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Décrets divers. Ont été rendus applicables à l'Algérie : — les articles 5 à 8 de la loi de finances du 28 avril 1893, sur la contribution des patentes (2); -- les articles 18 à 22 et les articles 19 à 26, 37 et 38 de la même loi, concernant l'enregistrement et le timbre (3); la loi du 1er décembre 1875 et l'article 36 de la loi du 28 avril 1893, relatifs à certaines exemptions des droits d'enregistrement (4); la loi du 18 juillet 1878, qui dispense des droits de timbre et d'enregistrement tous procès-verbaux, certificats, significations, jugements, contrats, quittances et autres actes faits en vertu de la loi du 3 juillet 1877 sur les réquisitions militaires et exclusivement relatifs au règlement de l'indemnité (5); - la loi du 11 juillet 1868 et les décrets des 10 août 1868 et 14 août 1877, sur les caisses d'assurances en cas de décès et en cas d'accidents résultant de travaux agricoles et industriels (6); — le décret du 28 novembre 1890, relatif aux assurances contractées par les sociétés de secours mutuels (7); la loi du 27 décembre 1892, sur l'arbitrage entre patrons et ouvriers (8).

L'application de la loi du 25 juin 1890, sur la répression par voie disciplinaire des infractions spéciales à l'indigénat (9), a fait l'objet d'un rapport au président de la République, pour la période comprise entre le 1er juillet 1891 et le 30 juin 1892 (10).

Un arrêté du gouverneur général de l'Algérie, du 10 août 1893, a

(1) Y compris les droits de licence sur la fabrication et la vente des boissons et tabacs, dont le produit a été évalué, pour 1893, à 1.665.400 francs, et, pour 1894, à 1.905.800 francs (V. suprà, p. 236, note 3). Y compris aussi le produit de la taxe sur l'alcool. (V. Annuaire, tome XI, p. 159, note 1.)

(2) Décret du 21 septembre 1893 (J. Off. du 24 septembre; Revue algérienne, 1893, p. 51); décret du 18 décembre 1893 (J. Off. du 21 décembre; Revue algérienne, 1894, p. 15).

(3) Décret du 28 juillet 1893 (J. Off. du 4 août; Revue algérienne, ibid., p. 48). (4) Décret du 28 juillet 1893 (J. Off. du 4 août; Revue algérienne, ibid., p. 36). (5) Décret du 5 juillet 1893 (J. Off. du 11 juillet; Revue algérienne, ibid., p. 35). (6) Décret du 15 avril 1893 (J. Off. du 26 avril; Revue algérienne, ibid., p. 27). (7) Décret du 21 août 1893 (J. Off. du 26 août; Revue algérienne, ibid., p. 49). (8) Décret du 9 septembre 1893; Revue algérienne, ibid., p. 50).

(9) V. Annuaire, tome X, p. 196.

(10) Ce rapport a été publié au Journal Officiel du 26 août 1893.

étendu le bénéfice des dispositions du décret du 4 décembre 1849 aux fonctionnaires et employés de l'administration civile qui justifieront de la connaissance de la langue berbère, dans l'un de ses trois dialectes: kabyle, tamachek et mozabite (1).

LOI DU 14 AVRIL 1893, AYANT POUR OBJET LA RECONNAISSANCE COMME ÉTABLISSEMENTS D'UTILITÉ PUBLIQUE DES SOCIÉTÉS INDIGÈNES DE PRÉVOYANCE, DE SECOURS ET DE PRÊTS MUTUELS DES COMMUNES DE L'ALGÉRIE (2).

Notice par M. Jules CHALLAMEL, avocat à la cour d'appel de Paris,

docteur en droit.

Le Coran fait un précepte formel de l'aumône, comme de l'hospitalité. Lors de la conquête, nos officiers eurent plus d'une fois l'occasion de constater l'importance des approvisionnements en grains contenus dans les silos de réserve, ou silos des pauvres. Mais la prévoyance n'est pas une vertu musulmane, et, dans certaines années de disette, on a vu les indigènes algériens, par centaines de mille, mourir de faim.

Après la famine effroyable de 1866-1867, le général Liébert, mettant à exécution l'idée généreuse que le capitaine Lapasset, avait déjà développée en 1847 (3), fit creuser des silos dans toutes les tribus des cercles de Téniet-el-Had, de Milianah et de Cherchel et il ouvrit des souscriptions en argent. Les silos furent aussitôt remplis gratuitement et des dons considérables versés par les chefs et les notables indigènes.

Sur divers points, cet exemple fut suivi et des sociétés de crédit et de secours se fondèrent sur le modèle de la société de Milianah. En 1869, le maréchal de Mac-Mahon, gouverneur général de l'Algérie, donna son

(1) « Il importe, en effet, dit cet arrêté, en présence du développement de nos relations dans le Sud, d'encourager l'étude des différents dialectes de la langue berbère, parlés dans les pays soumis à notre autorité ou compris dans notre zone d'influence. - V. Revue algérienne, 1894, p. 8.

