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entourent, à de tels résultats, y sont encouragés et maintenus; et où satisfaits de ces résultats et croyant avoir travaillé pour la science et la philosophie, ils s'écrient, non sans courage:

« Le respect pour une grande doctrine ne peut << faire oublier à la philosophie actuelle ses droits « et ses devoirs.... La science ne connaît d'autre << orthodoxie que la vérité... La science n'a rien << de commun avec la politique, elle n'en connaît << ni les ménagements, ni les compromis. Que les << ennemis de la philosophie, se défiant de ses œu« vres, s'alarment de ses efforts, eux qui procla«< ment la raison humaine impuissante et déchue, « qu'à tout propos ils évoquent le spectre de l'a<< narchie et la fausse image de l'autorité pour dé«< courager et abêtir les intelligences, ils sont dans <«< leur rôle, et nul ne s'étonnera ni ne s'indignera « de leur jeu'. »

Nous l'avons vu, Monsieur, il ne s'agit ici ni de science ni de philosophie. N'appelons pas philosophie la sophistique, et ne donnons pas à l'erreur le nom de science.

Puis vient une note où vous citez le mot de Pas

1 T. III, préface.

«< cal: Faites de même (comme ceux qui croient) << naturellement même cela vous fera croire et

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« vous abêtira. - Mais c'est ce que je crains. · Et « pourquoi? Qu'avez-vous à perdre? »

Eh bien! ce livre et cette préface m'ont fait comprendre le sens du mot de Pascal, que je n'avais jamais compris. Oui, abêtissons-nous comme Pascal; qu'avons-nous à perdre?

Evidemment nous n'avons rien à perdre, et si nous y perdions quelque chose, ce serait l'étrange sophistique où notre esprit s'égare, et notre déplorable et inconcevable ignorance du Christianisme, qui est la vérité.

Dégagés par ces pertes, nous pourrions retrouver le sens droit, et l'usage des nobles facultés que nous tenons de Dieu, et la jouissance libre et saine de cette lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde.

Reprenons.

X.

L'athéisme, disons-nous, est aujourd'hui enseigné, publié, dans un livre qui passe pour important et pour savant, qui est écrit, en tout cas, par un esprit élevé, par un homme laborieux, sérieux, convaincu; par l'homme chargé depuis douze ans de la direction des études de l'École normale, source de l'enseignement public en France; et ce livre a été couronné par l'Institut. C'est là ce que j'appelais en commençant, un événement plus que littéraire, ou plutôt un symptôme caractéristique, à la vue duquel tout homme sensé comprendra qu'il s'agit aujourd'hui de nous sauver de la barbarie qui approche.

L'Europe, évidemment, retomberait dans la barbarie si elle souffrait que les sophistes, après avoir cherché pendant un siècle à renverser la foi au nom de la raison, travaillassent maintenant aussi pendant un siècle à détruire la raison; or, c'est ce qu'ils entreprennent sous nos yeux, dog

matiquement et systématiquement, depuis un quart de siècle au moins.

Il y a au centre de l'Europe, en Allemagne, un foyer d'où rayonnent en tous sens et dans tous les ordres d'idées, en religion, en philosophie, en littérature, en science naturelle, en science sociale et politique, un esprit de sophisme plus audacieux et plus absurde que celui des sophistes grecs.

On annonce une logique nouvelle, fondée sur un principe nouveau, celui de l'identité absolue; principe d'où résulte l'identité de Dieu et du monde, de l'esprit et de la matière, de la nécessité et de la liberté, du bien et du mal, du juste et de l'injuste, du vrai et du faux, de l'être et du néant; en un mot, l'identité des contraires et des contradictoires. C'est la négation même de la raison. C'est la destruction même du principe essentiel et fondamental sans lequel il n'y a plus ni parole, ni pensée, savoir : l'impossibilité d'affirmer en même temps le Oui et le Non sur le même point.

Les sophistes eux-mêmes le sentent bien et n'en disconviennent pas. Ils attaquent formellement ceux qui, après avoir repoussé la foi, prétendent s'en tenir à la raison, et ils les nomment, comme

nous, rationalistes; et ils frappent sur ce qu'ils appellent, «<le soi-disant juste milieu rationa<< liste. »

« Le rationalisme et le christianisme, dit l'un « de ces sophistes, ont un seul et même prin« cipe. »

<<< Le rationaliste, dans sa théorie, croit en Dieu, «< comme s'il était un fidèle orthodoxe; il fris<< sonne à la seule idée d'athéisme. »

« Le rationalisme est aussi bien convaincu << de l'immortalité que le christianisme pur << sang ...... >>

Et non-seulement les enfants perdus du système, mais le maître lui-même, Hégel, est forcé d'exprimer et d'avouer incessamment sa guerre à la raison. Sait-on comment? Le voici: Ce sophiste distingue deux sens du mot raison, qu'il exprime en -allemand par deux mots. Il y a pour lui deux raisons dont l'une est la raison telle qu'elle nous est donnée, et l'autre la raison telle que nous la faisons. L'une est la raison vulgaire, commune, le bon sens, le sens commun. L'autre est la raison

1 Ewerbeck.

Qu'est-ce que la Religion', d'après la nouvelle philosophie allemande? p. 583.

2 Verstand et Vernunft.

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