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NICOLE.

Eft-ce ainfi que vous recevez....

CLEONTE.

Retire-toi, te dis-je ; & va-t-en, de ce pas, dire à ton infidéle maîtreffe qu'elle n'abufera de fa vie le trop fimple Cléonte.

NICOLE.

Quel vertigo eft-ce donc là? Mon pauvre Covielle, di-moi un peu ce que cela veut dire ?

COVIELLE.

Ton pauvre Covielle, petite fcélérate? Allons vîte, ôte-toi de mes yeux, vilaine; & me laiffe en repos, NICOLE.

Quoi! Tu me viens aufsi......

COVIELLE.

Ote-toi de mes yeux, te dis-je, & ne me parle de ta vie,

NICOLE à part.

Ouais! Quelle mouche les a piqués tous deux ? Allons de cette belle histoire informer ma maîtreffe.

Q

SCENE IX.

CLEONTE, COVIELLE.

CLEONTE.

Uoi! Traiter un amant de la forte; & un amantle plus fidéle, & le plus paffionné de tous les amans? COVIELLE.

C'eft une chofe épouvantable, que ce qu'on nous fait à tous deux.

CLEONTE.

Je fais voir pour une perfonne toute l'ardeur, & toute la tendreffe qu'on peut imaginer; je n'aime rien au

monde qu'elle, & je n'ai qu'elle dans l'efprit; elle fait tous mes foins, tous mes defirs, toute ma joie; je ne parle que d'elle, je ne penfe qu'à elle, je ne fais des fonges que d'elle, je ne refpire que par elle, mon cœur vit tout en elle; & voilà de tant d'amitié la digne récompenfe! Je fuis deux jours fans la voir, qui font pour moi deux fiécles effroyables, je la rencontre par hazard, mon cœur à cette vûe se sent tout transporté, ma joie éclate fur mon vifage, je vole avec raviflement vers elle; & l'infidéle détourne de moi fes regards, & paffe brusquement, comme fi de fa vie elle ne m'avoit vû.

COVIELLE. Je dis les mêmes chofes que vous.

CLEONTE.

Peut-on rien voir d'égal, Covielle, à cette perfidie de l'ingrate Lucile?

COVIELLE.

Et à celle, Monfieur, de la pendarde de Nicole?

CLEONTE.

Après tant de facrifices ardens, de foupirs & de vœux que j'ai faits à fes charmes,

COVIELLE.

Après tant d'affidus hommages, de foins & de fervices que je lui ai rendus dans fa cuifine,

CLEONTE.

Tant de larmes que j'ai versées à ses

COVIELLE.

genoux,

Tant de seaux d'eau que j'ai tirés au puits pour elle,

CLEONTE.

Tant d'ardeur que j'ai fait paroître à la chérir plus que moi-même,

COVIELLE.

Tant de chaleur que j'ai soufferte à tourner la broche à la place,

CLEONTE.

Elle me fuit avec mépris?

COVIELLE.

Elle me tourne le dos avec effronterie?

CLEONTE.

C'est une perfidie digne des plus grands châtimens. COVIELLE.

Ç'eft une trahison à mériter mille foufflets.

CLEONTE.

Ne t'avife point, je te prie, de me parler jamais pour elle,

COVIELLE.

Moi, Monfieur? Dieu m'en garde.

CLEONTE.

Ne vien point m'excufer l'action de cette infidéle,

N'ayez pas peur.

COVIELLE.

CLEONTE.

Non, vois-tu, tous tes difcours pour la défendre, ne ferviroient de rien,

COVIELLE.

Qui fonge à cela?

CLEONTE.

Je veux contre elle conferver mon reffentiment; & rompre enfemble tout commerce,

J'y confens.

COVIELLE.

CLEONTE.

Çe Monfieur le comte qui va chez elle, lui donne peut-être dans la vue; & fon efprit, je le vois bien, fe laiffe éblouir à la qualité. Mais il me faut, pour mon honneur, prévenir l'éclat de fon inconftance. Je veux faire autant de pas qu'elle au changement où je la vois courir ; & ne lui laiffer pas toute la gloire de me quit

ter.

COVIELLE.

C'eft fort bien dit ; & j'entre, pour mon compte, dans tous vos fentimens.

CLEONTE.

Donne la main à mon dépit; & foutien ma résolution contre tous les reftes d'amour qui me pourroient parler pour elle. Di-m'en, je t'en conjure, tout le mal que tu pourras. Fais-moi de fa perfonne une peinture qui me la rende méprifable; & marque-moi bien, pour m'en dégoûter, tous les défauts que tu peux voir en elle.

COVIELLE.

Elle, Monfieur ? Voilà une belle mijaurée, une pimpe-fouée bien bâtie, pour vous donner tant d'amour. Je ne lui vois rien que de très-médiocre ; & vous trouverez cent perfonnes qui feront plus dignes de vous. Premiérement, elle a les yeux petits.

CLEONTE.

Cela eft vrai, elle a les yeux petits; mais elle les a pleins de feux, les plus brillans, les plus perçans du monde, les plus touchans qu'on puiffe voir.

COVIELLE.

Elle a la bouche grande.

CLEONTE.

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en la

voyant,

Oui; mais on y voit des graces qu'on ne voit point aux autres bouches; & cette bouche infpire des defirs, elle eft la plus attrayante, la plus amoureuse du monde.

COVIELLE.

Pour fa taille, elle n'eft pas grande.

CLEONTE.

Non; mais elle eft aifée, & bien prise.

COVIELLE.

Elle affece une nonchalance dans fon parler, & dans Les actions.

CLEONT E.

Il eft vrai; mais elle a grace à tout cela ; & fes maniéres font engageantes, ont je ne fais quel charme à s'infinuer dans les cœurs.

COVIELLE.

Pour de l'efprit...

CLEONTE.

Ah! Elle en a, Covielle, du plus fin, du plus déli

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Veux-tu de ces enjoûmens épanouis, de ces joies toujours ouvertes? Et vois-tu rien de plus impertinent que des femmes qui rient à tout propos?

COVIELLE.

Mais enfin elle eft capricieuse autant que personne du monde.

CLEONTE.

Oui, elle eft capricieuse, j'en demeure d'accord; Mais tout fiéd bien aux belles, on fouffre tout des belles.

COVIELLE.

Puifque cela va comme cela, je vois bien que vous avez envie de l'aimer toujours.

CLEONTE..

Moi? J'aimerois mieux mourir ; & je vais la haïr autant que je l'ai aimée.

COVIELLE.

Le moyen, fi vous la trouvez fi parfaite?

CLEON TE.

C'eft en quoi ma vengeance fera plus éclatante, en

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