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autres ouvrages que j'ai à faire; et cependant, vous êtes assez simples pour donner toutes dans ce panneau. Mais enfin j'en ferai ma déclaration publiquement. Je ne prétends faire aucune réponse à toutes leurs critiques et leurs contre-critiques. Qu'ils disent tous les maux du monde de mes pièces, j'en suis d'accord. Qu'ils s'en saisissent après nous, qu'ils les retournent comme un habit pour les mettre sur leur théâtre1, et tâchent à profiter de quelque agrément qu'on y trouve, et d'un peu de bonheur que j'ai, j'y consens : ils en ont besoin, et je serai bien aise de contribuer à les faire subsister, pourvu qu'ils se contentent de ce que je puis leur accorder avec bienséance. La courtoisie doit avoir des bornes; et il y a des choses qui ne font rire ni les spectateurs, ni celui dont on parle. Je leur abandonne de bon cœur mes ouvrages, ma figure, mes gestes, mes paroles, mon ton de voix, et ma façon de réciter, pour en faire et dire tout ce qu'il leur plaira, s'ils en peuvent tirer quelque avantage je ne m'oppose point à toutes ces choses, et je serai ravi que cela puisse réjouir le monde. Mais en leur abandonnant tout cela, ils me doivent faire la grâce de me laisser le reste et de ne point toucher à des matières de la nature de celles sur lesquelles on m'a dit

1. En effet, Boursault s'était borné à retourner comme un habit, dans sa pièce, la Critique de l'École des femmes. Le plus curieux, c'est que de Visé applique cette expression à Molière lui-même, en l'accusant de stérilité et de monotonie: «< ARISTE. Il fait voir qu'il est plus épuisé qu'il ne le veut faire croire, et ne distribue pas un rôle à ses camarades qu'ils n'aient joué plus de dix fois.... ALCIPE. Il y a longtemps que nous n'avons rien vu de nouveau de iui: il nous fait voir les mêmes pièces de dix manières différentes, et on ne doit pas prendre le soin de les retourner, puisqu'il se donne lui-même cette peine. (La Vengeance des Marquis, scène 11.) On voit que de Visé tient à son chiffre dix, et comme Molière n'avait encore fait que juste dix pièces, il s'ensuivrait que c'était toujours la même pièce qu'il avait resservie au public sous dix titres différents. De Visé a négligé de nous expliquer pourquoi le public prenait tant de plaisir à revoir toujours ainsi la même chose.

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qu'ils m'attaquoient dans leurs comédies1. C'est de quoi je prierai civilement cet honnête Monsieur qui se mêle d'écrire pour eux, et voilà toute la réponse qu'ils auront de moi.

Mais enfin....

MADEMOISELLE BÉJART.

MOLIÈRE.

Mais enfin, vous me feriez devenir fou. Ne parlons point de cela davantage; nous nous amusons à faire des discours, au lieu de répéter notre comédie. Où en étionsnous? Je ne m'en souviens plus.

MADEMOISELLE DE BRIE.

Vous en étiez à l'endroit....

MOLIÈRE.

Mon Dieu! j'entends du bruit : c'est le Roi qui arrive assurément; et je vois bien que nous n'aurons pas le temps de passer outre. Voilà ce que c'est de s'amuser. Oh bien! faites donc pour le reste du mieux qu'il vous sera possible.

MADEMOISELLE BÉJART.

Par ma foi, la frayeur me prend, et je ne saurois aller jouer mon rôle, si je ne le répète tout entier.

MOLIÈRE.

Comment, vous ne sauriez aller jouer votre rôle ?
MADEMOISELLE BÉJART.

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1. Voyez divers passages de la Notice (p. 127, 128, 130, 141, 142 et 143, 147 et 148); et ci-dessus, p. 425 et note 5.

Ni moi.

Ni moi.

MADEMOISELLE HERVÉ.

MADEMOISELLE DU CROISY.

MOLIÈRE.

Que pensez-vous done faire ? Vous moquez-vous toutes de moi?

SCÈNE VI1.

BÉJART, MOLIÈRE, ETC.2.

BÉJART.

Messieurs, je viens vous avertir que le Roi est venu, et qu'il attend que vous commenciez.

MOLIÈRE.

Ah! Monsieur, vous me voyez dans la plus grande peine du monde, je suis désespéré à l'heure que je vous parle! Voici des femmes qui s'effrayent et qui disent qu'il leur faut répéter leurs ròles avant que d'aller commencer. Nous demandons, de grâce, encore ment. Le Roi a de la bonté, et il sait bien que la chose a été précipitée3. Eh! de grâce, tàchez de vous remettre, prenez courage, je vous prie.

un mo

1. Cette scène et les cinq suivantes n'ont pas de chiffres dans l'édition de 1682. A chacune, elle met simplement en titre, au-dessus des noms des acteurs, le mot SCÈNE.

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BÉJART, MOLIÈRE, LA GRANGE, DU CROISY, MESDEMOISELLES DU PARC, BÉJART, DE BRIE, MOLIÈRE, DU CROISY, HERVÉ. (1734.)

3. L'édition de 1734 coupe ici la scène de cette façon :

SCÈNE V.

MOLIÈRE, et les mêmes acteurs, à l'exception de Béjart.
MOLIÈRE.

Hé! de grâce....

MADEMOISELLE DU PARC.

Vous devez vous aller excuser.

MOLIÈRE.

Comment m'excuser?

SCÈNE VII.

MOLIÈRE, MLLE BÉJART, ETC.'.

UN NÉCESSAIRE 2.

Messieurs, commencez donc.

MOLIÈRE.

Tout à l'heure, Monsieur. Je crois que je perdrai l'esprit de cette affaire-ci, et......

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MOLIÈRE, et les mêmes acteurs, un Nécessaire. (1734.)

2. On dit d'un homme qui fait l'empressé dans une maison, qui s'y mèle de tout, qu'il fait le nécessaire :

Ils font partout les nécessaires,

Et partout importuns devroient être chassés.

(La Fontaine, fable 1x du livre VII, le Coche et la Mouche.)

C'est dans ce sens qu'on appelle ici, substantivement, des nécessaires, ces gens qui viennent dire à Molière de commencer, sans en avoir reçu la mission de personne. (Note d'Auger.)

SCÈNE VIII.

MOLIÈRE, MLLE BÉJART, ETC.'.

AUTRE NÉCEssaire.

Messieurs, commencez donc.

MOLIÈRE.

Dans un moment, Monsieur. Et quoi donc? voulezvous que j'aie l'affront...?

SCÈNE IX.

MOLIÈRE, MLLE BEJART, ETC.

AUTRE NÉCESSAIRE.

Messieurs, commencez donc.

MOLIÈRE.

Oui, Monsieur, nous y allons. Eh! que de gens se font de fête, et viennent dire : « Commencez donc, » à qui le Roi ne l'a pas commandé!

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MOLIÈRE, et les mêmes acteurs, UN SECOND NÉCESSAIRE.

LE SECOND NÉCESSAIRE.

Messieurs, commencez donc.

MOLIÈRE,

Dans un moment, Monsieur. (A ses camarades.) Hé quoi donc? Voulez-vous que j'aie l'affront...?

SCÈNE VIII.

MOLIÈRE, et les mêmes acteurs, UN TROISIÈME NÉCESSAIRE.

LE TROISIÈME NÉCESSAIRE.

Messieurs, commencez donc. (1734.)

2. « Cet homme se fait de fête, pour dire qu'il veut se rendre nécessaire, ou se mêler d'une chose où il n'est point appelé.» (Dictionnaire de Furetière,

1690.)

MOLIÈRE. III

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