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II.

Voici donc comment vous établissez par l'histoire et l'étude des textes que le dogme chrétien s'est développé successivement sous l'influence de la philosophie.

Il y a eu, dites-vous, progrès de la théologie chrétienne dès le temps des apôtres, de saint Pierre à saint Paul, de saint Paul à saint Jean; puis il y a eu progrès chez les Pères de l'Église. Selon vous, les lacunes du dogme sont évidentes chez les apôtres et chez les premiers Pères, au point que, les Pères alexandrins jusqu'à Origène inclusivement, n'ont encore affirmé définitivement ni le dogme de la divinité de Jésus-Christ, ni celui de la Trinité. Vous dites' que « les Pères «< alexandrins n'atteignent point encore la vraie <«< formule de la Trinité; » qu'Origène «< va même jusqu'à prétendre que le père seul est le vrai « Dieu.... Qu'à cette époque la théologie chré<< tienne était encore loin de la Trinité proprement

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1 T. I, p. 290 et 291.

dite; tant qu'elle resta soumise aux influences « de l'Orient (vous supposez qu'elle y resta jus

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qu'après Origène), elle maintint le Verbe et l'Es<< prit-Saint en dehors de la nature divine, et ne « put comprendre la consubstantialité du Père, « du Fils et de l'Esprit'. »

Quiconque a quelque teinture d'histoire et de théologie sera bien étonné de ces assertions. Mais l'étonnement redoublera quand on verra comment vous les soutenez.

Voyons d'abord les lacunes du dogme chez les apôtres et le progrès de saint Pierre à saint Paul, de saint Paul à saint Jean.

Selon vous, saint Pierre n'est presque encore qu'un juif « qui ne comprend qu'à demi la su<«<blime doctrine du sermon sur la montagne. << Comme l'Église de Jérusalem, il veut qu'on << soumette les étrangers à la circoncision et aux << diverses pratiques de la loi de Moïse . Saint « Pierre, comme saint Jacques, « ne voit et ne pres<< crit rien au-delà de la loi ; » en général « servance scrupuleuse de la loi de Moïse.... le

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« l'ob

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<< royaume de Dieu réservé parmi les hommes aux « Juifs.......tel est l'esprit de l'Eglise de Jérusalem...

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qui réduisait le Christianisme aux étroites pro

portions d'une secte juive '. » C'est saint Paul

qui porte la parole aux Gentils, et les affranchit << des pratiques de la loi de Moïse'. » Saint Paul apporte un point de doctrine qui lui est propre, l'idée de la foi : « cette distinction de la loi et << de la foi est le principe et le fond de toute la «< doctrine de saint Paul3; saint Paul d'ailleurs, « le premier, définit la nature et les fonctions du << Fils par rapport au Père 4. Mais saint Paul, à <«< son tour, avait affirmé toutes ces choses sans << s'élever au principe qui les domine et les com

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prend 5. C'est un autre génie qui va renouer la «< chaîne traditionnelle interrompue par l'entre<< prise révolutionnaire de saint Paul: c'est le << mystique auteur de l'Apocalypse. » Lorsque saint Jean dit : « le Verbe, c'est la vraie lumière

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qui éclaire tout homme venant en ce monde, il << énonce une pensée nouvelle par rapport à saint << Paul 7. Le lien qui rattache le Verbe à Dieu, saint

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5 T. I, p. 193. — 6T. I, p. 493. — 7 T. I,

<< Jean le conçoit plus intime que saint Paul. C'est << saint Jean qui a pu dire, non pas seulement que << le Verbe est en Dieu, mais encore qu'il est Dieu...... « Dans saint Paul, Jésus-Christ est seulement proclamé Fils de Dieu '. »

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D'où il suit que :

« Le développement et le progrès de la nou<< velle doctrine est manifeste de saint Pierre à << saint Paul, de saint Paul à saint Jean. Avec saint « Pierre, la doctrine n'était encore que la loi; «< avec saint Paul, elle devient la foi; avec saint « Jean, l'amour 2. »

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« On pourrait, en quelque sorte, résumer tous « les progrès de sa doctrine primitive, dans les << transformations par lesquelles a passé l'idée du « Christ, de saint Pierre à saint Paul, et de saint << Paul à saint Jean'.

<< Pour tous les trois, le Christ est le fils de Dieu. <<< Mais pour saint Pierre et l'Église de Jérusalem, << le Christ est le type du peuple juif, le fils de Da« vid; pour saint Paul, le Christ est le type de « l'humanité, le fils de l'homme, le fils d'Adam; << pour saint Jean, le Christ est le type de la vie

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« universelle, le verbe de la nature aussi bien que « de l'humanité. On voit ainsi la pensée chrétienne << s'élever du judaïsme à l'humanité, et de l'hu«manité au monde. >>

Or, pour que vous, Monsieur, homme sincère et intelligent, ayez pu écrire ces lignes, il faut de toute nécessité que vous ayez écrit sans rien vérifier par les textes, car de tout ce que vous affirmez sur ce point, il n'y a rien de vrai, tout est purement faux, et il n'y a pas à discuter. C'est une question de fait, et le fait est sous nos yeux. Le fait ici c'est le Nouveau Testament. Ouvrons-le.

Vous dites que : « Saint Pierre veut qu'on sou<< mette les étrangers à la circoncision et aux di<< verses pratiques de la loi de Moïse.» « C'est saint << Paul qui affranchit les Gentils des pratiques de <<< la loi de Moïse et qui apporte cette distinction de << la loi et de la foi qui fait le fond de sa doctrine.»

Or, il se trouve qu'il y a dans les actes des apôtres deux discours de saint Pierre, l'un pour soutenir, contre les reproches de quelques judaïsants, que les Gentils doivent être admis dans l'Église; l'autre pour démontrer qu'il ne faut pas soumettre les Gentils à la loi de Moïse. Les deux discours se trouvent au chapitre XI et au chapitre XV.

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