(2) J. Off. du 15 avril 1893 Travaux préparatoires. Chambre projet de loi présenté le 6 mai 1890, exposé des motifs, doc. 1890, p. 631; rapport de M. Bourlier, doc. 1891 (session extraord.), p. 3048; adoption, 18 juin 1892. Sénat exposé des motifs, doc. 1892, p. 375; rapport de M. Lesueur, doc. 1893, p. 67; adoption, 2 mars 1893. Retour à la Chambre : doc. 1893, p. 227; rapport de M. Letellier, p. 363, adoption, 25 mars 1893.

(3) V. le Projet d'établissement de silos de prévoyance pour les tribus, servant en même temps de garantie de leur fidélité, par M. Ferdinand Lapasset, capitaine d'état-major, chef de bureau arabe, annexé au rapport de M. Bou: lier, loc cit., p. 3054.

approbation aux statuts de cette société et adressa à tous les chefs de cercle, pour avoir leur avis, un projet de décret définissant le rôle et le fonctionnement des sociétés de secours et de crédit mutuels.

«La guerre de 1870-1874, l'insurrection formidable qui en fut la suite en Algérie détournèrent l'attention de cette intéressante institution. Les silos de réserve, abandonnés aux soins des seuls indigènes, furent en grande partie dilapidés. La société de Milianah survécut seule, grâce à son organisation et ne cessa de fonctionner jusqu'à ce jour, bien qu'elle eût cessé de recevoir des dons et des cotisations à partir de 1871 (1).

« Jusqu'en 1874, le gouvernement perdit de vue ce qui avait été tenté dans cette voie. Son attention fut appelée alors au conseil supérieur, sur la nécessité de reprendre et de continuer l'œuvre abandonnée. C'est à partir de cette année que Palestro, Boghar (1874), Médéa (1875), l'annexe d'Alger, Orléansville (1876) reconstituèrent les silos des pauvres. Peu de temps après la remise du Tell à l'autorité civile, le préfet d'Alger fut invité par le gouverneur général Tirman (2) à prescrire la création de sociétés de prévoyance dans toutes les communes mixtes. Depuis lors, leur nombre s'est élevé à 64 dans les trois territoires civils, auxquelles il faut ajouter les six sociétés du territoire militaire d'Alger. »>

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L'organisation de toutes ces sociétés est calquée sur la première société créée, celle de Milianah. En voici les lignes principales: - Il n'existe qu'une société par commune, avec siège social au chef-lieu. - Son action s'étend sur tout le territoire communal, sans le dépasser. Elle comprend autant de sections que la commune possède de douars et de tribus. Elle n'est composée que de membres indigènes. La présidence du conseil d'administration appartient de droit au chef de la commune. Le conseil se compose des adjoints indigènes ou caïds des douars et tribus. Chaque section possède une commission locale responsable des silos de réserve de son territoire, chargée en outre d'apprécier la situation de tous ceux qui demandent des secours ou des prêts. L'avoir de la société est composé de réserves de grains et de numéraire. La gestion financière appartient au receveur des contributions diverses, receveur municipal. Le fonds social est propriété commune, indivisible; il ne produit ni intérêts ni dividendes attribués aux membres de la société (3). Le capital que possèdent aujourd'hui ces sociétés est fort élevé : 4 millions au 31 décembre 1890.

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Le moment semblait venu, pour fortifier leur action et leur donner de nouvelles facilités, de leur attribuer la personnalité civile et aussi de

(1) L'avoir de la société de Miliana était à cette époque de 85.934 fr. 33. (2) Lettre circulaire du 2 août 1882.

(3) « La pensée qui a entraîné les indigènes vers ces institutions n'a jamais varié elle a été avant tout charitable. Aucune idée de lucre, de profit autre que celui qui résulte du bénéfice du secours ou du prêt n'a dirigé un seul instant les sociétaires. Aucun d'eux n'a davantage imaginé que le versement de sa cotisation pouvait lui donner droit à une part de revenu. » — Rapport de M. Bourlier, loc. cit., p. 3048.

les autoriser à se prêter, de société à société, une partie de leurs disponibilités.

Tel est le but du projet que le gouvernement a soumis à l'approbation des Chambres et qui est devenu, après modifications de détails, la loi du 14 avril dont nous rapportons le texte ci-après.

Il avait été question, dans les délibérations du conseil supérieur de l'Algérie, de transformer les sseiétés de prévoyance en banques agricole; mais, le prêt à intérêt répugnant à l'esprit religieux des indigènes, on a craint de compromettre, par un changement si radical, des institutions qui, dans leur forme actuelle, ont parfaitement réussi.

