composition;

Tout individu, fabricant ou détenteur, sans motifs légitimes, de toute autre substance destinée à entrer dans la composition d'un explosif, sera puni d'un emprisonnement de six mois à cinq ans et d'une amende de 50 à 3,000 francs. »

ALGÉRIE.

NOTICE SUR LES LOIS, DÉCRETS ET ARRÊTÉS PROMULGUÉS EN 1893,

Par M. Jules CHALLAMEL, docteur en droit, avocat à la cour d'appel de Paris.

L'étude des modifications à introduire dans la législation et dans l'organisation des divers services de l'Algérie a continué d'occuper le Sénat. Le rapport de M. Jules Ferry, sur les attributions du gouverneur général (1) a fourni d'abord le cadre d'une délibération d'ensemble sur la politique à suivre à l'égard des indigènes, et sur le rôle qui doit appartenir au gouverneur général, comme arbitre des races rivales, qui se partagent aujourd'hui le sol algérien (2). Cette discussion a tenu quatre

(1) V. Annuaire, t. XII, p. 232, note 1.

(2) Ce rôle a été défini, avec une grande élévation de vues, par M. Jules Ferry, dans son rapport : -(( L'Algérie est nécessairement livrée au conflit de deux races rivales, l'européenne et l'indigène ; le gouverneur général est la seule force organisée qui puisse maintenir entre elles un juste équilibre... Responsable de la paix publique, gardien de l'ordre et de la justice, il est le défenseur naturel du peuple indigène contre les convoitises ardentes autant que naïves qui l'entourent et qui l'assiègent... Le colon européen n'a pas ce qu'on peut appeler la vertu du vainqueur, l'équité de l'esprit et du cœur, et ce sentiment du droit des faibles qui n'est nullement incompatible avec la fermeté du commandement. Il est difficile de lui faire entendre qu'il existe d'autres droits que les siens en pays arabe, et que l'indigène n'est pas une race taillable et corvéable à merci... « Votre commission conçoit d'une façon plus large et plus haute les devoirs qu'a imposés à notre race la conquête de l'Algérie. Elle ne se fait aucune illusion sur les vertus du peuple conquis, mais elle constate qu'il est résigné, docile et pauvre, et elle ne le croit pas irréconciliable. Avec les années, le souvenir des luttes sanglantes s'effacerait; ce qui le perpétue, ce sont les mesures économiques injustes ou mal conçues, les rigueurs du régime forestier, l'expropriation du sol natal, les séquestres qui ne se liquident pas, l'exploitation des douars indigènes par les communes de plein exercice, le poids incessamment accru des impôts et l'arbitraire dans la perception. Le peuple arabe ne nous demande pas de l'associer à nos libertés politiques. Les musulmans n'ont pas la notion du mandat politique, de l'autorité contractuelle et limitée; ils n'entendent rien au régime représentatif ni à la séparation des pouvoirs, mais ils ont au plus haut degré l'instinct, le besoin, l'idéal du pouvoir fort et du pouvoir juste. A leurs yeux, la France est la force, il faut surtout désormais qu'elle soit la justice. Mais pour cette tâche, que lui commandent à la fois la politique et le sentiment, le devoir et la prévoyance, la métropole ne peut s'en rapporter qu'à elle-même, à ses délégués immédiats et responsables. C'est la raison déci sive pour laquelle il importe, selon nous, de placer le gouverneur général de l'Algérie au-dessus des influences locales et de l'action des corps élus. »>

séances (1) et s'est terminée par le vote d'un ordre du jour, réunissant la presque unanimité des voix, et constatant l'accord du Sénat et du gouvernement « sur la nécessité de rapporter les décrets de rattachement (2) et de fortifier les pouvoirs du gouverneur général de l'Algérie, conformément aux conclusions du rapport (3) et aux déclarations de la commission. >>

(1) Sénat séances des 25, 26, 29 et 30 mai 1893.

(2) V. Annuaire, t. Ier, p. 103.

(3) Ces conclusions étaient formulées de la façon suivante : PROJET DE DÉCRET. Article 1er.

Le gouverneur général de l'Algérie est nommé par décret du président de la République, rendu en conseil des ministres, sur la proposition du ministre de l'intérieur.

-

Art. 2. Le gouvernement et la haute administration de l'Algérie sont centralisés à Alger sous son autorité. Tous les services civils sont placés sous sa direction.

Art. 3. Néanmoins, les services de la justice, des cultes non-musulmans et de l'instruction publique demeurent, en conformité des lois, décrets et règlements actuellement en vigueur, sous l'autorité directe des ministres compétents.

Les ministres de la justice, de l'instruction publique et des cultes sont tenus, pour toutes les nominations émanant d'eux, de prendre l'avis préalable du gouverneur général.

Le procureur général près la cour d'appel d'Alger fait, chaque mois, un rapport au gouverneur général et il lui remet le double des rapports généraux adressés au garde des sceaux.

Art. 4. Le gouverneur général rend compte de ses actes au ministre de l'intérieur, qui peut, selon les cas, les annuler ou les réformer.

Art. 5. Les actes de haute administration ou de gouvernement, qui exigent l'intervention du président de la République et qui touchent aux services placés par l'article 2 ci-dessus sous la direction du gouverneur général, sont présentés à la signature du président de la République et contresignés par le ministre de l'intérieur.

Art. 6.

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Le gouverneur général représente le gouvernement de la République dans toute l'étendue du territoire algérien. Il a le droit de préséance sur tous les fonctionnaires civils et militaires.

Le gouverneur général a sous sa direction les généraux de division chargés de l'administration des territoires de commandement.

Le général commandant le 190 corps d'armée et le contre-amiral commandant la marine en Algérie relèvent directement, au même titre que les autres commandants de corps d'armée et les autres commandants de la marine, des ministres de la guerre et de la marine. Le gouverneur général prend, d'accord avec eux, les mesures que nécessite la sûreté intérieure ou extérieure de l'Algérie. En cas de dissentiment, il agit par voie de réquisition. Art. 7. Toutes les nominations réservées aux préfets des départements algériens par le décret du 27 octobre 1858 et l'arrêté du gouverneur général du 31 décembre 1873 sont soumises à l'approbation préalable du gouverneur général.

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Le gouverneur général nomme directement à tous les emplois auxquels il est actuellement chargé de pourvoir en vertu de délégations ministérielles. — Il nomme et révoque les gardes forestiers, domaniaux, départementaux et com

munaux.

Les préfets et sous-préfets sont nommés par le président de la République, sur la présentation du ministre de l'intérieur et après avis préalable du gouverneur général.

Art. 8. Le budget général de l'Algérie est préparé par le gouverneur

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