Article 1er. Les sociétés indigènes de prévoyance, de secours et de prêts mutuels de l'Algérie ont pour but

:

De venir en aide, par des secours temporaires, aux indigènes ouvriers agricoles ou cultivateurs pauvres gravement atteints par les maladies ou les accidents; de permettre, par des prêts

annuels en nature ou en argent, aux indigènes fellahs ou khammès de maintenir et développer leurs cultures, d'améliorer et d'augmenter leur outillage et leurs troupeaux.

Elles peuvent consentir, jusqu'à concurrence du dixième de leurs fonds disponibles, des prêts à d'autres sociétés indigènes de prévoyance; contracter des assurances collectives contre l'incendie des récoltes, la grêle, les accidents.

Il leur est interdit de s'associer entre elles.

-

Art. 2. Il ne peut être créé qu'une société indigène de prévoyance par commune (1).

Son siège social est au chef-lieu. Elle comprend autant de sections qu'il y a de douars ou de tribus dans la commune (2).

(1) Le projet du gouvernement ne visait que les communes mixtes; il a paru aux commissions des deux Chambres que les sociétés de prévoyance devaient avoir leur place partout où il y a des indigènes.

(2) « L'organisation des sociétés indigènes a été basée sur l'unité communale. Mais comme les communes mixtes et indigènes sont très vastes et composées d'un nombre variable de sections, sous les noms de douars ou tribus, nous avons reconnu l'obligation de constituer, dans chaque douar ou tribu, une section de société ayant son avoir distinct et son conseil local. Il en résulte qu'une société indigène de prévoyance est en réalité une sorte de syndicat de sociétés locales. « Les djemâas de douars ou tribus, conseils locaux, ont la surveillance et la responsabilité des silos; elles en tiennent la comptabilité. Elles donnent leur avis sur tous les emprunteurs et elles indiquent le montant du crédit qui peut leur être ouvert. C'est donc dans le douar et la tribu que se manifeste la vie la plus active des sociétés indigènes de prévoyance. Le conseil d'administration de la société, sous la direction de la commune, joue le rôle de conseil général, conseil de surveillance tout autant que de direction.

« Cette organisation, qui n'est autre que celle qui existe aujourd'hui, n'a soulevé aucune critique, elle n'a montré aucun défaut qui justifient une modification. Il y a tout avantage à la conserver. » — Rapport de M. Bourlier, loc cit. p. 3033.

Les indigènes ayant leur domicile réel dans la commune ont seuls le droit d'en faire partie.

Art. 3. Chaque société est administrée par un conseil formé de membres indigènes en nombre égal à celui des sections, sans que ce nombre puisse, en aucun cas, être inférieur à six.

Le président de ce conseil est nommé par le préfet du département, sur une liste de trois membres présentés par le conseil municipal dans la commune de plein exercice et par la commission municipale dans les communes mixtes. Il est révocable par le préfet. Les fonctions de trésorier appartiennent de droit au receveur municipal.

La société est représentée dans chaque section par une djemâa. Toutes les fonctions administratives sont gratuites, celles de trésorier, de secrétaire du conseil d'administration ou de djemâa exceptées. Les remises et les indemnités de ces agents sont déterminées par le gouverneur général, sur la proposition des préfets ou des généraux.

Art. 4.

Nulle société indigène de prévoyance ne peut entrer en fonctions qu'après avoir obtenu l'approbation de ses statuts. Les statuts déterminent :

1o Le siège social et le but de la société;

2o Le mode d'admission ou d'exclusion des membres;

3° L'assemblée des sociétaires, le nombre des membres du conseil d'administration et des djemâas, le mode de désignation (1), la nature et la durée de leurs pouvoirs;

4° La composition du fonds social, la nature et le montant des cotisations;

5o Les conditions auxquelles sont accordés les secours et les prêts et contractées les assurances;

6o Le mode de placement et de retrait des fonds;

7° Les emprunts;

8° La surveillance des opérations;

(1) << Au sujet de cet article, la question du mode de nomination des membres des conseils locaux et du conseil d'administration a été soulevée dans le sein de la commission.

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L'opinion unanime des membres est favorable à la désignation par l'élection, autant qu'il sera possible. Cette mesure ne peut être accueillie que favoblement. S'il y a un terrain propice pour tenter une expérience électorale entre indigènes, c'est bien celui-ci, où l'intérêt des électeurs est bien défini et où par conséquent ils courent peu de risque de se tromper dans leurs choix, La pratique des élections est de nature à attacher davantage les indigènes et surtout les Kabyles à leurs sociétés. Elle produira chez tous un bon effet en leur montrant que nous sommes disposés à leur concéder les libertés dont ils peuvent faire usage. » . Ibid.

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